La Noël de l’anar Pit-pitre & Nanard au balcon de la presse.

Le 20 décembre.


La Noël de l’anar Pit(*)-pitre & Nanard au balcon de la presse.


Salut Patrice,

Dans l’air du temps, nous avons quelques idées qui germent parmi nos contemporains, notamment à la veille de Noël. Comme si le siècle s’abattait sur la fonction primaire d’être homme ou femme à exister, voici que se généralise l’idée aberrante chez les ouvriers & employés de consentir à des baisses de salaires ou le travail dominical pour que nos chers patrons français ne partent pas s’exiler où il fait bon vivre fiscalement, ou pour éviter les délocalisations des sites de production. Le couple Pinçon-Charlot, à la radio ce matin, développe les stratégies à l’œuvre des « riches » qui, nous le savons, se jouent des règles républicaines dont ils se fichent éperdument en créant leurs propres sociabilités oligarchiques. Pour ce faire, ils ont des médias aux ordres, des communicants chargés de relayer la pensée stratégique de cette catégorie -on ne peut plus guère appeler ces rouages essentiels des « journalistes » mais, faute de mieux, des « communicants ». Il est vain de s’imaginer sortir de cet ordonnancement de l’atomisation des individus qui sert les classes dominantes : les vraies, les riches. Durant la campagne pour l’élection présidentielle, le candidat Hollande promettait merveilles et monts des Oliviers de souffrances et rappels des obligations d’appartenance à la nation envers les « riches ». Une fois au pouvoir, et les Pinçon-Charlot pourtant pas réputés être de dangereux boutefeux sociaux le revendiquent haut et clair, la gauche « a commis une escroquerie sur les mots et les idées » ; la gauche est qualifiée de « libérale-sociale » par eux, poursuivant en réalité l’œuvre des gouvernements français précédents.


Dans l’air du temps aussi se pose les questions absolument fondamentales de savoir quel plat de fêtes préparer à Noël ou à la Saint-Sylvestre. J’ai personnellement résolu cet épineux dilemme depuis de nombreuses années : je ne festoie que le jour anniversaire de la mort de Leonid Brejnev. Et encore, quand j’y pense. Et je verse toutes les larmes de mon corps au souvenir de la disparition d’un grand leader prolétarien portant fièrement sa jolie chapka noire auréolée d’une discrète faucille & marteau lors des défilés de la grandiose Armée Rouge. Je ne sais ce que tu dîneras, mais il me semble qu’il faut éviter les dindes cette année encore. Elles sont bien mieux en liberté dans nos rues pour égayer l’hiver avec leurs faux ongles, leurs talons et smartphones collés à l’oreille devisant sur le si beau prof de gym.

On ne le dira jamais assez, mais la période dite des « fêtes » est une prime à la sauterie commerciale la plus évidente qui soit. Finies les longues files de villageois marchant dans la neige à la lueur des lanternes portées par les enfants pour la messe de minuit –les réjouissances de l’estomac attendaient d’abord la gâterie de l’eucharistie. Finies les émissions de télévision en noir & blanc où Henri Salvador faisait rire & Tino Rossi occasionnait une perle de larme au coin de l’œil déjà aviné dans le confort du pavillon pendant que les dames s’activaient en cuisine, les messieurs devisant doctement des réformes nécessaires de Valéry Giscard d’Estaing et les cousins se chamaillant dans un loto débridé. Finies aussi les petits vins de pays et les chapons dodus sur la table. Place aux cuvées soyeuses, place aux finesses de la mer pour gourmets en quête de Tamara sur lit de pain de mie.

J’ai écrit au Père Noël. Je lui ai intimé mon désir bien naturel de ne pas remplir mon petit soulier et de s’intéresser davantage à la misère, comme l’a si bien réalisé notre excellent Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Celui-là sera l’homme de l’année, autrement plus précieux à nos cœurs solidaires que Messieurs Fillon & Arditi… un ange passe.

