Le taxi & la racaille (sur les socialismes)



Le 14 décembre 2012.

Le taxi & la racaille.
Sur les socialismes.




Salut l'ami,

Et on nous parle de crises, de nécessaires économies, d'endettements des collectivités territoriales, de dépenses publiques à canaliser, surveiller... Ma mère, toujours assistante maternelle n'ayant plus qu'un jeune adulte travailleur dans un CAT (pour "centre d'aide par le travail") de Côte d’Or, a demandé que pour sa venue prochaine, durant les vacances de Noël, il puisse sortir plus tôt de son boulot pour prendre un train en début d'après-midi afin qu'elle aille le chercher dans une gare non loin de chez elle. Refus du CAT. Non, non, il doit faire son service comme les autres. Lui, énervé parce que sa demande est exceptionnelle, ma mère éreintée parce qu'elle n'a pas envie de se farcir les 70 kilomètres de petites routes possiblement touchées par la neige, le verglas, les services du Conseil général de Côte d’Or ont opté pour la solution suivante : il prendra un taxi. Non mais ! Et ce sera à la charge du Conseil général de chez vous. Et au tarif de nuit, Madame.



Rationalisons, rationalisons qu'ils nous soufflent dans les bronches depuis des années. Quand on sait que des non malades partent quinze jours à un mois en cure payée par la Sécurité sociale et les gentilles mutuelles, on se dit que l'aide à l'enfance des départementaux en lien avec la Sécu sont généreux.

Hier, j'écoutais le journal de 13 heures de France-Inter. Le responsable du Samu social (le 115) a fait paraître dans le JDD (pour Le Journal du dimanche, un tabloïd dominical, pléonasme) du week-end un papier où il alerte les pouvoirs publics et les bonnes gens : cet hiver, des enfants mourront dans la rue, écrit-il. L'entretien d'hier n'était pas poignant. Il était clinique.

Il dit : le 115 est saturé.
Il dit : plus les mois avancent, plus il y a de pauvres et de salariés pauvres à la rue.
Il dit : les services de l'Etat sont incapables de trouver des solutions rapides.
Il dit : la police, saisie de personnes à la rue, n'a ni les moyens ni le savoir-faire pour ce type de mission.
Il dit : il a rencontré un jeune homme mardi soir qui est salarié, qui couche dans sa voiture à Paris, qui n'a pas de logement donc, qui a enchaîné le mois dernier, tiens-toi bien, 42 CDD, qu'il faisait très froid mardi et qu'il a demandé à dormir en centre d'hébergement d'urgence plutôt que dans sa voiture.
Il dit : les maraudes du Samu social sont débordées, que par semaine ils aident d'urgence des femmes et des familles avec enfants dans les rues, à raison de trois ou quatre à Paris intra-muros.
Il dit : la semaine dernière, une femme était dans la rue sur une bouche d'air chaud avec un bébé de 11 jours.
Il dit : de plus en plus de familles son éjectées de leurs logements à cause du travail et de la maladie, du travail ou de la maladie, des salaires extrêmement précaires qui ont cours.
Il dit : il a vu une mère veuve avec ses trois enfants qui galérait chez sa cousine mère de deux enfants, mais la cousine a elle-même perdu son travail et son logement... tout le monde à la rue.
Il dit : la mairie de Paris fait des efforts.
Il dit : au standard des pompiers, un spécialiste du115 gèrera les appels.
Il dit : la situation de misère en France ressemble à un état de guerre.
Il dit : des enfants mourront dans la rue cet hiver dans Paris.



Dame Merkel et Papa Hollande se penchent sur l'Europe. On cède à Mittal, on laisse Obélix s'installer chez les Belges, des journalistes et éditorialistes payés au minimum 10.000 euros par mois lancent tout de go à longueur d'antenne, les cumulards de la pige, qu'il faut que le bon peuple se serre la ceinture et cesse surtout de vouloir un CDI à vie et les avantages sociaux qui vont avec. C'est un peu brouillon ce que je te dis, cependant que la réalité est plus hideuse qu'elle n'y paraît.

L'insurrection qui vient fera mal. Soudaine, ce seront les moins pauvres qui, une fois de plus, soulèveront les digues.

« Quant à la racaille, cette pourriture passive des couches inférieures de la vieille société, elle peut se trouver, ça et là, entraîné dans le mouvement par une révolution prolétarienne; cependant, ses conditions de vie la disposeront plutôt à se vendre à la réaction ».
K. Marx & F. Engels, Le Manifeste communiste.




