Un air de déjà vu. La Corse en un acte.
Corse :
atmosphère d’irresponsabilité générale.
Cette fin d’année 2015 nous promet
quelques belles péripéties politiques pour la suivante. Après la pompe en berne
des pirouettes électorales, les verbatim
provocateurs des uns et des autres, les insurmontables expressions de joie
débordante du premier ministre, les cartes postales du retour de Monsieur l’Ex tout bringuebalant entre
deux de ses anciens ministres, toutes les promesses seront tenues. Soyez-en
persuadés !
Ours du Mexique, femme à barbe, petit
phoque ventriloque aveugle et serpents charmeurs, le Grand Cirque France est
ouvert.
Tsin-tsin-tsouin.
« Il vous accueille,
Mesdames-Messieurs, le Grand Cirque France, et tout cela à des prix que
toute la concurrence nous envie. Le Cirque France, pour vous les petits, pour vous les
enfants, nous avons pensé à tout. A votre plus excessif plaisir garanti, à tous
les gags les plus hilarants. Mieux que les fusillades journalières aux
States, vous disposerez des jeux dernier
cri de Marianne à gogo, de la barbe-à-papa en pagaille, des meringues
sucrées-salées pour tous… Entrez, entrez, le Cirque France a de nouvelles
régions, mais la Corse reste ce qu’elle veut, une et contre toutes ».
Excès des discours, symboliques
républicaines détournées, apparats de la violence légale de l’Etat remise au
goût des temps. Rien n’y fera, l’éclatement du plaisir en barres explose.
Vrombir, fulminer ou encore rendre martiales les déclarations ne résoudra jamais
aucun problème. Françaises, Français, 2016 sera exemplaire, tout va pour le
mieux… La Corse nous rappelle à l’ordre entre vos orgies de vins à deux balles
et vos chapons élevés en batteries.
L’arrestation d’Ivan Colonna, dans
les environs d’Olmeta en juillet 2003, a permis au pouvoir de l’époque de
montrer un singulier talent ménager à savoir glisser la poussière sous les
tapis de préfecture. Le « problème
Corse » était réglé, selon le ministre de l’Intérieur Sarkozy, l’assassinat
du préfet Erignac en passe d’être résolu. Bien, bien…
Des manifestants citoyens ont défilé
de nombreuses fois dans les rues de Bastia, Ajaccio, Corte pour livrer un
sentiment de filiation irréductible à la République. Peuchère, rien n’y a fait. Les « nationalistes » à l’empreinte délinquante dans les trafics de
toutes sortes (drogues, armes, jeux de
Marseille à Paris…) ont su organiser plusieurs strates tactiques à leurs
positionnements politiques dans l’Ile de Beauté.
Nos anciens activistes rangés des bagnoles, un peu comme le SAC
de naguère pour les pompidolistes, ont tantôt servi de supplétifs aux renseignements,
tantôt braconné sur les terres électorales dans des rôles subalternes. Pendant
ce temps, d’autres plus aguerris au jeu de la notabilité reconquéraient de
haute main la prise de contrôle progressive des rouages du pouvoir local que
les différentes lois de décentralisation et déconcentration ont autorisé. Respect
du chef et de la ligne prescrite ont été accepté par toute la piétaille énervée
des maquis. Chef, oui chef, je t’obéis en
tout, jusqu’à la muerte !
On les a dit calmés des sauteries des
« nuits bleues », ces
bombes éclatant les beaux soirs de coucher du soleil. On a cru qu’ils étaient
devenus pacifiques, voire coulant des
siestes heureuses à l’ombre de l’olivier centenaire. Pour la pureté locale, quelques
lycéens et étudiants nostalgiques de la guérilla de papa, drapeau de Paoli en
tête de cortège, ont un peu fait jaser à Paris. Sous cape, on les surveillait d’un
œil, particulièrement confiant en les grands papas domptés et les friandises qu’ils
offraient en gage.
Pourtant, ils reviennent gaillards
depuis la victoire dans les ruines régionales des derniers scrutins. Cagoules, lunettes
sombres sur le nez d’une gentille marmaille toujours tirée à quatre épingles. L’habit
noir leur va si bien, ainsi que le kaki chasseur et l’exquis camouflage au
teint qui sied promptement aux aventuriers de la jungle. Grand dieu, ils n’ont
pas le sourire aux lèvres. « On est
chez nous, on est chez nous… les bougnoules, on les matera. ». C’est
reparti, Mesdames-Messieurs… c’est reparti le grand bazar. Les valets de la pensée sonore en appelle à la "réponse de l'Etat", telle une prière in-dispensable. Ils l'attendent, salut ultime. Forza Corsica !
De jungle, c’est bien de cela que
signe la pompe d’avoir tenu Colonna comme la conclusion d’épisodes judiciaires
à répétition et pour pacification par la force légitime de l’Etat. Il fallait
vendre la peau du sanglier. Paix durable en vue.
Certes, quelques cavales de repris
de justice, de temps à autres des bombinettes pour rythmer le folklore, plus
quelques slogans sur des villas et exécutions ont bien rythmé la pittoresque information
insulaire. Mais rien n’a empêché le soleil de dorer les peaux de touristes
contents. Un air marin l’été, un froid de laie dans la montagne l’hiver ont
sublimé les tensions cachées sous les moquettes de Paris.
Demain régénère l’ancien mode d’être
archaïque. L’Etat joue avec le feu depuis des années. Il sert des calculs
instrumentaux : déconcentration hâtive, décentralisation frisant l’espièglerie,
autonomisation de l’Ile, culte de l’enseignement des langues régionales (merci Europa !), clan natio contre
clan natio-compatibles, persillade de détentions des petits contre risotto d’amnisties
variées pour les plus puissants, le tir à trois bandes explose dans les mains
des gestionnaires de la crise. Encore que de gestionnaires, ils ne feraient pas
long feu dans le privé. Bonjour, au
revoir immédiatement après la première bourde. Sans préavis en prime. L’Etat
est décidément très mal servi. Ah commis de cuisine, ah commis de pizzérias
surgelées…
L’humeur du pays instaure le retour
du refoulé, le grégarisme, la lutte de tous contre tous et, si possible, le païen
culte du bouc-émissaire censé rentrer dans le rang ou fuir pour que tout
reprenne comme « au bon vieux temps ».
Le bon vieux temps, je ne sais pas vous, mais ce mythe en politique,
avec Patrice, je n’y ai jamais cru.
Tsin-tsouin.
« Mesdames-Messieurs, au Cirque France,
je les ai oubliés juste un instant, vous avez les clowns, bien sûr, amis des
petits, préférés des plus grands. Vous vous éclaterez la panse avec le triste, vous
rigolerez sur le joyeux, vous voterez certainement pour le simplet et le
volontaire. ».
Bada-boum.
BOUM {final
assuré en mode grosse caisse et fumée}.
LSR
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