Un condensé de vide, ou le syndicalisme atomisé & construit comme tel




{Syndicalisme atomisé et retour de la guerre.}

Historiquement, le syndicalisme croise une bourgeoisie qui a toujours été le fossoyeur de la politique qu’elle conduit elle-même en direction du muret qui la fait trébucher un temps. Le temps de la guerre est là, sous nos yeux. Une batterie dirigée sur nous et des mitrailles nous assaillent comme hier. Ce ne sont certes plus des fusils qui sont braqués contre les travailleurs, mais des textes juridiques qui aboutissent à la même conséquence : la destruction des statuts, des conventions collectives, des individus, des moyens de subsistance, par le licenciement, la correctionnalisation du travail syndical de terrain, la misère petite et grande faisant de chacun un adversaire de tous à terme.

Le paradoxe drolatique dans cette lecture-là de l’imminence de la guerre, c’est qu’elle se trouve en toutes lettres dans tous les livres, dans la littérature de toutes les périodes d’avant-guerre. La nôtre, bien entendu, qu’on observe à tous les étals de nos librairies chéries. Naguère, ce fut même Weltgeist. Par exemple, même un pacifiste patenté comme Jean Giono, tellement pacifiste qu’il est resté coi durant la guerre, dépoitraille le comportement philistin, attentiste, négateur de la réalité historique, voire construit pleinement la guerre par son impossibilité propre à contenir ses penchants naturels pour l’atomisation des mœurs politiques qu’il déploie par des votes. Il nous suffit d’observer un peu le comportement philistin au bureau, à l’usine, au magasin, à l’officine, à l’université. L’autre, c’est le concurrent, l’ennemi crucial dans les rapports des salariés entre eux. Plus encore chez les cadres, les rivalités sont des batailles épiques : elles ferment la porte étroite aux aspirations totales de solidarité pour frayer plutôt avec le nombre au détriment de la quantité comme règne de la surproduction. Un horizon politique en vue : le vide.

Comme de bien entendu, les uns se bouchent le nez, les autres ferment les yeux & le reste se tait mais joue le jeu social moderniste. Ma réaction est la colère, la colère est une réaction.

Il est si facile de ne penser qu’à son tout petit destin, sa petite carrière, sa femme, son tract, son mari, sa voiture, son écran plat, son appartement, son adhésion au club, son bulletin de vote, son rapport de rentes et ses placements, ses prochains bains de mer. Il est si facile de boire du vin entre « potes » le long du Canal Saint-Martin, de partager un repas en devisant doctement sur des considérations culturelles aussi surprenantes qu’un commentaire de Vanessa Paradis sur le principe et la méthode de la critique génétique chez Gershom Scholem, l’exégète fameux de Walter Benjamin.

L’oubli de la guerre par la jouissance passive du ça, le vin & l’esprit de sérieux sont les apanages des grands mammifères urbanisés qui vivent joyeusement dépressifs en attendant la mort… tous des acculés par la condition de l’homo festivus festivus ! Le 5 mai, la rue a glorifié cet état de l’esprit.


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