Les photographes de la vie, par Patrice
Les photographes de l'an 2000
et plus.
Ils
ont la sensibilité à fleur de peau. Leurs photos sont les reflets de leurs
âmes. Ils se projettent, s'investissent totalement et plus encore qu'ils n'en
sont conscients, dans leurs photos.
Il
ne s'agit plus, comme ce fut le cas pour ma génération et celles qui ont
précédé, d'appliquer une technique à un besoin (la presse), mais de fournir des jets de conscience, de soi-même.
Ils ne sont pas toujours au courant de ce qu'ils donnent à voir. Il s'agit le
plus souvent d'eux-mêmes. Ils construisent inconsciemment, ils restituent
involontairement ce qu'ils portent en eux. Ils créent, au sens humain plus
qu'artistique, l'émotion est spontanée, souvent involontaire, car c'est naturellement
qu'ils nous font partager leur sensibilité vespérale. C'est un peu de leur vie qu'ils nous mettent devant les yeux.
On
sort des sentiers battus de la photographie de papa, conventionnelle,
technique, faite pour être utilisée plus que regardée. Celle-ci nous
interpelle, nous pose la question du hors cadre, de savoir qu'elle n'est pas
calculée, calibrée, prédéfinie. C'est déstabilisant et peu conventionnel. C'est
qu'il s'agit d'images qui parlent à l'âme, qui interpellent sur des bases, des
critères nouveaux qui n'ont plus rien de technique, mais qui sont le résultat
d'un investissement total. Ils ne le
savent souvent pas, ne s'en rendent peut-être même pas compte, mais leur
travail n'en est pas un, c'est une participation, un témoignage, une adhésion à
la vie. Ça, ça ne se calcule pas, ça ne se prépare pas. Ça gicle ! C'est
leurs tripes qui parlent, le naturel de l'homme qui prend le dessus, le pouvoir
d'émouvoir est immense lorsqu'il est spontané, naturel et presque inconscient.
Seuls quelques "grands",
illustres photographes étaient de ceux-là et ils étaient rares, justement parce
qu'il y avait plus de sentiment dans leurs images que de travail.
Qu'elles
soient de groupe ou d'individu seul, chacune de ces photos représentent souvent
le sujet inépuisable d'analyses et de spéculations alors que ce n'est qu'a
posteriori que se pose les questions, pas au moment de la prise. Ce moment-là
est privilégié, hors du temps. C'est d'abord et avant tout la vue de l'esprit
qui réagit, qui voit. Il comprendra plus tard… Le naturel qui est au pouvoir à
ce moment-là se doit d'être pur pour porter toute l'émotion que contient
l'image ainsi faite. L'émotion, ça ne se calcule pas, ça ne se prépare pas, ça
ne se commande pas.
Peut-être,
effectivement, faut-il avoir vingt ans pour véhiculer une telle charge
émotionnelle, avoir un tel potentiel de générosité. C'est aussi pour ça que ces
photographes-là meurent plus que d'autres. Attention donc à ne pas jouer avec
l'émotion virginale et spontanée.
Patrice C.
Ø Hommage à Camille Lepage
(28 janvier
1988 – 13 mai 2014)
A la BNF François Mitterrand
jusqu'au 22
février 2015
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