A l'oeil de la vie dans ses plis, par Patrice
Le fil de la vie cachée.
Photographier la vie c’est apprendre à la regarder
différemment. C’est aussi apprendre à la voir autrement et à la vivre de façon
différente.
La vie nous échappe lorsque nous n’y prêtons pas
attention. Il suffit de regarder. Pour cela il faut apprendre ou réapprendre à
la voir. C’est notre inattention, voire notre superficialité vis-à-vis de la
vie qui nous éloigne de sa densité, de ses curiosités et de ses charmes
secrets. Si l’on se focalise sur l’imperceptible, sur ce qui est caché par les
frasques du quotidien, on redécouvre la vie dans les plis, comme se plaisait à
le dire Michaux.
C’est désormais dans l’infini oublié, caché, dissimulé
que se trouvent encore les mystères qui nous entourent. Une simple attention
suffit à faire ressurgir l’essence même et le charme qui jamais n’ont disparus
de notre quotidien vendu au pragmatique. L’éphémère se dissimule de peur
peut-être d’être dérangé, perturbé et devient pierre rare d’un quotidien
morose.
Avoir présent à l’esprit que l’onirique n’a pas déserté
nos vies permet de le retrouver, de l’apercevoir encore. Il est tellement
simple qu’il en devient précieux et rare. Pourtant, il est là, au coin de la
rue, le long du trottoir, au fil des murs. Il est d’autant plus précieux que
seuls les regards acérés, entrainés peuvent le discerner. Pensez à lui, il est
votre ami, votre compagnon du quotidien.
Le fait même de le photographier l’immortalise. Il se
rappelle à vous et demeure le compagnon d’une vie sans charme. Il enrichit,
agrémente toute vie pourvu qu’on le sollicite. On l’élève à la hauteur de l’art
et pourtant il n’est que vie. Il appartient à tout le monde. Soyez réceptifs,
vous le rencontrerez.
Loin des turpitudes, il est le lot de consolation, le
gros lot dissimulé. C’est avec le temps qu’il se savoure, qu’il s’apprécie. Il
n’y a rien de mieux qu’une pellicule développée des jours après avoir été
impressionnée pour se remémorer et retrouver le bonheur de savoir qu’on l’a
fréquenté, qu’on l’a vu.
Le bonheur éphémère ne se révèle pas toujours au
quotidien, ou alors, il faut le laisser décanter, macérer pour avoir le plaisir
de le redécouvrir. Il est en embuscade et ne se révèle qu’à la sollicitation, à
la curiosité.
C’est pourquoi la photographie est un art de vivre. On
remet sur la table le plaisir fugace. Il ne s’agit pas d’œuvre d’art, juste
d’une façon d’aborder le quotidien et de jouer au jeu de la découverte.
Chassez-le, il joue le jeu. On ne le maîtrise pas, on ne le domine pas. On le
rencontre et on le quitte. Il reste sur la pellicule, comme en sa caverne, et
ne ressort que si on le sollicite, « Loup
y es-tu ? ».
Ça vous change la vie de savoir qu’elle a des réserves
de petits bonheurs sans conséquence. Les ombres, les angles, les avatars
parsèment le chemin de qui sait voir. Vous n’êtes pas seul. Réapprenez à jouer
à cache-cache avec la vie. Le plaisir se dissimule dans la multitude des
situations, de toutes les situations, grandes et petites. L’onirisme existe en
toute chose. Apprendre à voir, c’est aussi apprendre à vivre.
Patrice C.
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