Errare humanum est aequora.

Le 15 décembre.

Errare humanum est aequora.


Salut O.,

Je sors de lire le papier de Julliard dans Marianne...
C'est toujours un bonheur de ne pas se sentir seul.
Il dresse le constat (malheureusement habituel) du déclin de la France. Non pas façon décliniste, c'est-à-dire prêt à l'emploi, mais objective, réaliste : "Aujourd'hui, ce pessimisme sur l'avenir du pays est le fond de sauce qui accompagne tous les plats que l'on nous sert."
On se croirait sur le Serpent rouge !

Bien sûr, tout cela sonne comme un réquisitoire sans pitié sur notre nombrilisme naturel de Français, mais le constat que "le pays est en train de connaître un juin 40 étalé dans le temps. La débâcle d'une puissance industrielle" ne fait que rajouter à ce sentiment d'impuissance éprouvé à l'unisson. Encore, ne s'en prend-il pas à ces "représentants" en salonneries du pouvoir... Comment imaginer un ailleurs, un espoir, une infime illusion, quand on voit Moscovici avec les banquiers ?
Nous sommes quand même les rois de l'illusion ! Au moins les Allemands et les Anglais ne se sont pas trompés : ils ont les personnages fidèles à leur rôle, à leur fonction !
Nous, nous avons des grimés, maquillés sur toute l'échelle de la représentation nationale.
"A qui profite le crime ?", mais il suffit de regarder !
Pas une semaine sans que l'on découvre que cette élite élue tape dans la caisse... Elle ne se gave pas seulement, elle affiche sa suffisance, elle dissimule ses incapacités derrière un rideau de fric alors que le "trésor" est en voie d'assèchement... L'erreur n'est pas qu'humaine !

Allez, bon week-end... quand même !

P.


***0**0**0***


Salut l'ami,

Je me prends à écouter du Brassens entre deux stipulations verbeuses de la radiophonie parisienne en guise d'abjuration de mes erreurs sur le contenu des paroles des farfadets du mitan politique.

Décidément Julliard sort du train-train des éditoriaux de ses confrères. Il est vrai que l'historien qu'il est devient conscient de la guerre à venir. Il faut rester froid face à cette vision profane dont les signes, en toutes occasions, sont ici aussi des jeux entre formes antagoniques, entre la représentation et la réalité des négociations au plus haut des instances internationales.

Les signes sont encore alimentés par un ressenti particulier à un moment donné. Ce ressenti est médiatisé dans les paroles & choses entendues, les écrits, les luttes, le sentiment généralisé sur la planète. L'écroulement du "vieux monde" si commode entre le "camp socialiste" et le "monde libre" n'en finit pas de libérer les obédiences les plus à l'oeuvre dans le libertarisme économique. La maximisation des profits recherche la substitution entre des unités de temps (les travailleurs) & des unités de production (les outils, les machines) & tout récemment les unités capitalistiques (finances, placements, fiduciarisation généralisée de l'économie). Le triomphe de la machine est dépassé par le triomphe, qui est son pendant agonisant sous nos yeux, des valeurs placées sur les différents marchés (financiers, pétrole, or, céréales & autres semences, matières premières industrielles...) au détriment du travailleur, mais pour le plus grand profit du consommateur (dont on oublie qu'il est aussi un travailleur –il est ainsi rendu sécable) afin de générer des besoins chez lui de se fournir selon les usages et valeurs mises en avant pour satisfaire la production. Autrement dit, le capitalisme paternaliste est terminé. Ce en quoi nous pouvons nous retrouver partiellement en accord sciemment ou tactiquement avec un courant conservateur de petits industriels. Il n'y a ici pas d'alliance de classes mais appréciation & analyses communes sur la situation concrète. Autrement dit encore, depuis le début des années 1990, le capitalisme a recommencé sa quatrième phase de repartage du monde (on appelle aussi cela l'impérialisme, mais passons sur les gros mots) dont les contradictions affolent les classes dirigeantes incapables d'arrêter la libération effrénée des spéculations de tous ordres. La pensée volontariste, bien qu'honnête dans ses méthodes, est insuffisante à nous faire anticiper les heurts, esclandres, avanies politiques & chutes progressives des nations & groupements de nations. Les entités supranationales ont bien tenté de limiter la propagation du règne spéculaire de la marchandise. Les entreprises internationales, ou consortiums, ont pris un envol plus démesuré que les vieilles Ford SA ou Krupp. Nous en sommes arrivés au délitement de tous les camps politiques, de toutes les pensées libérales & socialisantes. Rien ni personne ne domine vraiment. Le droit est tout entier avènement des droits subjectifs hétéroclites partout sur la planète. L'atomisation des individus & des collectifs se niche dans l'observation que nous en faisons : le "chacun pour soi". Le répéter est utile, mais toi & moi ne sommes pas crus sur cette question. D'aucuns sont en mesure de nous rétorquer l'étroitesse de vue, ou répliquer sur notre simplicité d'un aussi ancien viatique humain.

