Emmanuel Todd sort du bois contre la bien-pensance, par Patrice
La dictature de la pensée
unique.
Ne
pas dire comme "les autres",
ne pas faire comme "les autres",
ne pas penser comme "les autres"
devient le drame de la démocratie. Vouloir s'exonérer ou se différencier de la
multitude, c'est se marginaliser. Etre différent, ce qui n'est que très
relatif, c'est surtout ne pas voir, ne pas apprécier, ne pas aborder et ne pas
comprendre comme "les autres".
Il
ne s'agit aucunement d'une volonté mais d'un réflexe, d'une réaction spontanée.
On finit par se poser la question de son identité. Une chose dont on finit par
être sûr, c'est d'être différent tant on aborde les choses autrement. A se
demander si l'on est bien normal… En tout cas pas conforme, pas dans le moule.
Pourquoi certains ont-ils (elles) de
façon instantanée une autre perception, une autre approche, voire une autre
compréhension des choses et des gens ? Oh, on n'est pas plus intelligent
pour autant ! On n'est pas plus malin ! Au contraire, de crainte de
faire valoir une autre perception des choses et des gens, on finit par fermer
sa gueule et se faire oublier. Faire passe-muraille… Fomec on disait (pour les
garçons) dans l'armée. Tout plutôt que le conflit ad vitam aeternam. Confiné à la réclusion. Pas la guerre tous les
jours ! Et pourtant, comment faire autrement ?
La
pression du plus grand nombre est pesante car elle domine. Elle s'expose. Pire,
elle se devine ! On la sent, là, prête à vous faire le reproche. D'abord à
vous regarder de travers. Un sourire esquissé devient le plus beau des cadeaux.
Enfin un peu d'air ! Un ouf de soulagement, comme d'espoir. Une fenêtre
qui s'entrouvre sur un possible avenir. Le poids de la "normalité", de la standardisation
est étouffant, castrateur. Comme il était (et
est encore) mal vu et mal venu d'afficher ce que l'on est et comment on
pense, il est toujours aussi mal vu de le faire savoir sous peine du rejet, de
l'anathème, de l'exclusion du cénacle. Celui-là même qui est fait d'autorité
grégaire et qui croit avoir raison par le nombre. Celui qui édicte les termes
du contrat de sociabilité et peut vous désigner comme iconoclaste et vous
excommunier, en fait pour vous tuer, vous annihiler, vous détruire, vous
exclure des rangs des humains "normaux".
C'est bien d'un lissage par une religion auquel vous voulez échapper.
Il suffit
de voir, entendre et lire les anathèmes et la bronca soulevée par les propos de
certains auteurs contemporains pour comprendre jusqu'où cela peut aller.
Demandez donc à Emmanuel Todd*, en ce moment, comment il vit le fait d'être
stipendié, vilipendé car il a l'outrecuidance de percevoir les choses autrement
et de le dire, de l'écrire même soit la pire des hérésies. Etre mis à l'index
de la bien-pensance globalisante, castratrice, c'est une croix à porter (!).
Hors
du plus grand nombre, là où est censé se trouver la raison, la voie de
référence, où se trouve la maison de tous c'est-à-dire l'église, le lieu de
paix par excellence tel qu'on nous la vante et nous la vend. Le lieu de
l'uniformité et du droit imposé du dénominateur commun. Là où pourtant on se
veut, on se dit ouvert à tous, mais pas à tout. Seulement à tous ceux qui nous
ressemblent. Il n'y a pas de dérogation possible. C'est être du troupeau ou ne
pas être, sauf pour soi-même et ne pas réclamer un droit à la différence. Cela
n'existe pas. « Vous ne me dérangez
pas tant que nous sommes d'accord », et la messe est dite !
Patrice
C.
(*)
Qui fait paraître cette semaine Qui est Charlie – Sociologie d’une crise
religieuse, Editions du Seuil. 18 euros .
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