la politique extérieure réaliste de l'Allemagne devant les périls du peak oil
Pour
quand, le peak oil ?
Dans le jargon énergétique des experts militaires et civils, Le « peak oil », ou pic pétrolier, est ce
moment où la production pétrolière commence à diminuer et pose questions sur
les conséquences inévitables sur l'économie et la politique nationale des pays
membres de l’Union européenne.
Dans un rapport paru en 2010 en Allemagne, juste avant l’entame de son
grand plan énergétique pour les décennies à suivre, le peak oil a quelque peu divisé quant aux problèmes soulevés touchant
« les dimensions environnementales
de la sécurité ». Il divise encore principalement sur la date à
laquelle ce peak oil interviendra.
2030 est à peu près la date qui est souvent admise dans ses
conséquences par les experts, c’est-à-dire que ses effets ont déjà commencé depuis
fin 2012 jusqu’à début 2014, lesquels « effets se font ressentir entre quinze et trente ans plus tard »,
affirmait le rapport.
C’est ainsi que la chancelière Angela Merkel a présenté, le 28
septembre 2010, la stratégie en matière énergétique pour l'horizon 2050 de son
pays. Elle soulignait d’ores et déjà la raréfaction du pétrole, précisant qu’elle
entraînera « de grands risques
systémiques pour l'Allemagne vu son implication dans la mondialisation, et ce
quelles que soient les politiques énergétiques suivies ». Sous un ton
prévenant, Merkel a réalisé une belle prestation devant la presse internationale convoquée au
grand complet pour que tous les continents sachent bien que l’Allemagne a une
politique extérieure crédible et qu'elle la suit en conscience. Derechef, l’Allemagne regarde en face toutes
les lignes de ses risques stratégiques et travaille à garantir et maximiser ses
intérêts nationaux… rien que de très normal quand on se trouve à la tête d’un
Etat. C’est sa vertu cardinale à l’Allemagne de déployer force et perspicacité,
même médaillon biface doublé de prévoyance. C’est aussi sa puissance incontestable jusqu’à ce qu’elle
devienne tôt ou tard incontestée.
En effet, par le passé, précisait la chancelière dès septembre 2010,
les crises générées sur les matières premières trouvaient leurs répercussions en
termes de « tensions régionales ».
Aujourd’hui, nul stratège ne le nie, François Heisbourg (*) en tête, et ce n’est
pas n’importe qui en cette discipline précieuse, le peak oil pourrait provoquer des « tensions mondiales regrettables », cette fois-ci. La cause est
entendue, l’importance cruciale du pétrole est un élément majeur de l'économie
moderne, notamment dans tout le secteur de la chimie. Sa raréfaction mènera à
des réactions et périls en chaîne dans toutes les économies nationales et
continentales.
A partir de ce constat, les auteurs dudit rapport allemand précédant l’intervention
mondiale de sa chancelière, dirigé par un haut gradé de l’armée, décrivent les périls possibles :
· les Etats producteurs de
pétrole vont connaître un accroissement de leurs pouvoirs politiques,
diplômatiques et économique sur la scène internationale ;
· la primauté prise naguère par
le marché diminuera au profit de relations commerciales d’Etat à Etat sur un
mode « dur » (ita est rapport de force inégal en faveur
des pays producteurs) ;
· Les Etats ou zones qui ne se
prépareraient pas en amont du peak oil
pourraient faire faillite ;
· Pour ces Etats non préparés,
« la démocratie pourrait être
menacée ».
Nous voilà prévenus. Enfin, « nous »,
les Français, avons-nous la main dans cet horizon factuel historique ?
Soumettons-nous nos ardeurs industrielles et importatrices de pétrole en
fonction du peak oil à suivre ?
C’est qu’ici, il n’est plus temps de s’interroger sur l’achat du PSG par le
Qatar ou ses possibilités de rachats de biens patrimoniaux (immeubles, bâtis
fonciers, arts, entreprises, vitrines commerciales…) ou d’investissements ! Les périls sont
annoncés, les causes et effets du peak
oil en chemin.
