Lukacs explique la décadence, par Raoul Bidard
De la créature évoquée & de quelques causes "sociétales" justifiant de lire Xénophon
Dim 26/05/2019 16:55 à SP
Cher
S.,
Avec mes remerciements pour ton
explication qui va dans le sens de mes hypothèses instinctives, voici quelque
élément prompt à insuffler controverses, bien que je demeure à la surface des
choses.
J’écris ces présentes lignes
liminaires alors que j’établissais tranquillement ma petite réflexion en suite
de ton mél de vendredi qui narrait la créature, tout en répondant à ta question
sur Xénophon. Cela m’a inspiré, tu me le pardonneras, la longueur de ce qui
suit. Ma prolixité n’a d’égale que l’importance du tour pris menaçant de la
guerre à venir qui se déniche aussi dans les atours féminins.
***
{De la créature
en général & des offices politiques sui generis.}
Nous le savions, l’enfant-roi qui
plus est consommateur est devenu un tyran de la quotidienneté. Dans sa famille,
à l’école, au bureau et à l’usine (quand il en reste !) ou devant
l’urne, notre concitoyen vit avec les vues principales de sa tribu. L’étudiant
ne souffre nulle contradiction, nulle interrogation générale de ce qu’est le
monde autre que le sien propre. Ses parents ont commencé de vivre pour soi
& en soi ce travail de sape.
Autrement dit, l’intériorité
conflictuelle s’est légitimée dans l’assomption de l’extériorité égoïste, ce
qui signifie que la dialectique sujet-objet nous présente en cette fin des
années 2010 un déséquilibre des poids du sujet sur les plateaux de la balance
de la civilisation moderne. Soit encore les termes de la querelle des Anciens
et des Modernes gagnés par les théories modernistes nihilistes visant les
premières.
Aussi, un auteur comme Lukacs, dans
sa grande ontologie (elle fut d’abord œuvre esthétique), avait déployé
une matrice de la réification de l’être social qui se condense dans le calcul
instrumental de l’individu dans le cadre du capitalisme en phase de
dégénérescence. Weber, l’un de ses amis, le trouvait agile aux excès, mais il
se trouve être au demeurant l’un des maîtres de Lukacs avec les Antiques de
cette dynamique du penser de Lukacs.
L’hétéronomie sujet-objet s’est
aussi déportée vers le genre, le sexe, la lutte tribale et sexuée en même
temps, usant de tous les schèmes propres à un genre pris sur un autre. Dès
après, la jeune femme de nos temps troubles se complaît assez souvent dans la
forme prostitutionnelle de son être social : elle commerce en tout, elle
demande tribut dans les échanges (le contrat ?) de son amour/fidélité y
compris dans sa famille. Il n’est ainsi pas innocent que la question principale
et la source des Weber et Simmel, qui ont beaucoup écrit sur l’amour et toutes
les stances féminines de prostitution (le grand recueil de Simmel sur ce
thème est postfacé par Lukacs), sont au cœur de leurs systèmes (si je
puis qualifier leurs œuvres ainsi). Les pères sont châtrés, les pensées
politiques deviennent domestiques et comptables quand tous se complaisent dans
la représentation. Pour l’exprimer très vite, la lex mercantoria supplante
les relations civiles, civiques et intersubjectives ; nous avons là un ius
devenu évanescent, contraint, amoindri par l’un des genres d’une catégorisation
séminale du Droit.
Cependant, une nuance surgit depuis
les années 70. Avec le relâchement moral de la société contemporaine où
l’inversion des valeurs remplit tous ses offices au plan politique, les garçons
perdent la « vir, virilis » pour devenir des êtres doux aux
pensées sucrées (culte de la loi originairement raisonnée finalement
arraisonné de manière pugiliste dans le contresens soutenu par le droit
prétorien d’une lecture de l’art. 16 du Code civil). Les garçons sont
abattus par la puissance vaginocratique, la nouvelle potestas de nos
temps pré-guerriers.
{Les
créatures ont un but de guerre & un bréviaire politique efficace :
agir ontologiquement avec les règles de la lex mercantoria.}
Une telle irrésolution raisonnable
de la question sociale-historique fonde le fossé « jaune » de
nos temps : le moindre dialogue contradictoire est refusé, à l’enseigne du
souci de l’effort intellectuel, la délibération, l’étude, la création et les
exercices d’admiration (lire, écrire, éditer, au sens de Dominique de Roux).
