Chasseur des villes en Leica M-4, par Patrice
Dressage.
Voilà, l'ami, j'en suis donc, pour la seconde journée
consécutive, en phase de discipline et de dressage de mon mental opérationnel
de chasseur dans le quotidien.
Comme je le disais dans une bricole précédente, le coup
d'œil ça se cultive, ça se travaille. C'est à la fois un conditionnement et une
technique. La prédisposition n'existe pas. Pas de hasard. Lorsqu’on décide
d’aller chercher dans la vie de tous les jours les rares plaisirs qu’ils
contiennent, c’est d’une autre vie qu’il s’agit.
Pour ce qui est de l'esthétique environnementale, c'est
un mental orienté façon Le Corbusier qu'il faut se forger. Pour saisir
l'attitude humaine, c'est d'anticipation, d'observation mais aussi de la
recherche d'un plaisir certain de piéger dont il s'agit. Tout est dans la
volonté d'y parvenir. Il faut pour cela anticiper et déterminer au préalable le
but recherché ou espéré. Je dois bien reconnaître que tout cela est un plaisir purement
égoïste.
Le fait de voir une incongruité ou une anecdote
esthétique, un rapprochement incongru dans l'inanimé demande une recherche
orientée, affûtée, monopolisée sur le thème. Pour réussir à tourner en ridicule
ses semblables, car il s'agit souvent de cela, c'est d'un plaisir que part la
volonté. Celle de ne pas s'identifier, de ne pas se reconnaître comme identique
dans certains comportements ou attitudes et, a contrario, de vouloir le prouver par la démonstration.
C'est avec délectation que, tel Edgar Poe décortiquant
les scènes de crimes dans les rues des villes par la logique, on peut arriver à
se trouver prêt au moment charnière de l'arrivée d'un événement même banal. La
vie n’est pas faite de hasards. Elle est constituée de faits qui s’enchaînent.
Etre en embuscade pour surprendre ses semblables, c'est
déjà avoir du mépris. Se dire : « S'il
continue comme ça, il va faire ci ou ça et il va lui arriver ceci ou cela »,
ça confine au peu de considération qu'on a pour eux. Etre spectateur des petites
douleurs quotidiennes ou travers des autres, les tourner en ridicule, c'est
jouissif et finalement pas si inattendu que cela. Encore faut-il les débusquer.
Non pas s’y intéresser, sinon pour en rire.
Pour ce qui est de rapporter ou de mettre en évidence
des choses inertes incongrues ou esthétiques que l'on fréquente tous les jours,
c'est juste en se démarquant des soucis communs du quotidien et en plaçant son
regard, son attention là où d'autres considèrent qu'il n'y a pas d'intérêt, où
ne voient pas de rapport avec soi, avec la vie du vivant, de son environnement,
que l’on parvient à les remarquer et à les mettre en évidence.
Que l’observation soit dirigée vers le statique ou le
vivant, les résultats ne peuvent être positifs que par discipline et par
multiplication des tentatives. Tout n’est pas réussi d’avance. Il faut
multiplier les essais, les regarder avec du recul, les soumettre à d’autres
regards pour s’assurer d’avoir fait mouche. Il faut aussi y mettre beaucoup
d’huile dans les articulations et de jarret, car de telles situations doivent
être recherchées. Elles ne se présentent pas spontanément. Il faut aller les
chercher. La pêche n’est pas souvent miraculeuse.
Patrice C.
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