Un groupuscule drôlatique incapable d'autogérer Pit.
A vouloir briser là les liens solides qui font tenir ensemble des systèmes de reconnaissance et de consolidation d’institutions dévoyées, il semble que nous soyons visés par un anarchiste auto-encarté répondant au sobriquet de Pit (*), militant, si je ne m’abuse, à Alternative libertaire, un groupement assurément élitiste que je ne connaissais pas et que je n’avais jamais vu sur le terrain des luttes avant cet automne. Le gaillard, avare de mots, encore plus de bons mots, se pique de nous qualifier de « salonnards », de « révolutionnaires en pantoufles », de « virtuels » individus dans l’action. Ah, s’il savait, le bougre combien on lui en ficherait de l’action que sa maman lui collerait deux pichenettes derrière les oreilles si elle l’apercevait depuis l’Audi familiale à fanfaronner dans les rues en houspillant les passants sur le thème de l’anarchie pour tantôt. Et puis, les pantoufles, ça nous tient chaud dans nos salons. Quel idiot individu voudrait se priver de chausses chaudes dans son intérieur ? Un Pit, un anar vivant en sabot façonné par le luthier écolo du coin ? Ce bon Pit m’amuse & m’agace à la fois. Il m’amuse parce qu’il est une superbe caricature de tous ces reproducteurs de l’ordre philistin que l’on trouve à gauche et à l’extrême gauche, embastillé dans les vœux de l’action pour elle-même sans en examiner les fins et attendus théoriques. Il m’agace parce que ses mots à notre endroit me font songer à ceux qui, sous couvert de ferveur révolutionnaire authentique, seront les premiers à nous pourchasser & nous flinguer si, hélas, ils prenaient le pouvoir (qu’ils ne veulent pas, par définition d’un collectivisme dans l’action, sauf pour en jouir pour abattre les amis en interne de la lutte forcément historique).

Nos confrères indépendants & libres... libres de quoi ?
Passons sur ce bon gars. Il y a des préoccupations plus importantes en ce bas monde et, nonobstant les fêtes & repas, le Père Noël, François Hollande a tout osé en visite officielle en Algérie : oui, les Algériens ont « souffert » des conditions de la colonisation qu’il a qualifiées « d’injustes et brutales », oui la Guerre d’Algérie… aïe, non, pas encore abordé le sujet. Enfin, on verra… J’ai toujours vu le FLN comme un chantier inorganisé mais efficace, grâce aux exactions de notre armée nationale. Lâcher des fellagas vivant depuis un avion sur leurs villages pour calmer les ardeurs a aussitôt entraîné l’inverse de ce qu’escompté. A son tour, le FLN terrorisait les neutres, les traîtres, les militants du MNA et les soldats pris dans leurs fers en les soignant du fameux sourire kabyle. Ce qui m’a toujours étrangement dérangé fut les rivalités internes au mouvement et contre le MNA qui aboutissait parfois à des actions redoutables contre leur propre camp, et en pleine guerre. Certes, nous autres, entre 1940 et 1944, nous avons aussi connu les règlements de compte internes, par exemple au sein du PCF, qui se soldaient par des dénonciations aux autorités de certains de leurs propres camarades. Certes, il y eut dans la résistance intérieure, surtout au début, avant l’efficace et courte mission de Jean Moulin, des guerres larvées au sein des groupes et mouvements rivaux. Au point des indépendantistes du FLN en guerre, jamais.

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Tu l’entends comme moi, l’ami, quelques voix s’emportent contre le nouveau patron de presse Bernard Tapie. Lui, c’est le Nanard en chef. Il s’est refait la cerise sur le dos de l’argent du contribuable, OUAF, j’adore le coup de maître ! Il serait apparu sur la scène un tout petit peu plus tôt, il aurait battu Ayrault dans mon Panthéon affectif de l’homme 2012. Les uns rigolent, les autres analysent le peu de connaissance de l’industrie de la presse, notamment notre confrère Erwan Gaucher, fin spécialiste des enjeux économiques dans les médias. Il me semble qu’on rigolait déjà pas mal dans les rédactions du sud, avec des virés sous des prétextes fallacieux, des effectifs à reculons, sauf en pigistes & stagiaires précaires, mais là, ils vont vraiment, vraiment s’amuser bien fort. Qu’en pensent les Sgj-Fo, Snj, Snj-Cgt ? Je me souviens de nos potes de Nice Matin, ils semblaient déjà blindés d’espérances dans leur grève qui n’a fait que couic (ou à la marge dans l’aboutissement de leurs revendications). L’arrivée de Nanard dans la presse ne me semble pas aussi antagonique que le groupe Roularta dans la chaussure bon marché ou Prisma dans le sandwich et les désodorisants pour toilettes publiques afin de diversifier les investissements. Ou Pugatchev dans feu France-Soir (tiens, un canard dont la fin n’a pas soulevé les masses laborieuses, tellement il était mauvais, sauf pour le seul Tour de France qu’il a suivi). Comme pour nos élus, nous avons la presse nationale et locale que nous méritons. Et celle-ci mérite bien Nanard aux commandes… elle ne sera pas dépaysée. A peine ces lignes écrites, je reçois un communiqué du Snj-Cgt. Ils sont plus rapides que les autres organisations.