L’Allemagne, une fois de plus, a plusieurs longueurs d’avance sur la France
et les autres Etats-membres de l’UE. Elle a revu courageusement sa politique
extérieure dès 2009-2011. Y compris aujourd'hui en s’adaptant aux donnes internationales,
dont les tensions actuelles en Ukraine principalement pour le gaz. A l’instar
de tous les pays importateurs de l’or
noir devant cette question, et
contrairement à la France, la politique extérieure de l’Allemagne a réussi à discerner
et défendre ses conditions principales dans son accès efficace, rapide et au
meilleur coût aux matières premières (gaz et pétrole en tête, fer, blé, etc. dans une mesure en cours de réalisation…). Au moment où ses
deuxième et troisième fournisseurs que sont la Grande-Bretagne et la Norvège
qui voient leurs ressources pétrolières tarir à la vitesse de l’éclair depuis 2005, l’Allemagne
n’eut d’autre possibilité que se tourner plus avant vers la Russie dès les
années 2000, et ceci sans état d’âme. Il n’est ainsi pas anodin que l’ancien
chancelier durant presque sept ans (d’octobre 1998 à octobre 2005), Gerhard
Schröder, ait pris , d'une part les rênes du projet de gazoduc North Stream en mer Baltique, lequel gazoduc achemine un
approvisionnement direct du gaz russe en Allemagne sans passer sur le
territoire ukrainien, ait signé d'autre part l’accord bilatéral avec la Russie juste avant
de céder sa place à sa suivante Merkel, et enfin dirige depuis lors le consortium de
construction de North Stream en tant
que filiale de Gazprom.
les chemins du gaz en Europe continentale |
L’Allemagne serait donc provisoirement empêtrée dans ses contradictions
entre la défense des intérêts de l’Union européenne et ses intérêts nationaux,
nous dit-on depuis quelques jours par voie de presse. Rien de moins évident et
de plus faux que cette donne géostratégique si on ne l’observe que sous les
lunettes de la morale. Car l’Allemagne a joué finement sa partie, peut-on ici
affirmer, surtout en deux phases complémentaires.
Dans un premier temps, elle a œuvré pour promouvoir des forces de
sécurité européennes s’intéressant à la protection des zones stratégiques
énergétiques, dont la zone du Maghreb, œuvre qui lui permet de ne pas s’engager
dans les zones de conflits quand la France, la Grande-Bretagne et des petites
troupes norvégiennes et danoises de supports techniques sont quant à elles militairement
engagées en ces zones. Dans un second temps, la chancelière Merkel a dompté les
institutions européennes, les plaçant définitivement sous sa coupe, tout en contraignant
la France, sous la houlette de François Hollande cet hiver, à se voir « importée » son modèle de gestion de
la crise sociale et économique interne. Il n’en reste pas moins une difficulté
pour elle. Et de taille.
Est-un hasard si cette photo a fait grand bruit en Israël, lors de la dernière visite "amicale" de la chancelière sur les terres d'Israël ? Effet d'optique, une rustique moustache de caporal... |
LSR
(*) François Heisbourg préside l'International Institute for Strategic
Studies (IISS) de Londres et du Centre
de politique de sécurité de Genève (GCSP). Il est en outre conseiller
spécial du président de la Fondation pour
la recherche stratégique (FRS).
Sur la "coopération" franco-allemande, voir le billet rapide suivant : http://atelierserpentrouge.blogspot.fr/2014/02/une-habitude-adolescente-en-conseil-des.html
COMMENTAIRE PERSONNEL RECU, de l'un des Serpents :
RépondreSupprimerJolie démonstration géopolitique et géostratégique !
Que l'Allemagne voie ses relations avec Israël se détériorées, c'est un problème mineur qu'elle saura gérer au fil du temps, Israël sera aussi acquéreur de pétrole. Pourquoi pas auprès de l'Allemagne ?
C'est effectivement un problème de peak oïl dont on parle peu, car la partie visible de l'iceberg international est comme d'habitude plus apparent et plus "touristique". Ce qu'il se produira dans les 20 ou 30 années à venir sera catastrophique et il paraît prudent à nos chers décideurs de reculer l'échéance le plus possible.
On sera mis devant l'évidence le jour venu, de façon brutale, car d'ici là, le courage de gouverner (qui est aussi celui de prévoir) n'aura pas fait de progrès, bien au contraire, et qu'il nous faudra boire le verre jusqu'à la lie de leurs incompétences précautionneuses.
Courage, fuyons !
J'ai presque envie de dire aux plus jeunes : préparez-vous, vous n'avez encore rien vu de ce dont ils sont capables, c'est-à-dire de vous empapaouter jusqu'au dernier jour plutôt que d'avouer leur incompétence et en dernier ressort leur je-m'en-foutisme pour l'avenir qui ne sera plus non plus le leur.
P.
Dormez bien braves gens, vous n'avez encore rien vu !