Cette citation que je connais depuis tout petit a toujours soulevé en moi un haut le coeur, par ambivalence. Cette affirmation est juste historiquement, mais démontre aussi le caractère bourgeois et plein de morgue de nos deux auteurs socialistes. Cette affirmation est en même temps excessive si l'on considère que le poids et la violence sociale de la bourgeoisie conduisent à la misère des pans entiers de la société, lesquels n'ont d'autres choix que survivre, mourir ou « se vendre à la réaction ». Là est encore un échec même des apôtres du socialisme sous toutes ses coutures qui, à force de programmes forcément révolutionnaires et de congrès au chaud depuis cent cinquante ans, ne parvient pas à rassembler, unir sous une bannière. Sans doute le socialisme devrait-il s'interroger sur ses capacités à changer la donne, puisque toutes ses versions ont été dûment essayées ? N'en déplaise à Marx et Engels, dans ce socialisme-là, qu'il soit "scientifique", "libertaire", "autogestionnaire", "conseilliste", "social-démocrate", "social-libéral", etc., etc., il y a en son sein des racailles qui ont su se mettre aux abris et exercer un pouvoir soit enrichissant, soit pour dormir du vivant du juste mandat, soit en assassinant à tous les degrés. Non, décidément, je n'aime pas cette citation ambivalente, à la fois vraie et fausse, source de la dialectique la plus négative qui soit.

Comme le chante le brave Georges, « Mourir pour des idées, d'accord, l'idée est excellente..." »
Pour qui ? Avec qui ? Contre quoi ?

Pas facile de vivre une période d'imminence de la guerre avec toutes ses dérives, exactions et choix cornéliens à suivre. Il est plus important d’en finir avec le philistinisme de tous bords, plus sérieusement coupable que la bourgeoisie qui n’a d’autre but que d’accepter dans ses rangs quelques professionnels du socialisme qui ont pour mission de maintenir le sommeil généralisé des organisations politiques et syndicales. Le soulèvement passera par la conscientisation des illuminations profanes de nos textes revigorant l’ironique observation des situations concrètes dans le dessein de construire l’individu autonome pour l’union des luttes collectives et autonomes de caractères. Il en va de la survie. Nous privilégierons aisément la course à pied, l’art de la savate et la visée sur cible mobile.

A toi la bonne journée, O.

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[réponse de Patrice]

Je crois que je répondais en partie, hier, à tes interrogations sans pour cela y apporter de réponses. Le constat, c'est ce que faisais hier, est imparable : c'est la merde et la course des uns n'est plus un exemple depuis longtemps, eux qui se mettent -et sont- à l'abri depuis longtemps car ils ont compris l'enjeu et les règles. Il y a longtemps que l'on est dans le "courage, fuyons !" Le résultat : les plus démunis sont à terre !

Ceux qui n'ont jamais eu d'autre choix que la survie, assurer le quotidien sans pouvoir anticiper et se protéger. Depuis longtemps, une grosse partie de la société française vit au jour le jour. Quand ça pète : il n'y a pas de secours, pas d'autre alternative que la pire des misères : celle de la mort annoncée, incontournable, inévitable.

Je ne suis pas sûr que l'on ait connu cela à d'autres périodes de notre pseudo évolution sociétale. Car ce n'est qu'une pseudo évolution. Si c'était pour en arriver là, c'était pas la peine de se battre ou d'espérer. En fait, on n'a jamais rien gagné. Ni avec les uns, ni avec les autres. On a juste vécu à l'emporte-pièce : toujours un jour de passé, toujours deux jours de passés, etc. Le reste, c'est littérature, conseils de ceux qui n'en ont pas besoin, études faussées car mal négociées, pas adaptées.

Ce n'est pas seulement cet hiver qui risque d'être et terrible et surtout honteux, c'est toute la vie ! Bien sûr que cela va aller en s'aggravant. C'est l'histoire des cercles concentriques qui représentent la vie en société : si tu es au centre, tu es peinard. Plus de tu changes de cercle vers l'extérieur, moins tu as de chance d'en sortir et de pouvoir réintégrer le centre, pour finalement être exclu du système.

Quant aux abus : tout système a les défauts de ses qualités (SS, Alloc, RSA, etc.) mais ce n'est jamais si important qu'on le laisse dire. Pas aussi important que la délinquance en col blanc, le piratage de haut vol. Les petits restent petits et même s'ils sont nombreux, ils n'arrivent pas à égaler les abus des plus gros.

La période de l'année est propice à ce genre d'introspection. C'est le commerce honteux qui manipule le calendrier pour faire ses choux gras et les médiacrates qui aspergent de leur suffisance la population.

Je déjeunais hier avec un vieux copain qui veut s'exiler à l'autre bout de la France, là où il verra moins la misère et les escrocs qu'à Paris. Journaliste lui aussi, dégoûté. Ne parlons plus de la presse : elle n'existe plus ! Il y a en France aujourd'hui 5 ou 6 journalistes... Eh oui ! Tu les vois à la télé (toutes les télés) : éditoriacrates de mes deux. Ils se posent, ils "potentent", ils sont la presse ! à eux tout seul ! On embauche des blondinettes bien sous tout rapport et si possible avec un nom à particule pour tenir l'antenne de BMF-TV. Même Le Parisien n'en a plus pour longtemps. Ou alors comme représentant d'une époque révolue, comme L'Huma. La presse ? Ca ne parle à personne, les "journaux" sont piétinés dans les couloirs du métro comme de la merde : ils sont gratuits, donc sans valeur.

Adieu monde cruel ! Je me fais tout petit.
Allez, un bon Coltrane et mes Zippo... hypocritement hélas !
Courage l'ami, il nous faut résister.

P.






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