Deauville reçoit les charmes de Lady Long Solo [3], par Raoul Bidard


Revoir Deauville et chargez !

Epuisée du répit qu’offre la trêve des confiseurs, Lady Long Solo n’en finit plus de laisser sécher le dernier larron de débauche au fond de sa cave. Attifée, pressée, la Lady rompt avec la pollution urbaine. Référence ultime du repos, mais d’où il est bon d’être aperçue, en route pour Deauville.

Plage, mer écarlate sous le soleil de onze heures. Les cordons de la bourse sont une chance pour Lady Long Solo. Mieux que la confiture au gingembre, le sable coule entre les doigts des pieds de la marcheuse. Pour une fois, sans portable accroché à l’oreille, la procession des hôtes de la plage semble suave.

Marcher dans le sable… tiens, Lady Long Solo fredonne la ritournelle de Gérard de Palmas. Elle se sent calmée. Les flots sont légers. Le vent balaie avec délicatesse sa couette enfantine. Le repos, pour la Lady, est de ne plus s’emporter dans le jeu de paraître, dans la stratégie permanente d’une socialisation discourtoise et fort parisienne de briguer tous les rôles, d’emporter toutes les pièces de la pâtisserie pourtant façonnée pour des mariés.

De retour dans sa chambre, Lady Long Solo est convaincue de son absence d’insignifiance. Fonctionnaire du Bien dépoitraillé, elle s’installe sur le lit. Livre en main, Le Gai savoir de Nietzsche, la voici partie avec le voleur de feu magnifié, le marteau sur l’enclume sage du monde. Lire, pour elle, c’est accéder au bonheur et au sens d’être. Quérir l’instant, se pétrifier de légèreté soudaine, puis approfondir cette torpeur recherchée dans les concepts lui permet de soulager son irrépressible quête pour la collection d’hommes.

Au cours de la soirée, dans les salons de l’hôtel, Lady Long Solo commande un whisky vieux. Jupe et veste rappelant les années 1930 balnéaires, verre aux lèvres, elle coule de ces instants de vérité dans le regard. Son sourire narquois s’incruste dans les yeux des hommes mal mariés. Telle Diane la Chasseresse, elle recherche la proie la plus difficile du lieu.

Renifler le plus rétif, sentir la bataille hors de toute paresse de qui succomberait trop aisément de ses charmes, la Lady remonte avec ostentation son bas. L’épouse de sa victime remarque le manège notre héroïne. Gagné !

Le dîner de fruits de mer achevé, après plusieurs hommages mâles reçus de hochements de tête, Lady Long Solo sûre de sa victoire, gagne le long bar de chêne. Suave, elle commande un Cognac, allume une cigarette et laisse échapper l’âme du tabac de Virginie en toute ignorance des interdictions modernes. De toute façon, dans les bonnes maisons où luxe et tradition s’entremêlent pour ressusciter l’ancien monde dans tous les esprits, nul interdit n’existe vraiment. Les excentricités sont ici toutes permises, comme les envies simples qui ne sont plus autorisées au dehors.

Dans cet hôtel chargé d’histoires, les litanies sur le manque de neige en stations en Savoie font rire. On s’esclaffe du populo qui ne sait anticiper sur rien, qui veut en être mais doit vivre des frustrations que ne connaissent que rarement notre gente Deauvillaise.

Les charmes de Deauville sont manifestes, provisoirement exaucés pour tous par la présence de Lady Long Solo en cette journée superbe. Des créatures superficielles enragent ne serait-ce par sa seule présence. Les mères de famille reprennent leur rôle naturel de caporal et surveillent leurs époux tout à coup soucieux de se pomponner. Les vieux célibataires ne sont pas mécontents d’avoir choisi cette destination de leur détente en cette fin de semaine.

Au second Cognac, la proie de Lady Long Solo paraît dans le salon de danse. Fier, il parlemente avec le pianiste. Au bout d’un instant, ce serviteur du bon goût cède son tabouret et notre impétrant échauffe ses doigts. Une gamme. Une seconde. Puis surgit une interprétation d’Iron Man, Eric Dolphy pour les connaisseurs. La Lady écoute. Elle observe le mouvement des mains au-dessus du clavier. Déjà, elle devine comment le sieur lui portera ses premières caresses.

Raoul Bidard

 

 

 

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