646. De la MERDE en "rentrée littéraire", par LSR
646.
D’après le magazine professionnel Livres Hebdo, ce sont 646 romans
français et étrangers programmés entre la mi-août et la mi-octobre.
Ainsi se fige une fois de plus l’état
économique d’une « rentrée » littéraire qui ne sort en
fait jamais de la profusion totalement
inscrite dans une crise de surproduction,
si je puis dire. Crise qui se paie évidemment un peu plus de concentration des
groupes, rachats et élimination systématique (et impitoyable) des plus faibles parmi les éditeurs –ce que l’on ne vous dit jamais, Mesdames,
Messieurs. Surtout, la rigueur pointe l’élimination des plus indépendants
et libres ! Ce « on »,
ce sont les pointus de la critique littéraire, les porte-plumes des pouvoirs oligarchiques
dilués.
-Pensez-vous,
M’dame, ce sont des considérations de détails si peu élevées pour moi, ouich-ouich… de viles considérations macroéconomiques des souterrains industriels qui
ne m’élèvent pas. Alors qu’un Nothomb, un Tuil, un Cusset, que dis-je, un must de Ellis … Mmmh, je m’en régale du billet ».
Ce propos, sûrement proféré en
cocktail du soir, moi je l’ai entendu il y a deux, trois, quatre ans… oust !, vivre mieux, vivre bien hors de tous ces raouts aussi insignifiants qu'un rendez-vous entre trois miss et cinq candidats d'une téléréalité...
Car ce « on » onaniste, ce « on » de noceur puis-je affirmer, ce « on » de quelque diligent critique bien-né,
bien-sapé nourrit un tantinet sa carrière de petits fours et doux mots millimétrés
pour séduire son chaland, à l’instar des trois-quarts des critiques littéraires qui se
singent entre eux en feignant de l'ignorer : ils posent tous sous leurs yeux babas les mêmes argumentaires conçus
par les communicants-commerciaux des
grosses boîtes de l’édition pour inspirer leurs proses insipides !
Passons. Cochons de lecteurs de Ganachaud, Céline, de Roux, Marion, Leroy et j'en passe parmi les meilleurs, nous ne sommes
pas dupes au Serpent rouge. Des faits,
en veux-tu, en voilà… entre les draps poisseux de ton insomnie qu’on appelle
la funambulesque « vie sociale ».
{Lire :}
La crise industrielle de l’édition ressemble
à peu de choses près à la crise que connut le secteur bancaire et financier à
la fin des années 1990 : concentration des forts, éradication des faibles,
taillades aux bras dans le gras, refonte techno-commerciale des métiers (commerciaux, en premier lieu), calcul
spoliateur pour ponctionner la clientèle, mélange des métiers… Si, si, si... L’assureur fait dans le bancaire, le banquier fait dans la téléphonie, de l’assurance
et de la télésurveillance. Le plombier vous vendrait sa miche pendant que votre
boulanger vous manucurerait entre deux tourtes plus un réglage de carbu' de
votre bagnole et j’en passe. Vous souriez.
C’est pourtant là sous nos regards affutés tout le déroulé exact du travail létal aujourd’hui en général et dans l'édition en particulier.
Est-ce de la polyvalence ?
Est-ce un accroissement du savoir-faire de l’humain moderne ?
Ne s’agirait-il pas plutôt d’un
retour aux grandes concentrations oligarchiques ?
L’édition, en tant que marché et
débouché d’une industrie, n’y échappe pas. Une preuve exemplaire ? Vous la désirez.
Généreux, je vous en offre une en
passant, issue de ma fréquentation du bâtiment, éditeurs, scribouillards, auteurs, écrivains, éditeurs, lecteurs, apporteurs de manuscrits, nénettes prêtes à tout pour publier une nouvelle vaguement érotique, soubrettes du verbe et paltoquets du polar. Lire, encore, selon un bonheur
silencieux.
Par la dilution dans tous les pores des activités
sérielles de l’édition, l’oligarchie conduit tout éditeur -pour la plupart- à
être formés dans les écoles de commerce. La place des écrivains et des lettrés les plus fins (quoi, quoi !?) est devenue vacante. Ou plutôt, disons qu’eux ont
été virés par les bien-formés du chiffre et du CA. Il
faut donc jeter aux boues rouges les concurrents. Tous ! Quel plus beau
moyen que la surproduction, histoire qu’au moins un produit engrange retour sur
investissement sur tout le reste.
De cet effet généralisé, les « petits » éditeurs (pas en taille) qui sont légions en France,
et c’est heureux, n’ont guère de marges de résistance. Eux, hélas, ne « percent » que très peu, vu le
matraquage que les mass-médias prodiguent sur toujours les mêmes canons de
beauté de la pub et du commerce livresque.
Dire nonobstant que la critique
littéraire serait liée au sens de la solidarité entre auteurs-maisons des mêmes
groupes économiques serait exagéré… pas trop quand même !, c'est le cas.
Qu’à cela ne tienne, les grands
éditeurs salopent davantage l’ouvrage, la notion idoine de la « belle »
ouvrage que nos grands-mamans décédées dans les ateliers noirs des usines
défendaient.
Voici que les éditeurs ont de
concert découvert la niche de la politique dans et par le livre des candidats. Elle a toujours été employée, mais
cette année, tous les records sont battus. Ils nous tuent de la verve d'un verbe mort.
Les éditeurs aux ordres de leurs
saints-patrons nous assomment de la répétition du même avec les bouquins de
Juppé, Sarkozy, Mélenchon, Fillon et toute la clique, sans parler de la dizaine
au kilo sur François (ou plus, je ne sais pas. Cela
ne m’intéresse pas… les livres sur Hollande, des entretiens, des morceaux
choisis de son plan quinquennal pour le socialisme de marché... pffffff).
Dès lors, en boutiquiers et
gestionnaires, les fonctionnaires de l’édition de « rentrée » (septembre,
janvier) pensent littérature dans
des plans comptables et redressement « des
potentiels économiques, financiers et juridiques » pour
et en
faveur de nos chers édiles politiques, pour paraphraser en partie les dispositions liminaire du livre VI du Code de commerce.
Bien entendu parmi icelles et iceux
qui aspirent à de « hautes fonctions »
(hi, hi, hi, c’te bonne blague !)
pour prendre la place du François des basses eaux, l'intoxication surproduite cartonne. Ces quêteurs d’urnes nous
bombardent de leurs productions écrites par des nègres avec leurs programmatiques
torpeurs, leurs vies avec de légers secrets pour allécher papilles et envies de
stérilisation à tout jamais pour comprendre qu’écrire et raconter porte dorénavant une signification oubliée.
Un monde mort ; tel est notre
vérité existentielle commune chez les libraires des supermarchés comme dans les centres de vos villes polluées. Tas de viandes avariées, nous sommes PRE-FA-BRIQUES (Trust).
LSR
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