Ecoute-moi, j'suis moderne, par Patrice
Ecouter, c’est moderne !
Photographie : H., Londres, mai 2015 |
Comme le dit si bien Arnaud Danjean, député du parti
Les Républicains et par ailleurs ancien de la DGSE (barbouzerie bien connue, voir Pages jaunes), à propos des écoutes
américaines de l’Elysée : « On
ne vit pas dans un monde de bisounours. Il ne faut pas être naïf ! ».
Il a raison, le gus. L’époque de la naïveté est révolue, de l’innocence aussi.
Ainsi donc, on s’écoute à qui mieux-mieux ? Oui,
mais c’est normal ! Ah bon ? Il est vrai qu’entre “copains“, on ne va plus se faire des niches.
On est potes donc plus de secret, plus de complot, on sait tout de toi et de
moi. Bientôt ce sera et on s’encule dans la joie et la bonne humeur. On savait
pour Merkel, on apprend même pour Chirac… En fait, on a toujours fonctionné
comme ça. Bon ! On prend acte. C’est cul et chemise pour tout le monde.
Soit. On se voit pourtant assez souvent. Oui, mais on n’a pas le temps de tout
se dire. Et puis, il y a des choses quand même privées entre certains. Le
mieux, on arrête d’en parler : on s’écoute ! Ça fait gagner du temps.
Oui, mais alors, si on sait tout sur tous, finalement, c’est
un monde de bisounours tranquilles ! Il n’y a plus de secret, plus de
réservé. Pourquoi en faire un fromage puisqu’on le sait, que c’est
convenu ?
On a l’impression d’avoir découvert la quadrature du
cercle alors que c’est connu. Il n’y a vraiment que nous, pauvres citoyens,
pour s’imaginer des choses. Qu’est-ce
qu’on est compliqué… Entre eux, ça va bien, merci. De toutes façons, on ne
dit jamais tout ce qu’on pense. Il y a toujours le non-dit. Les secrets sont en
eux et n’en sortent jamais. A part ça, les autres, ceux qui écoutent, ils
savent tout : les hémorroïdes, les blénos, les psoriasis… Il y a le “reste“, le professionnel. Oui, mais on
n’en parle jamais…
Ce dont on parle, qu’on affiche à la fin des réunions,
c’est pour justifier qu’on y était, qu’on a parlé, discuté. Ça rassure
l’électorat et ça fait les choux gras d’une presse très approximative. Sur le
fond, ça ne change jamais rien. « Comment
vont les gosses ? Et ta femme, toujours jalouse ? Tu soignes ton
diabète ? Ta secrétaire, toujours bonne ? DSK t’a laissé son
carnet ? ». On ne va pas se pourrir la vie…
Tout ne va donc finalement pas si mal. La Grèce, c’est
Dallas, les chapeaux en moins. On sait tous que c’est un feuilleton entretenu.
D’accord, les Grecs paient cher, mais bon… Pour le reste, c’est rififi un peu
partout, mais c’est normal on vous le dit.
Tout ça : normal ! Ça ne l’était pas
avant ? Non, mais c’était avant ! Maintenant c’est maintenant et
c’est moderne !
Finalement, il n’y a plus rien d’anormal. Vous verrez,
bientôt, les sens interdits ne le seront plus et les cartons seront normaux,
eux aussi.
L’argent, quelle vulgarité !, ne compte plus. On
offre dix milliards comme on offre un joystick…
et l’autre, il en veut pas du joystick !
Il a ce qu’il lui faut ! « Repassez
dans dix ans ! — le matin ou l’après-midi ? » et vous venez
nous emmerder avec votre vie ? Votre petite vie… Vous voulez des
comptes ? Mais vous n’y êtes plus du tout. Regardez, nous, on s’écoute, on
se voit, on discute. Il n’y a vraiment plus que vous pour vous étonner. Faut
être moderne, mon vieux ! Vous êtes persécuté. Il faut vous soigner !
Patrice C.
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