L'historien Julliard a raison de commettre des papiers qui peuvent, espérons-le, réunir des énergies nouvelles venues de tous bords, sans cartographie politique dépassée, pour contrecarrer cette plongée dans les eaux profondes où la lumière n'atteint pas les poissons encore inconnus des bas-fonds maritimes.

A propos de mer, parlons navigation.
Pour naviguer en eau claire ou trouble, sur les canaux ou les océans, il faut (au choix) : des rames, un moteur, une bonne voile... Mais toujours un navigateur, des soutiers, des rameurs, des mécaniciens. Surtout, il faut un cap, une boussole et un mât pour observer l'horizon.

La plupart d'entre nous sommes à fond de cale. Notre personnel politique, démuni de cap & boussole, naviguent dans le brouillard. Affirmons même qu'ils ont la conscience professionnelle tellement réduite à l'atrophie partielle de leurs cerveaux enrhumés qu'ils ne sortent plus du brouillard & voguent, voguent les galères en direction des récifs & glaciers éventreurs de nos frêles esquifs. Les mécaniciens de la lutte de classes ont trop forcé sur le rhum. Elle a implosé.

J'ai comme l'impression que nous autres sommes sagement restés à terre & Julliard a grimpé le cocotier pour mieux apercevoir les bateaux ivres.

Il n'est pas dit que, petit à petit, nous ne nous emparons pas nous aussi d'un arbuste d'abord, puis d'un arbre pour observer en grand & être vu & un peu entendu dans nos questionnements par la médiation du Serpent Rouge.

Je te rejoins aisément sur tes propos à l'égard de nos camarades alboches & saxons : ils ont une vision (mais pas davantage de cap & boussoles) & ont donc choisi délibérément les matelots adéquates pour accoster l'esquif bleu-blanc-rouge durement touché, sabordé depuis Giscard à Sarkozy. Quant à Hollande, bien vu Mélenchon : il transforme la galère en pédalo avec Ayrault-Copé-Valls-Fillon-Moscovici à la nage derrière, portant la petite bouée salvatrice jaune à tête de canard à trois mètres du Corrézien du XVème arrondissement.

L'agitation & le conte de la folie ordinaire à l'Elysée est devenu l'angoisse des lendemains qui hurlent & des yeux au beurre noir de l'équipe en place. Angela Merkel, sur la scène internationale, a quant elle les coudées plus franches que le nain Obama à la tête d'une administration qu'il ne dirige pas plus qu'un Reagan. Les "faucons" ont passé outre-Atlantique un accord avec les légistes du parti démocrate pour gérer la crise. Merkel sait combien les entreprises allemandes ont des investissements juteux partout sur la planète. Qui sait que le second groupe bancaire des Etats-Unis (je ne me souviens plus présentement de son petit nom) a un actionnaire capitalistique majoritaire... allemand ?

Quant à l'industrie, nous nous sommes déjà emparés du sujet avec Peugeot puis Arcelor-Mittal.

Pour l'heure, le week-end est bon : une sortie, donc, un peu de lectures diverses & des pages en missives ici bien intéressantes. Grand salut à toi, O.




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