A Deauville, tout finit par filer droit... c'est sans compter sur Lady Long Solo [5], par Raoul Bidard
Nuit
remuante pour Lady Long Solo.
Saint-El est mort. Personne n’a rien
vu. Les clients de l’hôtel, tous évidemment surpris, expriment une sourde stupeur
qui sied si bien à leur milieu : surtout, éviter les vagues, toutes les
vagues. Tu parles, à Deauville…, se
dit une Lady Long Solo hilare dans sa cape signée Paco.
Le ressentiment envers Lady Long
Solo forme une sorte de fronde. Tout le monde pense savoir qu’elle fut
soupçonnée dans le décès du sénateur Dally. Crise cardiaque ? Génuflexion
un peu trop précipitée ? Maniement un peu sec de la lanière de cuir ?
Les épouses fulminent, c’est elle, c’est
elle, les époux baragouinent sous leurs trench-coats, je la veux, je la veux…
Que s’est-il passé ? Nous vous
laissions pantelant, agacé d’un épisode laissé chu de manière fort sibylline.
Comme une série brésilienne de seconde zone, il s’est passé qu’à la fin d’un
rock paisible, Monsieur de Saint-El s’est peu glorieusement écroulé. Un
cadavre. Une loque de chairs bouffies, une face rosie par d’anciens plaisirs de
table. Saint-El bravache devant son monde enlaçait une Lady lascive. Emotive
dans les charges d’adrénaline de cette musique de feu, Lady Long Solo s’est
laissée porter par les bras du pianiste de jazz du début de soirée. Saint-El à
ses pieds, ses ennuis prenaient un tournant inattendu.
Dans les espaces éloignés de la
piétaille, en effet, tout se joue dans la coulisse sociale. La bonne société a
des juges de paix en veux-tu, en voilà. Deauville, charmante bourgade faisant
office d’annexe des beaux quartiers du Havre et Paris, reste parfaite dans sa
suavité communicative de savoir mettre un boulet aux claviers des journalistes
locaux. Pas de vague, pour un localier, c’est être invité aux bonnes tables des
notables. Il suffit de taire l’événement. Nada !
Le fait n’a pas eu lieu.
Les hommes du commissaire Costa-Méchin
et le patron de Libre-Deauville, le
député Drouyet orchestrent la pression du silence sur leurs troupes. Dociles,
elles n’enquêteront guère. Le
parquet ? Quoi, le parquet, il fera ce qu’à place Vendôme on lui dira de
faire. Costa-Méchin parle d’autorité. L’homme en a vu d’autres. Tellement d’autres.
Charmante bourgade, vous dit-on.
D’autant plus charmante que Monsieur
de Saint-El était connu pour ses attaques d’un cœur fatigué, depuis un trop
ensoleillé après-midi primesautier au golf. Son épouse ne sera pas plus pleurnicharde
de sa mort qu’elle se languit du petit pigiste maghrébin du turf local. Bel
étalon. Sorti du Bounty-blog, un blog
localiste à la mode récupéré par les institutions, le prince de la dalle s’est
fait préfacier des dadas sur gazon. Un faune néophyte ? Sourire : un
stratège des sommiers deauvillais 2 étoiles. Puis, la veuve hérite naturellement
de tous les avoirs de Monsieur. De quoi voir venir.
Pendant que les larbins des
autorités s’acoquinent, convoquent préfet et Monseigneur sur le cadavre encore
chaud de Saint-El, les aventuriers Lady et le petit pigiste prennent langue
devant une bière.
Plus qu’une alliance, une connivence
d’un regard leur suffit pour accorder leur étui à violon. Car il faut donner
dans le concerto de la trébuche. C’est en rafales qu’ils vont tirer des
épingles d’un jeu catastrophique pour les bonnes gens de la cité balnéaire.
Leurs cibles, Costa-Méchin et Drouyet, représentants de deux pouvoirs
prétendument concurrents : le supplétif de la justice et l’élu national n’ont
pas fini de voir leur tronche apeurée au JT de Poujadas, traquée par les investigateurs
de Voilà et Paris-Patch. Dans l’adversité, Lady Long Solo se sent vivre bien. Pas
meilleur pour son moral qu’un mort dans ses bras.
Raoul Bidard
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