La religion dans le Code du travail


Conflits en hausse dans les entreprises pour cause de prosélytisme religieux

 

Entre les huées sur les Champs-Elysées par-ci, les banderilles racialistes par-là, la presse s’est peu préoccupée d’un projet d’avis présenté hier au Conseil économique, social et environnemental (CESE), l’une des discrètes institutions de la République au sujet, par excellence de cogitations, des liens sournois entre religion et liberté en droit social

Bien que le phénomène religieux ne soit pas « massif », il engendre tout de même des « difficultés associées à l’expression religieuse en entreprise » de plus en plus courante, nous apprend, à notre stupeur feinte, le CESE.

Dans un pays perdu quant à ses repères et valeurs républicaines, la communauté nationale a tôt fait de se métamorphoser dans les grimaces du communautarisme mal assumées par l’Etat, dont le plus courant et pernicieux comme un staphylocoque : le religieux. Ici, il ne s’agit pas d’un communautarisme à l’anglo-saxonne où le droit positif est imprégné des morales spécifiques des croyances addictives additionnées, mais un communautarisme de la reconnaissance, militant et prosélyte où la France saute le pas d’une « gestion » d’un droit dit fondamental à respecter.

Ainsi, le CESE se fonde sur quelques expertises. L’Observatoire du fait religieux en entreprise (Ofre) a mené une étude en 2012-2013 qui recense parmi les 28% des dirigeants en ressources humaines consultés qu’ils ont été soumis au « problème religieux » dans leurs fonctions (ils sont plus de 40% en Ile-de-France).

Que faire ? Quel ange ou djinn interpeller pour que les sages du Conseil nous éduquent par l’ivraie de leur recommandation ? Quelle cerise sur quelle tarte poser ? Goûtons ensemble le millefeuille.

Le CESE rappelle en premier lieu que la liberté religieuse est une liberté fondamentale, garantie par la Constitution française, laquelle, puis-je ajouter, est structurellement organisée dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne adoptée le 12 décembre 2007, et dont les dispositions s’appliquent aux institutions et organes de l’Union et aux Etats membres mettant en œuvre le droit communautaire. De plus, la France étant un Etat membre de l’UE qui adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en vigueur depuis le 3 septembre 1953 (selon l’art. I-9, al. 2 de la Constitution de l’UE), elle se doit de transposer toutes les arcanes pratiques des principes, directives et règlements en matière de liberté de conscience et de religion au sein de nos institutions et droit.

Mais qu’en dire ? Lobbying de tous poils, croyances particularistes loin des universaux, nécessité de faire valoir quelque opium en période troublée, il ne saurait être question de laisser passer derechef un plan bizness, les religions étant excédentaires. Le CESE, donc, préconise sept recommandations. La première n’est pas anodine pour saisir la confusion régnante, car elle consiste à permettre « l’accès des employeurs et des salariés au droit applicable en matière de liberté religieuse sur le lieu de travail afin d’éviter des malentendus et des conflits ».

« Certes… bien, bien, bien… », aurait ânonné, dubitatif, feu mon vieux maître d’école de CE1 vêtu à l’ancienne en blouse grise, assis à son pupitre, cultivé comme un hussard du verbe et habile logicien forgé dans les écoles normales. Je sais : une telle contradiction logique dans la bouche de l'un de nous lui aurait occasionné de gentiment nous frapper les doigts placés en pince à l'aide de sa règle de bois... et il n'aurait pas eu tort, le vieux !

C’est que nous voici dans le même temps à gérer une conflictualité en hausse avec les seuls moyens du Code du travail et une inspection du travail de plus en plus dépouillée de ses moyens humains et de fonctionnement, tout en nous devant de garantir « l’accès des employeurs et des salariés au droit applicable en matière de liberté religieuse ». Faire l’exégèse de l’embrouillamini aujourd’hui devient une gageure. En effet, ajoutent nos sages du Palais d’Iéna, « en dehors des services publics auxquels s’applique en France le principe de laïcité, l’employeur ne peut imposer à ses salariés un strict devoir de neutralité ». CQFD, pour nos sages représentants des syndicats patronaux, des salariés et associations : « La religion est une liberté fondamentale ».

« Va comprendre, tout ça, Charles ! C’est pas le serpent qui se mord ici la queue, c’est le sage qui se déboutonne ».

Le Grand Charles (l’autre), j’ai dit de Gaulle, était attaché à la République. Catholique profond, successivement résistant londonien, président du Conseil puis président de la République, jamais ô grand jamais, il n’aurait permis une confusion entre son devoir moral de mandaté par le peuple et ses convictions personnelles restant à la maison, dans sa sphère intime, avec et auprès des siens.

Reste que le prosélytisme religieux, dans le Code du travail, est interdit sur le lieu de travail quand l’espace dudit lieu s’avère extensible, sans même parler des restrictions plus nombreuses chaque année au principe de liberté issues de la jurisprudence. Les contradictions légales figent l’impéritie du droit communautaire en la matière.
 
Le Conseil économique, social et environnemental a la prétention d’être l’institution mutine de la République française. Quelle farce ! Elle et ses membres nommés s’incrustant dans les bois précieux de leurs grasses indemnités façonnent en réalité l’arbitraire transitif d’une sémantique onctueuse : ou la liberté religieuse, ou la laïcité. Autrement dit, ou le droit et non-droit positif, ou faire sa carpette devant les prosélytes religieux si actifs et efficaces en période de décadence institutionnelle.

Voilà, c’est dit bon peuple apeuré par la mort imminente. Les lois sociales furent naguère les fruits des luttes sociales, elles sont maintenant les pomelos trop mûrs des lobbyistes à goupillons, mandalas, kipas, djellabas et autres distinctions hétéroclites mais tant et tant unies pour favoriser leur rentable commerce d’ivresses.

 
OP, pour LSR




NOTA : Dans leur infinie autorité toute de consomption envers l'Europe, les sagesses d'Iéna, vous pensez bien, n'ont pas eu le culot de vanter une éventuelle inscription dans la loi de la neutralité religieuse au sein de quelques sphères privées. Il est vrai que le boutefeu Observatoire de la laïcité, dont l'utilité est inversement proportionnelle à la main de leurs sœurs dans le slip de Bruxelles, avait diligemment écarté cette idée en octobre dernier... ne fâchons pas Berlin non plus.
 
 

 

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