Après Noël, Jésus II pour un monde technologique, par Daniel Butor


La game-boy à Jésus.

Les joies enfantines de Noël sont passées par là. L’humeur festive dénote avec le sens de la Nativité.

Imaginez. Jésus revient. Un Jésus II, en quelque sorte, comme dans toutes les bonnes séries chéries par France TV.

Enfiévré par la naissance du « roi des Juifs », venus d’Orient guidés par une bonne étoile selon la prophétie de Balaam, les rois mages accourent à Bethléem pour porter des présents d’une grande richesse symbolique à Jésus : l’or, la myrrhe et l’encens (Evangile selon Matthieu 2, 1-12). Selon la tradition du VIe siècle, tirée de l’Excerpta Latina Barbari, les rois portent les noms de Melchior, Balthazar et Gaspard.

Imaginez-les aujourd’hui, aussi vite accourus qu’à la première Nativité, apportant au petit Jésus II de riches cadeaux symbolisant le monde nouveau, fluorescent à gogo que nous nous payons tous, ce monde de gadgets et fétiches. Sous sa toge, Melchior porterait la tablette de l’espoir dans la gloire de la Française des Jeux. Balthazar soupèserait avec grâce le smartphone pour-toujours-être-connecté aux divinités Sioux Facebook, Twitter et Google. Gaspard, téméraire, songerait à la formation éducative du nouveau-né par la console de jeux avec scénarii de guerre en Bosnie et parties diablotines du si pacifique jeu de football.

Grandiloquente époque que la nôtre. Superbe tension entre le bien (d’un commun, papy !) et le Bien (un empire prisé, recherché par tous les bien-pensants). Jésus II initierait ainsi une nouvelle ère, celle qui se déroule de nos jours sous nos yeux ébahis de réactionnaire patenté.

Nos chères têtes blondes, ces barbares de la layette en puissance, non content de bondir de joie à réception d’une orange, veulent désormais du clinquant, du « moderne », du festif permanent par la distraction communicante et soi-disant à la pointe de la technologie.

Père Noël accroché à la tradition se pendrait volontiers sous un pont s’il n’avait une mission quasi-thaumaturge : perpétuer le sens du commerce sous couvert du plaisir d’offrir des familles et des proches.

Mamy a décoré le sapin, la crèche et la chaussette Alsacienne prompte à recevoir l’enveloppe de billets et les gâteries pralinées.

Papa a empaqueté d’un papier à la gloire des Bleus le joli téléphone pour joindre sa progéniture qui, elle, saura ne pas lui répondre à la demande.

Maman, plus maligne (normal, c’est maman) entend tellement savoir où se trouve son chérubin à chaque instant qu’elle a songé à télécharger l’application « où est mon gosse ? ». Protectrice pointue, savante gardienne en jupon des lois familiales, elle sublimerait sa fonction naturelle si elle pouvait avoir eu pour greffe de l’oeil une caméra de vidéosurveillance.

Tonton (le plus rigolo de la famille) et tata (toujours la plus impeccablement sexy), eux, n’ont pas manqué de contribuer à la farce d’un cadeau idiot : un livre de Jules Verne. Pensez-vous, un livre (beurk, ça ne sert à rien), ce peut être un magnifique pied-de-nez à la fête promise pour accompagner la tablette aux couleurs chatoyantes d’abord cachée. Consolé au second paquet, le petit dernier n’aura de cesse d’imiter sa grande sœur portable dans le chignon avec pareil engin.

Finie la machine à karaoké, fini le flipper ou le baby-foot… voici venu le temps de l’obsolescence de la vulgaire game-boy. Fiertés et prouesses de la technique nourrie de virtuel, les cathédrales sont devenues molles et monogames, onanistes et technicistes : les jeux à haute pression tout seul devant son écran.


Le XXIe siècle est décidément plus enchanteur que le XXe. Reste la télévision en 16/9e pour nos conforts dans le soupir du printemps en hiver et de la bonne bouille de notre ravi de la crèche national, l’élégant Pujadas. Délicatesse subtile, Noël est jour de passade pour les pouvoirs du vice. Jésus II en aura bien du boulot à lutter contre les vides prodigués en des temples virtuels et ses gardiens toujours plus nombreux qui forment masse : les parents si léchés d’espérances pour leurs rejetons, les familles si modernes

Daniel Butor

 

 

 

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