patrice, Hoop-Hoop Hooper & l'expo où il faut



[Dialogue 3 - Patrice en verve]

— Salut l'ami, tu es allé voir Hopper ?
Non, pas à l'hôpital, l'expo !
THE expo ! Là où il faut être allé, ou être vu ?
Bon, j't'explique : tu vas au Grand Palais, tu te tapes une heure et quart de queue à l'ombre.
Ca, c'est juste pour pouvoir accéder.
 
 
Ensuite, tu refais une petite queue (elle est mignonne, celle-là !) juste pour entrer, puis tu refais une queue pour prendre ton billet. Tu vois le bintz...
Une fois à l'intérieur, comme disait Nougaro : "Dès l'aéroport, j'ai senti le choc..." Là, c'est dès l'escalier mécanique : la gare de Lyon un 1er août ! D'autant que les deux premières salles, tu peux les traverser comme si tu avais une valoche de 50 kg : c'est le travail nourricier de Hopper. On n'est pas là dans une cantine ! Après, tu te retrouves dans le saint des saints : l'oeuvre ! Là, il faut que tu fasses abstraction des groupes avec guide qui monopolisent les tableaux, des deux bourgeoises bien raides, balais dans le cul, qui discutent de tout sauf de Hopper. Feraient mieux d'être chez Angelina devant un thé... après, tu essaies d'éliminer les provinciaux qui trouvent que "c'est beau !", l'inévitable Dudule qui s'extasie devant la perspective et la lecture de l'oeuvre, à voix haute pour sa femme (qui n'y connaît rien, cqfd) et enfin des pseudos concentrés immuables et inamovibles avec leur espèce de téléphone à l'oreille qui raconte l'expo. Quand tu as réussi à te croire enfin dans une expo dont tu rêves depuis des années : tu jouis ! tu en profites. Faut prendre sur soi et avoir un pouvoir personnel de s'isoler.


— C'est toujours comme ça pour se faire plaisir ?

 
 — Ouais, de toute façon, le plaisir à un prix... et pas que celui du billet : 12 € !
Maintenant, devant les tableaux, c'est comme si tu étais ailleurs, coincé entre le monde d'Henri Miller et celui de Philippe Roth pour les littéraires, entre Bogart et Win Wenders pour les cinéphiles, et entre Ellington et Coltrane pour les musiciens. On est chez le père de Robert Frank, pour les photographes. C'est bien Hopper, ses plans à 90°, sa lumière à 45, ses perspectives raccourcies, comme compressées au téléobjectif, ses ciels bleus et ses ombres qui sont le pendant du reste du tableau mais avec les couleurs d'une ruelle pisseuse. Si avec ça, t'es pas content... Tu rejoins la sortie et là, tu te retrouves sur la promenade des Champs Elysées, dans un décor d'automne à la Pisaro, sauf que les mecs n'ont plus de chapeaux haut de forme et les femmes plus de crinolines et qu'ils ont tous les yeux bridés... Attention : atterrissage ! Tu n'as plus qu'une envie : te retrouver chez toi, te taper une bière en te plongeant dans le bouquin de l'expo que tu n'as pas manqué d'acheter avant de sortir... C'est juste pour ne plus en sortir. Justement !

Patrice



Et pour une rêverie diurne, une vue de P. lui-même, quelque part dans le Nord.
 
 

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