Face à l'industrie du livre, soyons libres
La
critique n’existe plus.
Six-cents
livres sont attendus pour la rentrée dite littéraire
de septembre. Triste paysage de surproduction.
Dans
la presse, plus personne ne s’enthousiasme pour le nombre de livres, ce culte
du triomphe de la signature du vide. De toute façon, tous les journaux,
hebdomadaires et magazines spécialisés parleront peu ou prou des mêmes auteurs,
des mêmes livres et diront à peu près les mêmes choses, vanteront les mêmes
qualités, tresseront des éloges au final mortifères. C’est la consigne. C’est surtout
le suivi des éditeurs possédant des actionnaires communs à la rédaction. Et ce
de manière étroite et strictement calibrée en très peu de signes.
Fini le temps de la critique reine dans la
presse !
Fini le temps des journaux littéraires
bataillant pour défendre des auteurs et des courants créatifs !
Le
critique littéraire était respecté il y a encore dix ans. Il possédait son lot
de libertés en termes de choix et nombre de signes. Le critique était le héros
de l’indépendance dans les rédactions et tous le miraient d’un œil presque
concupiscent. Son terrain, justement le tout-terrain, livre en mains et la
prose éclairée, voire l’illumination profane une fois l’œuvre achevée.
« Eh coco, arrête ton char, on s’en fout de
ton écrivain… fais-nous un 800 signes sur Nothomb et basta ! L’autre il exist'ra jamais ! ».
Telle est à peu près la maxime qui a triomphé et qui résume dix ans de
nouvelles littéraires. Peu s’en faut, les titres littéraires se sont soit
assagis, soit se sont coulés dans le moule des groupes de presse industrielle consensuels,
soit ont tout bonnement disparus.
Oui,
basta ! Quitter le métier est le plus heureux événement
qui puisse arriver au critique. Journaliste ou écrivain, le critique n’a jamais
été grassement rémunéré mais se payait du luxe de lire et de libres propos
plutôt bien écrits. Le critique se fait jardinier ou promeneur, son nouveau luxe.
De
nos jours, les critiques auto-proclamés sont des excités. Ils radotent ou s’extasient pour de
minuscules productions industrialisées. Il y a même des critiques qui se voient
mourir jeunes à quarante-cinq ans passés et depuis dix ans déjà, et qui ont la
graphomanie internet aussi diserte qu’un ego inépuisablement fourbi dans une
préciosité sans âme (suivez mon regard
vers un atavique Basque). D’autres écrivent sur des livres comme ils
écriraient sur le dernier doggy-bag à
leur sortie de restaurant, ou leur dernier coït sur Rue 89. Ce ne sont pas des critiques, mais des attachés de
presse, des communicants. Tout dans l’esbroufe, tout dans le papier pour
remplir sa colonne.
Face
à ce PIF (pour paysage-intello-français)
chaque lecteur honnête se débrouille seul. Et c’est tant mieux pour les égayés
par le sens critique du mot liberté ;
et c’est tant pis pour les autres. Hasard souvent, nécessité plus rarement, on
renoue avec les « valeurs sûres »
quand on est bien né que sont les Balzac, Dumas, Zola, Burroughs, de Roux, Mauriac, Kerouac,
Hofmannsthal, Bernanos, Goethe, Rousseau, Sterne, Augustin, Vallès et les autres. Des
auteurs historiques, de ceux qui façonnent notre monde et pas ce qui nous plonge
dans un abime d’insignifiance poisseuse, ce que nous dénoncions naguère dans
nos anciennes fonctions d'« egofiction ».
On ne le dira jamais assez, lecteur, sois libre de dénicher ce qui sied
à tes goûts et aspirations. Mieux,
lis qui tu veux, quand tu veux & apprécie de faire des économies substantielles !!!
J’ai
mal au PIF, dirait l’autre. Qu’importe, reste la découverte sur le fil, la
rencontre ineffable, une vieille couverture jaunie sur l’étal d’un bouquiniste,
un titre ignoré jusque-là, un auteur désiré en bibliothèque municipale après des
années de manque de temps pour l’aborder.
Tout
n’est plus que secret personnel et envies… méfions-nous des figures de style
imposées, des auteurs fétiches de la presse qui disparaissent aussi vite de
leur préoccupation sitôt la prochaine kermesse dite littéraire de janvier. C’est d’amour qu’il s’agit à rebours puisque la
critique littéraire n’est plus.
Passons la critique, le critique est mort.
Et
gloire au bourre-PIF !
LSR
Commentaires
Enregistrer un commentaire