Le désir de matrice, de retour dans le ventre de la mère, y compris chez les
nullipares et les garçons-pères, fait refuser la mort à la jeunesse de France,
mais aussi le risque, le pari avec Dieu… Ils picolent à mort en « soirée »
mais ne veulent pas qu’un soldat puisse mourir au combat, ou qu’un des leurs
embrasse un platane de retour de night-club. Ils refusent la mort mais
la recherchent avec une morbidité inassouvie, et en même temps ils ne sont
aucunement indignés par les 2-3 morts au travail chaque jour en France (selon
les chiffres du Ministère du travail de 2018).
La contradiction éclate. Tous les
pores du corps civil s’enclosent, toutes les artères juridico-politiques du
pays s’auto-mutilent, laissant place à l’anarchie capitaliste dévirilisatrice
où les lois du commerce transpirent dès avant (art. 16-1-1 al. 1 du Code
civil) partant du fait que la mort réifie un impensé : devant les
tribunaux, Thémis se couche devant le spectacle copulaire d’Eros &
Thanatos… quel plus bel exemple que les maintes audiences pour « menaces
de mort » en toute occasion dans les juridictions civiles spécialisées
(famille, presse…) !? En réalité, chacun adopte sans le savoir une
maxime de Richelieu :
« Donnez-moi
deux lignes de quiconque, j’en ferai un coupable qui sera condamné »
(en substance et selon les auteurs).
L’emportent dès lors les valeurs
féminines, les couleurs, la coquetterie, le sucre, la douceur revendiquée en
tout et pour tous avec les moyens de la cancanerie et de la séduction pour
triompher, gagner un litige, obtenir récompense ou réparation dans un
différend. Coucher ou se coucher est redevenu, comme à la cour de
Versailles, le meilleur moyen de postulation économique très favorable aux
femmes.
Pourtant, même la psychanalyse de
masse le sait depuis les multiples travaux sur la question, sans parler des
physiologistes et autres biochimistes du cerveau qui ont publié études et
traités depuis les années 60 aux Etats-Unis et en France (Henri Laborit est
à relire), les garçons sont plus fragiles en tout quand les filles sont
rudes. Dans le jugement, dans la rupture (couple, emploi…), au combat,
au tribunal, les femmes emportent le bout de gras.
Est-ce un hasard si les armées
modernes privilégient les sections de commandos spéciales avec des filles
lorsqu’il s’agit de passer à l’attaque couverte de nuit au couteau ? Tsahal,
les Seals US, les anciennes de la garde prétorienne de Kadhafi, et
maintenant le Service action de notre DGSE ont tous compris que
l’embauche-entraînement des filles est nécessaire pour un gain d’utilité :
la durée du deuil est multipliée par deux, trois chez le guerrier surentraîné
par rapport à une guerrière aussitôt disponible au combat dès que besoin.
{Toute
puissance du totalitarisme vaginocrate.}
Pour quelques-unes des parties de
cette totalité ensidique, le pari démocratique (pour reprendre
l’interrogation des Gauchet et Manent) est perdu, me semble-t-il. La Vème
République en est l’une des causes, fort bien comprise dans le procès que
Mitterrand lui en a fait (en épousant ses institutions durant quatorze ans).
Michel Debré nous avait aussi
prévenu dans son célèbre discours devant le Conseil d’Etat du 27 août
1958 : la brigue et le calcul des honneurs pour/par la capitalisation des
fonctions du gouvernement représentatif affaiblissent et l’Etat et ses institutions,
et la nation et la culture héritée en propre tout entière (en lieu et place
du tout est culture, le rap, la mode, etc., tel que Bloom avant
Finkielkraut l’a si bien démontré, ce que j’appelais naguère le jack-langisme
pour faire rire quelques lecteurs et que l’on peut résumer par la confusion des
catégories des genres esthétiques), bref tout le droit politique de la
France (Debré avait juste omis de préciser sa conception du droit politique
à l’antienne de René Capitant : le Droit politique est à la fois le droit
de l’Etat, de l’administration et en même temps celui de la société civile, de
la justice du monde privé, relations individuelles et sociales privées
comprises).
