Par ici Charlie (de la semaine), par Patrice
Sans pub.
Les “événements“,
comme on les appelle pudiquement car on n’ose pas parler d’horreur, du mois de
janvier ont au moins eu le mérite, me concernant entre autres, de me faire
renouer avec Charlie hebdo que
j’avais abandonné il y a bien longtemps après avoir assidûment fréquenté son
grand frère Hara-Kiri hebdo.
Il ne s’agit pas de ma part d’un quelconque soutien,
mais plutôt de compassion et de respect pour les gens qui exercent encore feue
mon ex-profession dans des conditions et des circonstances d’un autre âge déjà.
Là où je voyais de l’humour grinçant, acide et provocateur, je vois aujourd’hui
plus d’information et de réflexion. L’humour n’est que le recul que l’on adopte
face à l’actualité pour ne pas se laisser dévorer par elle. Je considère
maintenant — et les “événements“ n’y sont pour rien, si ce n’est de m’avoir
rappelé à reconsidérer la chose — Charlie
hebdo comme un vrai et bon journal. J’y trouve des sujets divers, variés
mais essentiels, très correctement écrits et très judicieux, quoique qu’impertinents
dans leur analyse, leur formulation et leur présentation, ce qui soit dit en
passant aurait dû toujours et devrait encore être le cas de tout organe
d’information digne de ce nom et qui fait sa force. Du jour où la presse a
perdu de sa distanciation pour sombrer dans la révérence, on peut considérer
qu’elle a vendu son âme. Elle ne doit pas s’étonner d’en être réduite à faire
le trottoir de la publicité pour assurer sa survie et d’être “maquée“, sans honte et sans conscience aucune,
à des industriels du luxe et des armes.
Je me régale donc à feuilleter les pages puis à lire
des papiers essentiels expurgés de tout bon sentiment révérencieux. C’est ainsi
qu’un article traitant des relations entre Fabius et Royal (la bis présidente) à propos d’écologie
remplit tout à fait sa mission à la fois de nous dire que rien n’est fait en
matière d’écologie et qu’en plus cela se déroule quand même sur fond de théâtre
de boulevard de troisième zone. Il a va de même lorsqu’il (Charlie) parle de la rentabilité de l’écologie avant de considérer
la nécessité scientifique. Pour ce qui est d’économie mondiale, que « demain, les élections qui compteront
vraiment pourraient bien avoir lieu exclusivement dans des conseils
d’administration [des multinationales] ». Des propos que l’on ne rencontre plus nulle part ailleurs (!)
que dans Charlie. Reprendre au rebond
« l’affaire d’Outreau » pour
disséquer les échecs scientifiques, ses tenants et les aboutissants relève de
la haute volée nécessaire, ce dont personne n’a parlé de cette façon pourtant
très adéquate. A propos de social, il n’est pas mauvais de remettre les
pendules à l’heure s’agissant des abus ou escroqueries diverses et variées dont
sont victimes les organismes sociaux, surtout quand il s’avère que ce ne sont
pas les miséreux qui en profitent (32.000
dossiers pour 210 millions d’euros) alors que les entreprises en “tirent“ 20 milliards (!). Excusez du
peu… Sujet sur lequel plus aucun organe dit de presse n’oserait s’aventurer de
peur de froisser Matignon.
Marie Darrieussecq, qui en écrit bien d’autres, commet
un papier par semaine dans Charlie hebdo
et c’est un bonheur qu’elle nous fasse connaître et partager un talent qu’elle
n’a peut-être pas le loisir d’exploiter ailleurs. C’est comme une vraie
romancière qu’elle vous affranchit de ce que peut être la vie d’un migrant
brièvement rencontrer dans un TGV dont elle dit que « le migrant lutte dans un espace découpé par les Etats, les papiers,
les visas ». Merci à elle pour cela, moi qui n’ai jamais rien lu
d’autre d’elle.
La passion sportive la plus populaire prête
généreusement le flanc à l’humour décalé et c’est avec un immense recul qu’on
apprend que peut-être Sepp Blatter va manquer au monde du foot tant on s’était
habitué à ses turpitudes risibles.
La palme de la compassion revient haut la main à
Philippe Lançon, gravement blessé le 7 janvier, et qui depuis sa chambre
d’hôpital, encore aujourd’hui, a le courage ajouté à un talent de narrateur de
nous communiquer de ses nouvelles et de ses attentes au travers d’autres
malheurs que les siens.
Je ne parlerai pas de trois papiers majeurs (plus importants) qui traitent de
Jérusalem et de ses juifs ultra religieux et antisionistes qui attendent le
Messie, ni du chômage et de sa copine, la courbe. Pas plus que d’un entretien
avec Fabrice Virgili, historien et spécialiste des relations sexuelles en
période de conflit. Rien que cela doit normalement suffire à attirer tout
individu curieux de trouver là ce qu’on ne trouve pas ailleurs.
Patrice C.
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