Vers un état d'urgence permanent ? Questions rapides
L’état d’urgence
permanent.
Répétons-le, l’état d’urgence est un
état de fait juridique, fruit d’une procédure légale qui doit répondre à des
conditions de fond et de formes contenues au sein de l’article 1 de la loi du 3
avril 1955 qui édicte : « L'état
d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ou
des départements d'outre-mer, soit en cas de péril imminent résultant
d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d’événements présentant, par
leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. ».
L'état d'urgence est déclaré par la
loi. Il est l’objet d’un suffrage de la représentation nationale. Le débat et la
délibération préalables doivent présider la décision. En outre, depuis une ordonnance
du 15 avril 1960, l'état d'urgence est déclaré en Conseil des ministres par
décret. Le gouvernement peut proposer au suffrage des parlementaires la
prorogation au-delà des douze jours de l’état d’urgence par une loi ; en fixer
la durée est impératif. Le contrôle du Parlement est une donne indispensable.
Convaincre députés et sénateurs demeure, on le sait, un jeu d’enfant pour un
gouvernement en vertu du phénomène majoritaire inscrits dans les strates du régime
de la Vème République. Peu de chance pour que la majorité parlementaire cède à
un refus.
A la suite des derniers attentats de
Paris, le 13 novembre dernier, le contrôle opéré par le Parlement est acté par
délégation : c’est la commission des
Lois de l'Assemblée nationale qui organise ainsi un contrôle permanent.
Dotée des mêmes compétences attribuées généralement aux commissions d'enquête
parlementaire, la commission des lois a la possibilité de demander tout document
administratif au ministère de l'Intérieur. Inspiré par le régime de l'état de
siège, la loi votée le 20 novembre 2015 permet au Parlement d’être informé des grandes
lignes générales des mesures d’ordre public prises par le gouvernement
qui a la main dans tous les dispositifs pris. Ceci ne signifie pas les détails
des plans, des mesures dont les conséquences peuvent devenir pesante voire très
lourde pour le respect des droits fondamentaux et des libertés publiques.
A la fois nécessaire et effet d’aubaine
pour le régime politique en place, il n’est pas question ici de décrire les
conséquences politiques et sociales de l’état d’urgence qui s’ensuivent. Plus
généralement, nombre d’auteurs ont bien mieux écrit ce qu’il faut en penser
pour l’état général du pays, son esprit et ses traces, ses conséquences en
termes de failles et de risques de légitimité.
En revanche, affirmer aujourd’hui,
comme l’a fait le premier ministre Valls, qui plus est depuis des ondes
étrangères (la BBC), que l’état
d’urgence sera prolongé « jusqu’à ce
que l’on puisse se débarrasser de Daech » s’avère une ambivalence non
pas malheureuse mais fort inquiétante. Derrière ce vœu, sous cape, tient-on une
ligne de conduite exceptionnelle pour gérer l’Etat ? Eradiquer EI (Daech),
pour les meilleurs spécialistes de géostratégie et politique internationale,
pourtant partagés, prendra au bas mot dix ans ! Dans son fondement
légitime, dans sa durée, l’état d’exception pose questions. Question sur le
formalisme démocratique, question quant à l'autorité judiciaire évincée (la défense du juge judiciaire des libertés individuelles en berne, toute la clef d'un débat fondamental), question sur le goût du pénal des français pourtant
fustigé y compris par les associations de magistrats, question de civilisation
choisie par les socialistes, surtout…
LSR
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