Lire Nothomb sinon rien, ou le plaisir de lire est ailleurs
Lire instaure les meilleurs moments de
l’existence. L’ivresse en moins. Quoi que, parfois… Nous sommes cernés par une
production livresque incantatoire en ce mois de septembre de toutes les
feuilles qui commencent à tomber. Des biens, des nuls, des inutiles, des
pauvres, des idiots, des livres… que de livres, de livres… Le règne de la
marchandise remplit son office. Eternellement.
Lire reste l’immaturité d’un monde qui ne
déplie guère les ailes de la clarté. Nous sommes évincés. Mieux : des
évincés. Après avoir été rincés de tant et tant de mièvreries. L’insipide me
revient en mémoire. Chaque fois que je prends un train, une rame métropolitaine
ou un bus, je ne vois que les mêmes couvertures dans les mains. Certes,
nombreux sont les voyageurs à lire. Les mêmes remugles de la distraction. Pure
distraction ? Pas autant qu’on le croirait. La plupart de ces livres
communs reflètent le monde –c’est évident-
quand ils ne sont pas bellement les supports de la pensée commune, la
concrétion délétère de la marchandisation du monde dans et par l’universalisation
de la culture des veaux. Vaste batterie humaine. Je connais par exemple moult
compères –au demeurant fins connaisseurs
de la littérature- lisant le « dernier
Nothomb » comme le Messie papivore fait bouquin. J’ai bien tenté il y
a longtemps de parcourir cette shampooineuse du verbe… je n’y arrive pas.
Phrases sèches, volonté de plaire au lecteur lambda sous lui à chaque
paragraphe, le joyeux monde d’Amélie est nimbé de drôleries, d’humeurs fécondes
et de vues réconfortantes avec la société telle qu’elle est. Ça marche ?
Ben, oui. Tant mieux pour elle.
Sans moi, tout ce fatras de bons sentiments,
sans moi. De bonnes phrases aussi courtes –faut
pas gêner le rythme de lecture- qu’engoncées dans l’insignifiance, c’est du
Nothomb. Tu me rétorqueras, fin lecteur que tu es, humaniste généreux et
patenté disert sur la tolérance : « les goûts, les couleurs, les petites robes de printemps, au-dessus,
sous le genou… c’est affaire strictement personnelle, affaire intime, voire
choix d’image de soi, pour et en soi, synthèse des méandres tragiques de
l’existence de l’être vers la mort ». Tu me le diras et je ne cesserai
de m’aplatir devant ton point de vue sensé, très sensé. Et puis, pourquoi lire
tel ou tel titre, tel ou tel auteur. On me dit souvent : « quoi, tu n’as pas lu ce livre, cet
auteur !!?? ». Eh non… Mais j’ai lu machine, machin, etc. Ma
bibliothèque est aussi vaste que mon allant pour un monde à la Vivaldi. Une
folie, une splendeur, une ronde avec des hanches sous mes doigts. Un relent du
Vésuve pour qui pourrait la parcourir. Lire allongé, oui, me coucher pour lire ce qu’il faut lire, qui il faut lire, jamais !
Pourquoi m’embarrasser de Nothomb, Angot, Houellebecq
et autres ? Ah, non, c’est faux. J’ai lu tout Houellebecq en vue d’un
article dit scientifique paru sur les écrivains fascistoïdes en France. Je
n’aurais pas pu m’en passer pour montrer les arcanes, stratégies éditoriales et
scripturaires qui fondent les humeurs et l’esprit du temps de la guerre à
venir. Avec une nouvelle mouture de ce que deviendra une forme nouvelle de
fascisme à la française, principalement arc-bouté sur des idées, thèmes,
slogans de gauche et son européisme (libéral
ou son « Europe sociale », qu’importe
l’origine), l’alter-mondialisme et toutes les prétentions diverses et
avariées « pour tous ».
Perpétuer l’âme vagabonde ne relève pas plus
d’un péril d’écrivain qu’un lancer franc hors zone pour un grand sportif
tout musclé des bras et en détente. Nous sommes tous les esclaves du quant-à-soi, du qu’en-dira-t-on, du pensons-baisons-bossons
tous dans la même direction généralement en position horizontale, rêvant « un monde plus juste », plus de
couleurs « à nos vies »,
des « pépites plein la tête »
et « des étoiles plein les yeux ».
Nous sommes les sous-merdes des Anciens, nos yeux énucléés, nos têtes remplies
du vide sidéral de nos heures salariées pour des motivations évanescentes et
les étoiles qui ne se retrouvent, en fin de compte, qu’« A ton étoile » de Noir désir, chez ce poète maudit, tellement
maudit qu’il ne sera plus jamais un « homme
pressé » à l’arrière du taxi de son existence.
LSR.
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