L'agonie de l'état des choses, ou le départ de Lady Long Solo d'une soirée pourrie [7], par Raoul Bidard


Elle en a calenché bien d’autres, la Lady.

Lady Long Solo sort du cauchemar. Pieds en lunette, jambes arquées comme une spécialiste de pole dance qu’elle n’est pas, la barre entre les cuisses, bras écartés en croix de jouissive tenue si l’éclairage est bien mené par sa poursuite avec tous les effets des ombres qu’on souhaiterait inscrire dans la description… La Lady en a soupé de cette soirée. Festin de charognards qui se paument en lourdeurs sur la France éternelle que naturellement ils aiment jusqu’à lui enserrer la croupe.

Dans la salle d’eau du Ritz, les sapeurs cherchent l’origine de l’incendie. Violente descente de loupes sur les canalisations. Un reptile divague, la tuyauterie bouillonne.

Pendant ce laps de temps, passé inaperçu, le pédant éditeur baigne dans sa sueur et son sang. En se voyant partir, il a vomi tout l’alcool ingurgité depuis sa matinée au bureau des Editions du Faisan. Lady Long Solo l’a expédié ad patres, de l’autre côté du glaçon pour sauver la peau d’autres donzelles lettrées. Le larron, empoivré balourd et réputé de tant de conquêtes féminines n’en finissait plus de se mélanger dans les promesses. Je te publie, je te donne de la poudre à sniff, tu couches… belle ardeur à l’œuvre littéraire. N’est-il pas !? A tenir le rôle du hardeur des contrats, la longue bravade des salades frisées pour carboniser des moufles-à-lecteurs, il fut. La Lady lui a définitivement mis au placard des lecteurs de Cosmo 2 points éros. Point.

Quitter la soirée sans être vue, c’est un jeu d’ado, pour Lady Long Solo. Son manteau retourné, elle porte une cape noir passe-partout. De quoi ne jamais attirer le regard. Puis son art du maquillage a toujours consisté à jouer des contrastes susceptibles de la faire mirer à l’enseigne de toute autre jeune femme dans son apparat. Connivence avec le style passe-partout là aussi.

Elle prend bien soin de ne pas faire remarquer son intransigeante beauté naturelle, taillée qu’elle fut aux origines du monde par les poignets solides d’un dieu martial.

Lady Long Solo est belle. Majuscule dans vos vies estropiées, phare dans la déjante de vos atomisations ontiques, la Lady ne verbalise rien de mieux qu’un corps dans le simple appareil d’une bouche fermée sur un livre. Coton pour jointoyer d’éventuels passages d’air.

Dans le métro, un voyageur l’observe de biais. Elle le regarde franchement. Sourires sincères. Ils ne s’adressent pas la parole. L’œil du garçon semble avouer son inattendu amour pour l’Immaculée convoyeuse en noir vers un second et grand souffle. Un soir de ligne 11 sans nul autre pareil, pour Guillaume. A ce moment-là, Lady Long Solo ressent l’émotion du quidam. Elle décroise ses jambes et ouvre son Tractatus logico-philosophicus à la page 63 : «  4.2211 - Même si le monde est infiniment complexe, de telle sorte que chaque fait consiste en une infinité d’états de choses et chaque état de choses soit composé d’une infinité d’objets, il faudrait quand même qu’il y ait des objets et des états de choses. ». L’état d’être roule en elle, roule… enivrante lassitude de ses convictions établies dans le dur de sa lame.

R. Bidard

 

 

 

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