Le demos fructifiait
l’éducation et les vertus jusqu’au cœur des masses de granit renouvelées par
Napoléon et sa commission des quatre, mais encore dans la Constitution du 4
novembre 1848 qui permettait à la République d’épouser les questions du travail
et plus généralement la besogne sociale utile au maintien des vertus publiques.
Cela n’est plus guère le cas.
Je te l’avoue, Cher S., le très
rousseauiste citoyen que je suis a toujours gardé la plus grande méfiance à
l’endroit de la représentation : la députation en premier lieu (L. III,
chap. XV du Contrat social).
Ah, que bénis ma prof de Cinquième
qui m’avait recommandé la lecture des Rêveries d’un promeneur solitaire
à la suite de notre étude de la trilogie de Jules Vallès. C’était un temps pas
si lointain où dès la Sixième nous étudiâmes des œuvres et des auteurs sans
nous soucier du profit extérieur, sans nous attacher à les ranger, classer
sinon les ordonner pour nous construire ; au bachot, nous y présentions l’étude
véritable et putative d’au moins sept auteurs. Le pédagogisme s’est substitué
sous Bayrou-Jospin à l’éducation, ex nationale devons-nous ajouter. Là
est l’une des sources institutionnelles de l’abaissement de la Nation France
par dénigrement du Droit en tant que droit politique pour ce qui est de
son épistémè originaire.
{La guerre,
horizon d’attente politique du sein découvert de Marianne ?}
Vaginocratie, nantissement (au
sens juridique) des vertus, calcul comptable (la Constitution qui depuis
2004 oblige à établir une légistique technocratique le PLFSS avant la Loi de
finance de la Sécurité sociale :c’est une ordalie monstrueuse),
pédagogisme, spectacle-marchand, et donc macronisme, sont les mamelles de la guerre
de tous contre tous relancée à la faveur de notre perte générale de la
souveraineté, tant au plan politique qu’au plan de l’éducation intime (la Reich
europa, la votation comme prière, sans oublier cette souveraineté
personnelle que l’on trouve à l’œuvre dans le Grand siècle avec notamment Retz
ou chez des auteurs majeurs du XXème oubliés comme Daumal, Vailland, etc., bref
des écrivains/poètes de la verticalité).
Il en découle, en lieu et place des
virtu, et quel que soit le « bord », la tendance
républicaine ou royaliste de nos jurisconsultes précieux (tous les auteurs
de nos séances des S1 et S2 d’HDD) une mise sur orbite de l’indistinction,
du positivisme légal assis sur un vague cosmopolitisme, fessier boudiné du
« genrisme » augmenté par les actes, actions dits « racisés »
qui accroissent non plus la concorde entre les êtres mais bien plutôt un
nivellement des valeurs, voire organisent la destruction des quelques vertus
publics restantes dans le commerce des corps sociaux, politiques et des
individus, déchirant les bonnes mœurs qui ne sont que la fiction dégénérée dans
la concrétion de l’ordre public contemporain (art. 6 du Code civil).
La principale tactique est
l’aseptisation du penser qui en passe par l’aseptisation du vocabulaire commun,
notamment en usant de la bonne vieille recette d’une articulation entre langage
populaire et langage savant. Ce qui importe, dans la guerre qui vient, demeure
la recherche de former un langage porteur de toute l’idéologie dominante et
coercitive des voies choisies pour faire droit, pour casser la loi
imparfaite, pour faire politique, pour faire société. Bien
évidemment, car ce sont de louables combattants de leurs causes iréniques, il
leur faut aussi une stratégie : c’est le progressisme dévoyé, la high
tec, les technologies nouvelles et le surf du ouèbe. Le sein
découvert de Marianne me paraît aussi être la concentration des regala
dans la police, la justice et l’impôt et la privatisation de tout le reste par
la dilution du bien commun et de l’utilité publique orchestrée de l'OMC à l'UE,
en passant par le Palais-Bourbon.
