Les "bonnes pratiques", bonbon politique tout provisoire
Le dessous des « bonnes pratiques » politiques.
Pénible. Le moindre grain de sable
qui traîne dans les rouages des institutions étatiques génère une gêne patente
qui semblerait presque insurmontable – ils
l’affectent pour leur image de sauveurs- à nos chers représentants politiques
s’il n’y avait un remède ultime : les
bonnes pratiques.
Pratiques langagières des petits
dessous, il y a dix ans, la politique « participative »
était le miracle attendu. Dix plus loin, l’invocation de la « citoyenneté » avait le mauvais goût
de fleurir dans le syndicalisme, la musique, le cinéma, la politique, la
consommation en supermarché, le fast-food…
bref, partout où la tarte à la crème était possiblement étalée à l’aune des
interrogations du jour.
Tout vocabulaire technique
incantatoire est riche des élucubrations des penseurs en think tank. En fait, nous disposons là d’une représentation de tous
les courants qui ne forment qu’une ligne de gestion du pouvoir. Le maître-mot n’est
rien d’autre, en effet, que l’art de gérer l’ingérable, sinon au moyen d’artifices
vaguement incrustés dans des législations successives, elles-mêmes soutenues
par des principes fort élevés.
Cela va de soi, les principes, comme
les valeurs, sont les référents déifiés que l’on nous sert, sans jamais les
définir vraiment, de peur de se mélanger les concepts. Triste réification des
êtres, des mots, des concepts, des situations dans lesquelles sont placés les
individus standardisés dans la production-reproduction.
Quelles
sont les bonnes pratiques visées par le désir politique ? (En voilà une qu’elle est bonne !).
D’après les auditions variables des
socialistes de gouvernement, il semble que l’idée de bonne pratique retienne le
cœur de la « bonne administration »
en tout premier lieu, de loin devant les « bonnes pratiques » du dialogue social, de l’informatique, etc.
Eh oui, compère citoyen, la bonne
administration d’un pays recherche l’efficacité, la productivité de normes dans
la limite d’un budget hautement contrôlé par les services d’audit de l’Etat. Il
est ainsi bien fini le temps où des véhicules tournaient dans les casernes pour
brûler du carburant, afin de ne pas être amputé l’année suivante de la
précieuse livraison qui, elle, cette fois-ci, sera utile aux manœuvres plus
importante de la soldatesque.
Ainsi, la bonne pratique de toutes
les administrations civiles et militaires consiste à tenir compte d’une
première variable : la ressource humaine bien gérée, efficace et technique
à souhait dans le choix judicieux du meilleur service privatisé de ce qui reste
« public ».
Prenons un exemple qui fait gloser à
l’unisson entre parlementaires de tous bords : la fabrication de la loi.
Une bonne pratique consiste à se
réunir, se concerter, écouter les différentes parties en commissions, à
enregistrer les inconvénients et avantages d’une nouvelle ambition légale.
L’efficacité des lois, c’est bien connu, est telle que nombre d’entre elles ne
voient jamais leurs décrets d’application. Exemple parmi d’autres, s’entend.
L’objectif n’est pas d’assommer tout
l’édifice. Il s’agit du lieu de la démocratie… dit-on… la bonne pratique serait
au cœur du « dispositif »
démocratique (la démocratie est un dispositif, retenez-le pour
apprécier l’avenir).
Pour s’élever par les bonnes pratiques, il nous revient à
tous, sous forme d’injonction plus ou moins mesurée, de jauger de nos va-tout
dans le cadre précis d’une politique miséricordieuse. Les représentants de la « Nation » (en réalité aux ordres de l’UE) ont le sentiment que se délite la
fibre social des citoyens. Alors la démocratie est tantôt punitive, tantôt
morale, mais surtout voulue comme étant participative.
Là, des producteurs télévisuels se sentent l’âme héroïque de l’engagé pour
sauver le monde. Ils créent des débats participatifs entre citoyens et élus,
parfois avec le chef de l’Etat, des émissions sur les thèmes sensibles de l’instant
historique. Est généré de la sorte un élégant parti-pris pour une télévision « au service » de la démocratie qui
vous tourneboule le système nerveux par ses criantes insuffisances et
insipidités. Le résultat ne triche pas : les téléspectateurs zappent ou
filent droit vers le programme de divertissement. C’était sans compter avec
certains producteurs et éditorialistes qui inventèrent une nouvelle bonne
pratique dans les médias : le divertissement politique. Selon nous, le
débat politique télévisé est sui generis
un divertissement. Ajouter des phases de micro-reportages et des micros-trottoirs
tout en invitant au sarcasme, à la petite
phrase et la blague de l’élu invité accomplissent le salut par la lucarne :
le risible et la farce à prétention démocratique engendrent ni plus ni moins qu’un
affaissement du crédit de la bonne pratique elle-même. S’agissant de l’abaissement
de la représentation délégataire du pouvoir de tous dans la gestion de la chose publique, il n’est plus à
démontrer.
Les bonnes pratiques en politique,
comme dans l’art de surfer sur internet, sont à la démocratie ce que sont les lignes
de RER francilien à la genèse du Grand Paris : un espace impersonnel, la
morphologie de l’intenable et la poussière du périssable sur le fondement
politique crédible d’une vie civile.
A en croire d’autres mouvements à la
mode de l’instant, toujours à nous faire croire qu’ils font du neuf avec du
déjà très vieux, on nous ressort progressivement la désobéissance civile comme clef ultime pour transformer des
citoyens en aiguillons auprès des politiques, des juges, des « décideurs » de tout poil (les éclairer dans la largesse de leurs
décisions). Viendront ensuite les inévitables interrogations sur la
e-démocratie, la démocratie directe, la citoyenneté (The retour dans cinq ans) et l’appel aux consciences (un must récurrent quand on a réessayé tout ce qui précède avant de reprendre
la farandole).
Comme les grains de sable ne cessent
de s’accumuler sur la belle route de la démocratie de façade, rien de tel qu’un
bon livre en attendant la prochaine liturgie communicante de tel think tank prisé (là aussi un instant) le long de la Seine.
LSR
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