Communautarisme dans les rues, par Patrice
Guerre des communautés en
milieu urbain.
Nous sommes les victimes désignées d'une guerre
sociétale que nous ignorons, dont nous ignorons les fondements et les origines
et dont nous n'évaluons pas l'étendue.
Les habitants des grandes cités comme Paris, Lyon,
Lille, Bordeaux, Marseille, Toulouse sont certainement placés devant les mêmes
dilemmes et les mêmes tristes réalités quotidiennes, à savoir qu'il n'est plus
guère possible de croiser un regard ou un corps, en milieu concentré, sans
risquer le conflit. Tout rapprochement consécutif à l'exercice d'une vie
normale dans le contexte d'une forte densité de population est potentiellement
porteur d'agressivité. Il semble donc que la simple présence physique rapprochée
d'individus puisse être l'objet d'une insupportabilité chronique.
J'avais exprimé cet état de fait dans un mémoire, qui
n'eut pas l'heur de plaire, sur l'agressivité au volant en milieu francilien,
il y a de cela vingt ans. Mes constatations, confirmées par les chiffres
disponibles, prouvaient qu'il n'y avait pas de hasard et que la situation qu'on
avait n'était que celle que l'on méritait. Aujourd'hui, il semble que mes
constatations n'étaient que le fruit d'une situation déjà avérée à l'échelle du
piéton, en cela qu'elle était peut-être moins visible dans ses conséquences,
mais bien prégnante. La transposition de cette situation au réel ressenti du
quotidien piétonnier semble être dans l'ordre des choses d'une aggravation qui
est sortie de son contexte véhiculaire, donc moindre à l'échelle du plus grand
nombre d'individus due à la relative protection et isolation propre au
véhicule, à celle dépouillée de l'individu marchant donc en contact direct avec
son entourage social.
Etre ainsi confronté à une situation agressive
permanente, devenue régulière et récurrente, amène à se poser la question de
savoir où se trouve l'erreur. A l'évidence il y a quelque chose "qui cloche". Face à une montée des
différences sociales et culturelles, nous sommes amenés à nous poser la
question de savoir ce qui a bien pu provoquer des prises de position aussi
tranchées et radicales de refus de l'autre. Toute différence socio-économique
peut engendrer jalousie, mais telle n'est pas la vraie situation tant les
écarts sont relatifs et assez peu significatifs. Il n'y a effectivement pas une
grande différence sociale entre deux personnes utilisant le métro pour
circuler. Il ne semble pas y avoir une grande différence entre les loisirs
choisis et réalisés, chacun prenant son plaisir là où il le veut.
Le potentiel d'agressivité se trouve dans le
rapprochement, la fréquentation forcée mais éphémère, d'individus contraints et
forcés de se supporter par la force des choses. Déjà révélé dans le contexte
professionnel, le sentiment bien réel d'insupportabilité des collègues de travail
n'est en fait que l'émanation d'une obligation faite de se fréquenter et de la
hâte mise à en voir la fin après une journée de travail. Cette rancœur
accumulée de l'obligation de se fréquenter bon gré mal gré peut trouver un
exutoire dans l’agressivité lors du retour à la vie privée.
S'agissant de la différence marquée par les ethnies,
force est de remarquer qu'il existe bien une guerre larvée entre celles qui
doivent s'intégrer, alors qu’elles le sont déjà très souvent de fait, et les
tenants de la légitimité territoriale historique. C'est d'un rejet massif et
clairement exprimé qu'il s'agit. On peut percevoir la volonté de se démarquer,
de ne pas ressembler, de refuser l'amalgame social. Il s'agit plus d'un fait
que d'un ressenti. Certaines rues de Paris, comme la rue du Château d'eau,
affiche ouvertement le droit à la différence et le fait que votre présence en
tant qu'Européen est tout juste tolérée et que vous n'êtes pas « chez vous » mais « chez nous ». Cet ostracisme,
concentré à cet endroit mais généralement constaté, est l'expression de
diverses provocations vécues au quotidien dès lors qu'il s'agit d'agglomérer
des populations de façon ponctuelle. La volonté bien exprimée de marquer sa
différence est entretenue en toutes occasions. C'est, qu'on le veuille ou pas,
d'une guerre identitaire revendiquée qu'il s'agit et d'un rejet d'une situation
qui ne serait pas voulue mais subie.
Qu'on m'explique, au-delà de considérations oiseuses et
à l'emporte-pièce, l'origine, le motif et l'aggravation de ce phénomène en
dégénérescence des relations humaines en milieu concentré.
Patrice C.
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