Tout ceci est une symphonie. Par le
langage de la rupture, il est l’autre appellation d’origine contrôlée du
langage de la servitude volontaire qu’adoptent à brûle-pourpoint les hérauts du
modernisme que sont les vaginocrates macroniens, ces star-uper de la
société spectaculaire-marchande qui régionalisent la France. Le land de
PACA pour le plaisir du bain et du soleil ; le land d’IDF pour les
musées et les JO ; le land de Gironde pour sa vigne, etc., et
surtout la Grande Allemagne pour ses fermes industrielles d’assemblage,
ses voitures assemblées in loco, pièces fabriquées par des bras Polonais
ou Roumains, porcs et veaux engraissés et tués par des Bulgares, des poulets
Ukrainiens...
Les mêmes atomisent les mœurs,
notamment par la dénaturation de l’institution séculaire du mariage, de la
famille… là encore, la lex mercantoria parvient à ses fins à grand pas
jusqu’au plus profond de l’origine de l’humanité : « j’ai fait
carrière, je veux un bébé toute seule… (variante 1 : « Moi Paulette,
je veux un enfant avec Josette » ; variante 2 : « Moi,
Charles-Edouard, je veux un enfant avec mon mari Mohamed »)… alors
je loue les entrailles d’une Américaine ou achète un bébé au Cambodge ».
De l’ordre, de l’ordre,
nous réclament les macronettes, il faut légaliser PMA, la GPA, il faut aller
« dans le sens de l’histoire, dans le sens du progrès »…
Une fois encore, S., notons, le
goût prononcé de tous ces gens-là pour les acronymes, à l’instar des religieux
de la DDHC. Sommes-nous heureux de devoir exister dans une telle
Babylone ?
{Pourvue
d’un but, la créature ânonne la religion des DDHC comme moyen de la guerre.}
Le vaginocratisme dominateur est le
relief de la sécularisation cosmopolite du droit-de-l’hommisme (bis
repetita : les DDHC, comme adorent les citer à toutes les sauces les
juristes modernes préférant l’acronyme aux fondements du 26 août, voire aux
Déclarations antérieures d’un Fréteau de Pény par exemple, mais encore les
suivantes discutées, rejetées) avec tous ses surgeons connus que sont le
communautarisme politique, dont le si impotent et omniscient féminisme, le
veganisme, l’anti-spécisme et toutes les formes d’un gauchisme porté par la
droite et d’un libéralisme ordo-économique porté par la gauche, etc.
En somme, il s’agit du culte
incessant de la particularité et de la singularité portées aux nues d'un
horizon où la loi n’est plus qu’une petite incidence normative qui peut être
bousculée par les lois du commerce et du rapport de force de circonstance (cf.
le doyen Carbonnier sur l’insécurité juridique, l’inflation législative).
Ce sont les conséquences d’une France qui a peur d’elle-même, de son peuple
atomisé, de ses travailleurs déchirés d’avec eux-mêmes.
La France a commencé
d’institutionnaliser son abaissement dans la folle croyance en une souveraineté
apatride et dans la dilution des humanités, de la Culture. L’école et
l’université entendent façonner des producteurs et non des êtres libres,
instruits et autonomes. Les droits politiques sont abaissés parce que pour les
exercer de plein droit, il faut être éduqué, formé, conscient quand a
été actée la confusion par conformation de l’exercice des droits civils « aux
lois constitutionnelles et électorales » en tant que le vote est amour
du vote pour le vote (art. 7 du Code civil).
D’où mutatis mutandis, les
évolutions du vocabulaire politique commun qui démontrent, s’il en est encore
besoin, d’un tour qu’ont pris les sens militants en faveur du particularisme,
de la discrimination positive pour le signifier à l'instar de JL Harouel.
Parmi les enfants-rois, ce sont les
filles qui dominent. La politique au quotidien, qui n’est qu’une guerre larvée
fondée sur les lois du commerce des corps appliquées à la politique et échanges
sociaux, sans omettre la chair stricto sensu, favorise la prostitutionnalisation
des mœurs. Nous disposons là de l’abolition pure et simple des dispositions de
l’art. 16-1 du Code civil, ita est l’éducation du citoyen étant
stérilisé, laquelle compromet définitivement le sens de l’entremise, du
compromis, de l’échange frugal et/ou émulateur entre les êtres du corps
politique (et social).
