The show must go on (journalisme et politique conjugal à l'honneur)
Effet d’aubaine pour la « rentrée » des rédactions.
La
précipitation est devenue vertueuse dans la presse écrite, ce qu’elle n’avait
pas franchement été jusqu’à maintenant, ne privilégiant, si l’on peut dire, que
l’impatience. Quelle bonne journée, hier, des sortants assurent le show de la rentrée. Clap-clap-clap, chapeau bas les artistes du « bouge ta France ! ».
La
presse lente et douce n’a jamais existé, contrairement aux commentaires sous-savants
du type « tout doit aller vite, la
presse écrite doit suivre le rythme ». Les milliers de journaux dans
le bassin parisien durant la Révolution française, au moins de 1787 à 1791, se
faisaient fort de narrer les événements, parfois les raconter sous la forme du
feuilleton mais rarement les commenter. Le commentaire était plutôt l’affaire
des revues, ou plutôt de ces imprimés quelquefois strictement locaux tenus de
main de maîtres par des personnages que l’histoire retiendra comme auteurs. De
par sa production en imprimerie d’époque (du
plomb polluant, imaginez !), les journaux étaient de larges feuilles
spécialisées en recto verso. La
lenteur, la réflexion en amont de la rédaction du papier n’était guère
recherchée puisqu’on excellait avant tout dans l’information chronique et rien
d’autre. Le lecteur n'attendait que cela et il était plutôt bien servi.
Fin
de ce temps. Les quotidiens et hebdomadaires, les premiers ayant eu au bas mot
deux éditions par jour durant un temps achevé au début des années 80, sont
entrés tardivement sur la toile ; ils ont tous des sites plus ou moins
attirants. La plupart commencent à proposer des pages payantes pour lire leur
prose. Pour tenter de batailler avec l’audiovisuel, ils recherchent le coup, le
scoop, la plume détonante de THE chroniqueur, la photographie
inédite, l’interview hachée. Hélas, cela aboutit la plupart du temps à peu de
choses : des articles vite rédigés par des petites mains sous payées (les stagiaires, les pigistes), des "experts qui commentent pour vous l'info" (chauds, chauds, mes marrons, M'sieurs-dames !), des
contretemps présentés comme des avant-propos d'avant-premières, des sites internet pas
franchement caractérisés par leur qualité, une orthographe et une grammaire souvent
douteuses et des coquilles aussi nombreuses que le vide sidéral des
informations récurrentes dont, franchement, nous nous foutons comme de notre
premier secrétaire d’Etat au commerce extérieur venu. Un site sort du lot,
disons-le : Le Figaro s’en tire
mieux que les autres et dans une quasi-gratuité de l’ensemble. Pour combien de
temps encore ?
Ce
que le lecteur attend de l’achat de son quotidien ou hebdomadaire n’a guère
changé : des informations générales ou spécialisées lorsqu’il s’agit des
sports ou de cuisine au beurre, des conseils et des informations pratiques.
Cela va d’une soie dans la torpeur du quotidien, des semblants d’analyses
politiques et internationales peuvent faire le miel de quelques lecteurs
avertis. Pour le coup, nada !
Pour cela, il faut se tourner vers les niches d’une presse devenue plutôt
confidentielle ou la presse indépendante payante sur internet comme Médiapart. Et surtout, camarades, les livres, les livres... et encore les livres.
La
roue tourne. Les stations radiophoniques périphériques rivalisent de flashs, scoops, unes et émissions spéciales dès que « l’urgence l’impose », dit-on. Imaginez qu’un avion s’écrase,
émission spéciale… mais si au même moment, le premier ministre français est
atteint d’un gros rhume politique, que faire ? Seconde émission
spéciale ? Deux émissions spéciales en simultanée ? Les rentrées des
rédactions d’hier ont été prometteuses pour tous, radios et télés. Poujadas
recevait Monsieur Hamon quand son concurrent recevait Monsieur Montebourg.
Congratulations dans les rédacs sur le choix de la reprise. Aubaine et
spectacle garantis, les marchands de cacahouètes autrement baptisés
publicitaires ont eu du nez pour telle ou telle page privilégiée à tel créneau
horaire de prime et d’après JT.
Aujourd’hui, rebelote, puisqu’il faudra bien préparer les petits portraits en
images des principales figures qui entreront dans vos vies qui n’en finiront
pas d’être bouleversées s’il s’agissait de Monsieur X ou Madame Y pour tel
maroquin. Evidemment, dans les rédacs, des habitués des sandwiches partagés
avec les milieux « bien informés autorisés »
(souvent les conseillers des princes qui
s’en amusent et jouent de l’utilisation réciproque de communication avec les
journalistes) livrent bien en avance quelques noms pour que les papiers
commencent à s’écrire avant 19 heures, qu’on puisse retrouver l’image d’un de
ses moments où iceux ont percé sur la scène médiatique (coco, j’adore cette expression) et, bien
entendu, si possible la petite anecdote croustillante qui vous mettra l’eau à
la bouche de savoir à quel point le nouvel impétrant est heureux et méritant
d’obtenir un cabinet, une voiture et deux officiers de sécurité… plus un dossier
ministériel qu’il prendra en cours de route, puisque de toute façon il dispose
d’une armée de petites mains de conseillers et techniciens fonctionnaires. Tout ça autour du grand trempé de France (merci
Patrice pour l’expression, je ne m’en remets pas) !?
Dans
la presse écrite, on ne boude pas son plaisir. On se sent monté du col, mieux !,
on a l’illusion d’être vachement
important, vachement informé quand tous les péquins sont à l’usine ou au bureau.
Depuis hier, on joue donc les pronostics à qui mieux-mieux : « Delanoë consentira-t-il à sortir de sa
retraite ? », et même le fumeux « et si DSK, meilleur économiste du monde, revenait avec Martine
Aubry ? ». Les services politiques s’amusent comme ils peuvent,
ces pions n’étant formés qu’au brouet spectaculaire-marchand de l’info-entertainment en lieu et place de
l’analyse du choix réel, de ce que le nouvel acteur à portefeuille a dans le ventre
et entre les oreilles. Mon impression visuelle de ce que les services
politiques sont devenus dans la presse écrite : des turfistes, « faites vos jeux, X ou Y à Bercy, c’est mon
dada »… et encore, je respecte Paris-turf, un canard fait avec la conscience du travail honnête par ses plumitifs.
Et
vous en redemandez encore de cette alliance de la carpe journaliste, du lapin politique
et des valseuses financières ? Tsssss... c'est du masochisme à l'œil ou je ne m'y connais pas !
LSR
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