Euphorie sportive, par Patrice C.
La soirée d'hier mardi a au moins tenu une promesse qu'on nous avait vendue à l'avance : celle du bonheur
collectif retrouvé, tant il est vrai qu'il n'y a rien de tel qu'un moment de
communion nationale dûment homologué autour d'un événement sportif. C'est
donc devant un exploit en devenir et tout à fait éventuel que la France était
conviée et ce bonheur hypothétique se trouvait sur une pelouse sise au Stade de
France.
Les aventures de l'équipe nationale de foot ayant été
sujettes à caution de par leurs résultats antérieurs, la tension partageait le
pays en deux clans, les optimistes et les pessimistes, le tout entaché
quelquefois du mépris dû à des sportifs
érigés en représentants de la morosité nationale.
Le sport statufié en
faiseur de miracle ou en récepteur d'un trop plein de déception
venue d'une autre planète —la politique—
jouait son rôle de soupape de sécurité. C'est le rôle qu'on lui attribue
généralement et de tout temps pour tromper, leurrer et catalyser le reflux de
mauvaise humeur nationale. Il a toujours été connu et vécu comme un dérivatif
dans les situations "graves",
identitaires et narcissiques dans les périodes "normales", car il n'y a pas de périodes "fastes". La démonstration sportive
n'est donc plus vécue, dans le sport de masse, comme une réalisation de
soi-même mais comme une transposition collective.
Le football a tout vécu et fait vivre : l'espoir, la revanche,
le rejet. Les stades, comme les lieux de sport populaire, ont quelquefois été
utilisés à des fins beaucoup moins avouables par un pouvoir renié. Ils
continuent aujourd'hui à jouer leur rôle de chaudron où l'on fait bouillir
diverses cuisines mais, à coup sûr et pour ces raisons, ils sont devenus indispensables
à l'équilibre et à la paix sociale.
Nos onze substituts
nationaux avaient donc la double lourde tâche de redorer leur blason (la
preuve étant faite qu'ils auraient pu et dû le faire avant) et de faire honneur à des Français toujours en
attente d'un miracle quel qu’il soit. Transformés en locomotives de
l'espoir et du bonheur national momentanément retrouvé et transposé dans la vie
commune.
Le président de la République n'a pas caché que finalement,
tout est possible. On ne savait pas qu'il s'agissait, comme au foot, de décider
que la récréation était finie pour retrouver la route du bonheur soluble dans
l’euphorie provisoire.
Patrice C.
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