{De la
prostitution des corps & des esprits à Athènes avant 399, ou réponse à ta
question sur une lecture de Xénophon.}
Certes, les dialogues socratiques
consacrent de nombreux échanges de considérations sur la fonction éducatrice de
« l’entremetteur » qui propose « la fleur »
des jeunes hommes beaux. Leo Strauss, fameux exégète des Antiques, attribue à
la prostitution des fonctions éducatives dans les cités des Grecs anciens. Il
en différencie les diverses formes, car nous ne sommes pas à Rome à la même
période où la prostitution se résume en échanges monnaies/actes sexuels, ni
même à Sparte où les échanges corporels façonnent au principal le recrutement
élitaire des meilleurs guerriers. Nous sommes à Athènes après la domination des
Trente, dont certains sont du Banquet (parmi eux, Kritias qui fit
partie de l’oligarchie passée, celui qui est accompagné d’Autolykon, le père de
son amant Lykon).
Là, Hermogène, Antisthène, Charmide
et Socrate, dans Platon, s’accordent sur la faculté éducative de la pédérastie.
Les dialogues dissertent sur le beau, le bien du jeune garçon, d’une part, sur
la jeunesse, sur la vertu, sur le désintéressement utile à la cité, de l’autre.
Seul Socrate associe pédérastie à prostitution et questionne la prodigalité
auprès des dieux et la richesse ; il résoudra cette question peu ou prou
dans Apologie de Socrate du même Platon (il n’est guère évident de
choisir entre les termes réussite ou échec de l’argumentaire choisi par Socrate
dans Xénophon).
Dans les mêmes dialogues, cette
fois chez Xénophon, les nuances sont établies entre les uns et les autres.
Socrate se trompe sur le bon/beau et le bien/utile dans la cité, car l’on ne
saurait réduire la cité et ses intérêts à l’intérêt égoïste des
individus : ce qui est bon pour la cité est fréquemment noble
plutôt que bon pour l’individu. Dans Xénophon, à propos des objets de
propriété (indifféremment l’autel privé pour célébrer les dieux, l’épouse,
le vin, le joli garçon, la maison…), le beau socratique est associé
au « noble » et le bien l’est à l’utile. Leo
Strauss m’a éclairé sur le Banquet plus que tout autre.
Il n’en reste pas moins que Socrate
ne perd pas au final le combat de toute son existence qu’il sut jugée dès ses
premiers commerces émulateurs, et dès ses premières distributions
dialectiques : la ciguë est avalée en 399 parce que Socrate triomphe de
l’aseptisation du demos et de la fausseté de l’accusation de corruption
de la jeunesse.
En effet, et c’est le contre-coup
de l’isocratisme du moment, la loi du pardon et la menace de « peine de
mort » contre tous ceux qui soutiendraient la moindre critique contre
les anciens Tyrans, entraînent la mise en berne de la liberté publique et son
corollaire l’expression libre, tout autant qu’une condamnation de la servitude
volontaire (au sens de ce que nous nommons aujourd’hui l’auto-censure).
Vrai, Socrate triomphe par la mort
car tout le péché suprême qui lui fut imputé aura été la remise en cause de
l’idolâtrie et des illusions politiques, leur vanité de commander l’homme qui
doit rechercher en premier lieu la connaissance de soi, de son âme, et ne
« s’occuper non de qui est à soi, mais de ce qui est en soi »
(relève Platon dans Alcibiade).
Sans doute avons-nous là une
justification pour le soutien ardent que nous devons mener en faveur du
maintien coûte que coûte des humanités pour les juristes, sans obérer un
soupçon de perfidie nécessaire à cultiver contre les techniciens du Droit aux
moyens de l'organisation d'un cénacle même souterrain pour conserver
l'étincelle que de modernes juristes-pompiers voudraient arroser de leur droit
liquoreux de nymphettes.
Ainsi, pour répondre à ta question,
Cher S., tel serait mon conseil pour Xénophon (en prime, c'est un livre peu
cher et d’une lecture à la fois aisée et rapide de 158 p.), c’est le Banquet
suivi de l’Apologie de Socrate qui te feront passer bonne
lecture, les deux textes présentés chacun en cinquante pages par le précieux
Strauss (Ed. Gallimard, Tel, 1994). A ce propos, c'est initialement
Strauss qui m'a conduit à lire Xénophon.
Sur ces propos dominicaux,
Je te souhaite une bonne semaine.
Avec mes amitiés,
Raoul Bidard
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