Politique internationale de la Russie (II)
(II) La
position de la Russie nourrit-elle un retournement géostratégique pour 2016 ?
Après la rencontre
Netanyahou-Poutine cette semaine, Europe et Etats-Unis doivent réviser leur
copie au Moyen-Orient contre Daech/Etat
islamique.
Après les appels aux principes et autres condamnations
morales faciles portées contre la Russie pour son soutien à Bachar Al-Assad,
même si la France réitère depuis hier la condition du dépôt d’Al-Assad en
Syrie, le principe de réalité en géostratégie s’impose durablement.
L’émotion, les cris d’orfraies et les
bons sentiments ne font plus bon ménage devant l’échec général de la stratégie
des occidentaux en quatre ans de non-règlement du drame au Moyen-Orient. La
coalition autour de la Syrie opposée aux positions iranienne et russe, les
soutiens logistiques et frappes aux côtés de l’armée syrienne libre et
les discussions avec sa branche politique, le conseil national syrien, n’a pas
fait bouger d’un iota la situation. Au contraire, les incapacités et failles à
lutter contre Daech de la part des « rebelles » de l’armée
syrienne libre et son conseil démontrent une incurie fomentant
l’enterrement de la stratégie occidentale à Damas.
De son côté, la Russie n’a jamais
cessé de proposer son rôle d’intercesseur diplomatique pour desserrer le goulot
d’étranglement syrien et tenter de mettre à jour une solution avec le régime de
Bachar Al-Assad. Comme les crimes ininterrompus de Daech -et surtout ses
avancées sur le terrain- paraissent plus mortifères et dangereux que le
maintien au pouvoir de la famille Al-Assad aux yeux de la communauté
internationale, la position russe semble plus réaliste et plus raisonnable.
Merkel et Hollande peuvent jouer du menton, dénoncer le régime en place de
Damas, les 4 millions de Syriens fuyant les conflits et les positions acquises
par Daech tourneboulent la donne
internationale. Leurs bonnes morales verbales sont un dernier tour de piste.
En fait, sans le prononcer, ou du
bout des lèvres, les occidentaux commencent à tenir compte des vues des
Russes : priorité est donnée toute affaire cessante à la lutte contre le
terrorisme islamiste international. Or, la Russie est le pays le plus arrimé à
une lutte jusqu’à la victoire contre Daech.
L’UE et les Etats-Unis peinent à s’allier à Moscou. Surestimée dans sa
puissance lors de la « guerre froide »,
la Russie a été par la suite assurément négligée au cours de l’après-URSS dans
sa capacité de rebond au plan économique et politique interne. Qui plus est, son
rôle international au Moyen-Orient en a été oublié. Erreur majeure des
européens et américains. Poutine et l’armée russe ont déployé des fêtes
nationales et des manœuvres militaires gigantesques et efficaces sur le terrain.
Elles démontrent la puissance militaire russe et le modernisme maîtrisé de son
armée capable de projeter des forces au Moyen-Orient.
Poutine est un fin stratège, formé à
l’école de la discrétion et du jeu royal des échecs. Il pousse, depuis son règne,
sa diplomatie à la plus grande discrétion et efficacité pour avancer un à un
des pions. Aussi, le traitement des cas ukrainiens, géorgiens et en Crimée est
mené sans provocation aucune à l’endroit des pays occidentaux. Les rodomontades
des uns tombent à plat. La Russie s’est crédibilisée et rendue incontournable.
Poutine a retourné une situation où USA et Europe le plaçaient en criant devant
le fait accompli. L’inverse est dorénavant vrai, mais sans cri de victoire ni
satisfecit patriotique. Discrétion et modestie, vous dis-je. Qui plus est, Poutine
a joué un rôle fondamental, à l’instar du Vatican, dans l’aplanissement de la
situation avec l’Iran, jusqu’aux négociations de cet été stabilisant une donne
internationale qui était jusque-là tendue. En sus, les échecs occidentaux qui
se sont multipliés au Moyen-Orient nourrissent désormais le virage réaliste
pris par la « communauté »
internationale à la faveur d’une véritable école géostratégique russe,
circonspecte et rigoureuse quant à sa connaissance de tous les terrains, qu’ils
soient des organismes internationaux et des réalités politiques locales ou
qu’ils se tiennent dans les conceptions théoriques de ladite « communauté » mieux habituée au jeu
du poker menteur qu’à la dureté du grand échiquier.
LSR
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