L'homme de la rue, de transport public : un révélateur de barbarie
Trois nuits
par semaine.
Dans la foulée des extases urbaines,
il nous faut conter les périples périurbains comme révélateurs, à l’instar des
produits qu’utilise le photographe pour développer son image du monde.
Un américanisme fugace s’ébroue dans
les atours vestimentaires de nos contemporains, vêtus en tenue cool, en tenues sportswear pour aller dans des boulots non moins teinté du feeling cool. Rien de moins qu’une
hypostase qu’ils tentent de faire croire, alors qu’ils sont les joujoux de leur
boss.
N’est pas américain qui veut. Nos bipèdes susmentionnés ne s’embarrassent pas
de la politesse et du respect civique des trains et métropolitains américains.
Imaginez un étudiant bien propret sortant de ses cours d’Assas : il laisse
sciemment sa canette de soda sur la banquette du métro. Observez l’ébouriffante
étudiante so frenchy de Censier :
elle raconte sa dernière histoire de cul à tout le compartiment au prétexte d’une
conversation téléphonique.
Les heures creuses sont les pires. Moins
de monde, c’est à coup sûr limiter le brouhaha permanent des causeries et du
roulis des transports (bus, métro, train),
mais intensifier notre écoute involontaire de l’individu qui prend le lieu
public pour son salon, y compris dans le partage de ses gargouillis corporels d’après
déjeuner. Une horreur.
Tout cela n’est encore rien.
Le soir, les fauves urbanisés se
lâchent, trahissent toute humanité civilisée. L’avachissement débauché des uns
répond au débraillé des autres. La galerie des primates inspirerait volontiers
un photographe sous crack que le Primatice. Plus rien n’existe. Le social
déambule avec le primal. Plus involutive, la destinée des cerveaux des bipèdes
ressemble à une tong en plastique posée sur une colonne vertébrale.
Accessoirement des organes reproducteurs et digestifs.
Prendre un métro à Paris est une
aventure dans la jungle. L’autre versant de la « jungle » de Calais pour fugitif de leur propre existence.
Le nomadisme, tant vanté par les
rebouteux de la pensée grégaire qui le présentaient sous l’étiquette de la
modernité, a pris pour fondement la bestialité de l’étrangeté de l’un pour l’autre.
Chacun est réduit à sa sphère strictement privée-privée.
Auparavant, la sphère privée-publique
connaissait son apogée par l’usage de quelques règles de civilités. Par
exemple, à l’arrêt d’un bus, vous en faites bien l’expérience au moins une fois,
quelques-uns patientent mais sont invariablement bousculés, voire écharpés, par
des gens bien sous tous rapports, passant devant tout le monde sans un mot d’excuse
afin de monter les premiers dans le véhicule.
Invariablement, ce sont les mêmes
qui ne prennent pas de gant contre autrui dans les urnes ou au volant. L’absence
de civilité, de politesse, n’est rien d’autre que la trame du fascisme nouvelle
teneur qui construit pas à pas l’avenir de la lutte contre tous à venir dans
nos sociétés privatisées. La
massification, la foule, toute cette torpeur de la multitude sous vide de leur
conditionnement cervical, engendre un brouet de violences faites de ces petits
riens qui saccagent la bienséance dans les relations publiques de tous.
Pourquoi irions-nous ensuite nous
étonner de la lutte des places dans les entreprises, les rues malpropres et les
mœurs dissolues du personnel politique à tous les niveaux d’irresponsabilité
respectable ? Pourquoi devrions-nous nous raconter des histoires sur la
prétention du progrès moral dans les sociétés dites avancées ?
Trois nuits par semaine dans les
artères, en surface ou sous terre, de Paris suffit à se convaincre de l’absolue
déchéance de l’homme total. S’il n’y avait que le parisien pour exceller dans
son égoïsme, ce serait bien. L’extension du domaine de la barbarie au quotidien
a sonné sur tout le territoire national, de feu le paisible village à la ville
moyenne de France.
Demain, la grande boucherie sera
orchestrée par des débraillés branchés, connectés et cools. Ils filmeront leurs obscénités pour leur réseau social et
iront pleurer sur le premier fait divers venu pour se racheter une conscience, avec
à la clef un selfie dans la foule à
Bastille en jouant du coude et de l’insulte (« va niquer ta reum, genre tu t’pousses de là, toi… »). Triste loi
de la nature, ils diront « j’y étais »,
tel un brevet de sainteté sociale exhibé…
LSR
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