Un syndicalisme de trahison de ses adhérents
{Maxime Gorki, la force de
l’émulation collective.}
« -
Camarades ! Le moment est venu de résister à la force avide qui vit de
notre travail, le moment est venu de se défendre ; il faut que
chacun comprenne que personne ne viendra à notre secours, si ce n'est
nous-mêmes ! Un pour tous, tous pour un, telle doit être notre loi si nous voulons vaincre l'ennemi (…) », nous rappelle Maxime Gorki dans sa magnifique
autobiographie La Mère (1907).
Gorki
n’écrit pas pour les narodniks ou les socialistes-révolutionnaires
d’avant la Révolution d’Octobre. Il écrit pour tous et transmet les valeurs
marxistes. Dans sa tâche d’écrivain révolutionnaire, non pour radoter, il raconte
et décrit, ce qu’un György Lukacs a parfaitement entendu douze ans
après La Mère, durant ses années de clandestinité pour échapper à
la mort promise par les sbires de Horthy, parce que communiste inspiré par les
anarcho-syndicalistes Français, parce que juif de naissance. Il est des valeurs
ouvrières qui ne disparaissent pas, c’est « notre loi si nous voulons
vaincre l'ennemi » face à la « force avide » depuis
la terrible défaite de 2010 sur les retraites où des dirigeants syndicaux ont
joué aux apprentis-sorciers au sein même du COR. La solidarité ouvrière prime.
Les humeurs individuelles, les soubresauts moraux de quelques fébriles
bureaucrates avides de places paisibles n’ont pas leur place dans nos
syndicats. Ses boutiquiers de leur propre carrière (ou de leur planque) n’ont
qu’à aller voir ailleurs, enfiler par exemple des perles dans leurs
micro-partis institutionnalisés, plutôt que faire passer leurs petites
manœuvres partisanes ridicules, plus soucieux des intérêts de leurs sectes
politiques que les intérêts matériels et moraux de nos syndicats et
adhérents, c’est-à-dire nos intérêts de classe.
Le
philistinisme syndical, car c’en est un, a cette particularité d’être innocent.
Il cultive un optimisme de l’instant et du réseau - il n’a plus
d’amis, mais un réseau utilitaire où chacun se prévaut d’amis par ici, par là.
Innocent, je l’ai dit, cela nous conduit à voir un syndicalisme qui cultive
sans jachère aucune le cynisme du bien-né dans et par le réseau,
spécialement ce que Georg Simmel appelle les « initiés » dans
son Secret et sociétés secrètes (1908). Les initiés savent
somme toute taire leur faconde à modeler leur sceau idéel, à franchir la
« porte étroite » de la société qui sert leur « quête
du trésor », cette lutte des places plutôt que la lutte des classes.
Parce qu’ils accompagnent la crise, et parfois vont jusqu’à dérouler le tapis
de l’abaissement par l’assomption de l’esprit de Versailles, ce que les
gouvernants ne leur réclament même pas, les philistins du syndicalisme se
passent très volontiers de militants. Mieux, chacun le remarque dans son
entreprise, dans son administration, etc., ils dépensent une énergie sans
pareille pour les purges politiques contre les bonnes volontés en interne
plutôt que d’affronter l’adversaire, le patron et ses délégués. Toute une
frange de notre syndicalisme implose du fait même de l’excroissance des coquins
et voyous qui jouent les procureurs dans le contrôle socio-politique en
amont des congrès syndicaux qu’un Scapin identifierait d’un mot :
burlesque.
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