Eternelle fleur au fusil, par Patrice C.
Fleur au fusil.
Comme un
enthousiasme réveillé, le moment d'actualité est à la commémoration de l'entrée
en guerre de 1914. On se refait une virginité politique avec des événements du
passé.
On avait, trop
tôt peut-être, oublié celle de 70. Guerre d'un autre temps pensait-on, se
croyant déjà moderne. C'est ainsi que très patriotiquement et en pantalon bleu
ciel on est reparti vers une improbable aventure déjà écrite.
Que savaient les
Français des alliances et des espoirs de victoires ? Tout ce qu'ils
avaient intégré, c'est qu'il fallait y aller en chantant, s'il vous plaît !
Que connaissaient ceux qui allaient devenir des poilus de souffrance à la
politique internationale qui les manipulait au profit de quelques-uns et pour
la gloire de quelques gradés toujours en mal de travail ? Mobilisons
ont-ils dit ! Ils eurent la mobilisation de masse, conduite par des
intéressés privés au détriment de pioupious
encore rigolards qui ne savaient pas qu'ils s'appelaient déjà chair à canons.
On a beaucoup joué sur le sentiment national et l'urgence. On a beaucoup fait
valoir la supériorité nationale sur les Huns. Il s'en est fallu de quelques
jours pour qu'on comprenne que ce ne serait pas si simple et qu'en face, ils
étaient les agresseurs donc préparés en conséquence. On renouvellera la même
appréciation en 39…
Un siècle plus
tard, certains ont l'outrecuidance de nous faire pavoiser à nouveau alors que
nous connaissons aujourd'hui le résultat de l'aventure. Ils s'avilissent dans
des commémorations dithyrambiques et grandioses en superlatifs et elles sont
toutes propices à leur avantage personnel. Tout est bon ou presque pour faire
de la mousse politique et essayer de remonter le taux de satisfaction. A
défaut, alors qu'il est très urgent de s'y intéresser de près, on préfère le
cocardier à l'efficace. Sous peu, et partant du même principe, on nous fera
croire que tout va bien… En attendant, célébrons, célébrons !
S'il ne vous
paraît pas quelque peu anachronique de commémorer une marche en avant vers une
défaite relative qui a coûté plus de 18 millions de morts au pays, c'est que
vous avez une appréciation particulière du mot commémoration que je trouve
plutôt marquée de festivités et de joie retrouvées.
Commémorer une marche à la mort, ça a quelque chose de
déplacé. Que fêtera-t-on en 2018 ?
Commémorer, c'est se souvenir ? Soit, mais alors que ce souvenir soit
réservé, discret, digne et modéré dans sa démonstration, à la hauteur de l’échec
et de l’erreur. Se souvenir, c'est surtout se rappeler de ce que cela fût et
nous avons l'Histoire pour nous aider à nous en souvenir et quelle Histoire :
une tragédie.
"Plus jamais ça", "la der des ders"… et vingt ans plus
tard on remettait "ça" !
Alors, commémorer, se souvenir rétrospectivement de ce que cela fût et de
l'erreur que ce fût avec le relatif "confort"
de dire "on ne savait pas" ?
Quelle hypocrisie, quelle tartuferie politicienne ! Commémore-t-on
l'Indochine, Suez, l'Algérie ? Commémorer, c'est aussi et avant tout
remercier. Ceux qui en sont revenus et ceux plus nombreux encore qui y sont
restés et cela se fait à l’armistice.
Un peu de pudeur,
de retenue. Chapeau bas devant les anciens participants et attendons le moment
propice pour fêter la paix tellement souhaitée et qu'elle soit définitive,
irréversible.
Patrice C.
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