Les charmantes stupeurs des proies de Lady Long Solo [4], par Raoul Bidard


La mauvaise réputation de Lady Long Solo.

Le miroir reflète deux danseurs à l’élégance raffinée dans le salon de danse. Monsieur de Saint-El et Lady Long Solo exécutent en ordre des pas de deux, de ces légers dérapages autrichiens au rythme d’un vieux rock. Bill Haley, parfois Gene Vincent, à peine The Beatles sont acceptés dans ce temple dédié à la finesse, à l’honnêteté des oisifs à l’oikos dispendieuses et c’est heureux pour la bienséance.

Certes, à Deauville, quelques rappeurs viennent se fondre dans l’hôtel avec leurs amants, attachés de presse ou journalistes, DJ, cailleras de la politique locale du 13, du 93, enfin bref, de tous les endroits propices à la mytho banlieusarde où l’on se fait, paraît-il, tout seul. Ils garent leurs automobiles tape-à-l’œil dans un garage que l’hôtel voue à ses clients les plus roturiers, les moins classe. Tant qu’ils sniffent en silence, ils sont les bienvenus. Cash oblige !

La roture s’envoie en l’air dans le luxe discret. Les hôtels de charme sont faits pour la petite-bourgeoisie. Pour la directrice de la communication et son maire, pour le concessionnaire Peugeot de Reims et son épouse en seconde noce. Pour le professeur de Lettres à l’Université d’Orléans et son thésard adoré. Rien d’excitant. Ils paient cher. Ils s’encanaillent de bon matin, après une nuit cal-me d’un miel du cru, d’un pain for-mi-da-ble et cela suffit à leur pur bonheur de pauvres diables. Ils ne soulèvent pas les moquettes, ne regardent pas les bulletins de paie du personnel, encore moins ne jettent leur dévolu derrière les rideaux. La misère des murs est aussi bien dissimulées que les scènes sanglantes que vécut le lieu naguère.

Fille du peuple, de parents prolétaires morts quand elle avait atteint à peine l’âge de l’adolescence, Lady Long Solo abhorre ces gnomes de la middle-class, cette roture, cette bourgeoisie d’apparats avariés pour si peu. Les aigris défendent bec de Monsieur ogre et ongles de Madame Salope la pauvre survie sociale de ce douillet système. Juste une illusion, c'est juste une illusion...

A Deauville, comme ailleurs, la Lady maintient son cap, sa prestance. Pour l’heure, elle danse et invite ces messieurs à la délirante lutte de tous pour elle. Pendant cet intermède, des couples se défont, des épouses grimacent envers elle. De vieux messieurs humidifient leurs linges. Monsieur de Saint-El, lui, heureux, sursaute. Il vient de sentir une piqûre du côté de la nuque. Qu’est-ce qu’il se passe ? Par derrière, recevrait-il sur le champ le dernier outrage ?

Raoul Bidard

 

 

 

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