Promenade dans Paris - pauvreté du XVIIe arrondissement, par O.P.


Promenade nocturne d’un touriste
dans le XVIIe arrondissement de Paris.
Elle & l’espoir.
 
 

 Lundi 29 avril au soir.

Quelque part dans le quartier de l’Etoile, une jeune femme, piercings au nez et sourcil, m’interpelle gentiment. Habillée fort correctement, portant lunettes telle une studieuse étudiante, elle me hèle poliment et me demande de la monnaie pour vivre.

Je ne donne jamais rien. Je suis suspicieux de nature. Là, j’ai fouiné ma monnaie pour la lui donner, lui ai souhaité courage puis ai poursuivi mon périple à la découverte de Paris la nuit.

29 avril, O.P.
De nombreuses blondes de tous âges, surtout de longues slaves, sortent leurs ridicules caniches ou gros chiens onéreux dans les rues du quartier. Les Porsche ronflent, les Jaguar peinent un peu aux feux rouges. Les bars de nuit s’emplissent de couples coquins et les restaurants à huîtres se vident petit à petit. Une ambiance internationale me fait songer aux couleurs grises d’un roman de Patrick Modiano évoquant l’immédiat après-guerre. Place de l’Etoile, sûrement le titre que je recherche dans ma mémoire. Un grand succès de l’année 1968, je crois.

Au retour, je croise à nouveau la jeune femme. J’engage la conversation : « Avez-vous trouvé de quoi arrondir la nuit ? ». Elle me répond que j’ai été le plus généreux. Etrange qu’on puisse me dire cela. Je l’interroge sur sa vie et surtout ses conditions de vie.

Elle. Elle dort dans un parking avec son compagnon et leur chien.

Elle et son amoureux. Ils sont à la rue depuis l’automne, après avoir été dans l’impossibilité de payer leur loyer parisien de plus de 500 euros.

Elle et son amoureux. Dotée d’un BTS, comme son compagnon, lui a perdu son travail et elle n’a fait que des petits cdd et jobs non déclarés. 25 ans. A la rue. Déjà.

Elle et lui. Elle travaille quelques heures dans la restauration quand lui fait des extras à la plonge d’un bar de nuit 4 heures par semaine.

Elle. Rien de suffisant pour survivre.

Elle et lui. Ils dorment dans un parking parce qu’ils n’ont pas confiance dans les foyers où, dans un premier temps, son compagnon a attrapé la gale… et pire, dès la première nuit, ils se sont faits voler leurs affaires. Ils tiennent aussi à leur vieux chien de 9 ans qui mourra bientôt.

Nous avons conversé ainsi durant dix bonnes minutes, lui ai offert une cigarette qu’elle a refusée. Elle ne fume pas. Elle m’a évoqué sa grand-mère très malade habitant en banlieue et qui est si triste pour elle, et d’autres choses, tant de ces choses tues et brossées à la fois.

Elle n’est pas triste.

Elle combat.

Elle a de l’espoir.

Elle pense s’en sortir aussitôt qu’elle ou son compagnon, ou les deux trouveront quelques heures de travail en plus. Si possible déclaré. Elle le veut.

Eux tous sur le pavé. Quelle tristesse. Ce pays m’abasourdit. Quelle misérable politique des uns et des autres… elle conduit des jeunes gens à peine sortis du ventre de l’école dans les fers de la rue, la nuit. Soupirs sur le monde… Cette femme jeune porte en elle plus d’espoirs que moi.

Le contraste est vif, la cause du vif secoue la plaie historique. Conscience ténue du retournement de gant à opérer, je m’en vais charmer la novation proprement politique. Il le faut.


O.P.

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