A l’instar de ce que tu me disais un jour pas si lointain, au printemps je crois, les journalistes, tant qu’ils tortillent de la feuille ou de la chute des reins, devraient pouvoir conserver leur enviable position sociale. Les chiens de garde sont aux avant-postes de la partie de football déshabilleur. Ils feignent la critique sous la forme ironique, mais contrairement à la nôtre qui n’est jamais morbide, ils perpétuent la sagacité d’un ordre qui, par leurs propres sujétions, maintient des vues creuses sur le monde. J’en prends un exemple, signé de l’ineffable Camille passée de Rue 89 à l’Express dans une chronique désormais incontournable pour tout hebdo qui se veut branché et intitulée « sexpress » : « (…) sous les bombes, la sexualité prenait une intensité qu’elle n’a que lorsque la vie est en jeu, lorsque c’est la fin du monde. Et c’est souvent le cas des guerres qui, au milieu de leur lot d’horreurs, produisent aussi quelques moments de beaux partages. Le sexe semble être une valeur sûre avant la fin du monde : un plaisir dont on aurait envie de profiter et qu’on oserait proposer plus facilement si les tabous tombaient ou si la peur du râteau devenait insignifiante face à la peur de l’apocalypse. » (le papier a pour titre : « le sexe : une valeur sûre avant la fin du monde », dans l’édition du jour). La fille ne s’est pas foulée. Quatre ou cinq paragraphes, des phrases moisies et faussement osées, un titre minable, et hop, par ici la monnaie. Faut régaler le lecteur qui est trop idiot pour lire davantage.


A l’instant, je viens d’apprendre, via mon poste à galène, que Le Figaro a annoncé un plan de départs volontaires 70 à 90 salariés. Le groupe est composé de 1.800 employés, dont 505 journalistes. Ils devraient faire comme à l’sexpress, tartiner une histoire de fesses chaque jour pour conserver des annonceurs plutôt que des lecteurs. Car le problème du Figaro n’est pas son lectorat dont il se moque comme de l’an 1940 mais bien de la baisse des recettes publicitaires et de la timidité des annonceurs pour leurs titres : « Comme l'ensemble du secteur des médias, Le Figaro doit faire face à une forte dégradation du marché publicitaire et il anticipe une année 2013 très difficile pour la presse », souligne le groupe dans son communiqué. Il est plus soigneux de rassurer les investisseurs en rognant sur quelques unités humaines productives, sans doute pas de journaliste ici, mais des cadres et employés, que de songer à un contenu rédactionnel de qualité, une analyse pertinente et à la hauteur des enjeux de la presse. Hier, Le Monde faisait savoir qu’en janvier il coûterait 1.80 euros, le rendant le plus cher du secteur des quotidiens. Reste L’Essor du Berry qui s’en sortira en évoquant les querelles de voisinage, en plaçant des photos de fête du village entre trois clichés de Monsieur le Maire chaleureusement félicité par Monsieur le sous-préfet lors du classement des villages fleuris du département, sans oublier la coupe du canton en foot et la dernière sortie des majorettes juniors. Ca, c’est de la presse, de la bonne denrée cultivant l’information vraie et la curiosité, voire la dénonciation du voleur de poireaux dans les jardins ouvriers.

Qu’est-ce que tu veux que je te dise, Patrice, Nanard Tapie a bel et bien toute sa place dans la grande presse. Au moins, c’est sûr pour la décennie à suivre, il ne fera pas tache dans le paysage : ce sera ton sur ton, comme l’excrément canin sur le bas du treillis militaire.

A toi mon salut de bonne journée hivernale, O.

(*) Pit est aussi Pïerô sur le Forum anarchiste révolutionnaire et en est même l'administrateur principal. Suivre le lien http://forum.anarchiste-revolutionnaire.org/index.php pour examiner la plume & le calibre prêt à décharger contre tout espiègle, tout critique... rien qu'en écrivant cette phrase, j'ai senti la glaciale lame du Père Guillotin sur la nuque.


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Salut O,
Je ne serais pas resté sans t'envoyer quelques boutades sur Nanard (quelle délicieuse coïncidence, ce surnom...). Effectivement, que mérite la presse ?
Où en est-elle pour mériter autre chose qu'un clown ?
Même les filles et fils à papa ont compris qu'il ne fallait plus traîner dans ce milieu professionnel. Ils avaient hésité, ils y sont venus les banques n'embauchant plus, ils/elles en repartent de craindre la honte qui s'attache à la profession.
Quand on sort de Sciences-Po, on ne devient plus journaliste : c'est ringard !
En route donc avec des patrons qui sont tous prêts à fermer les portes de leurs entreprises, peut-être au profit de quelques godelureaux des bas-fonds. Ceux-là seront moins regardants sur la formation et l'enthousiasme, n'attendant d'ailleurs rien de leurs "journalistes" mais tout de la pub. TF1 rafle toute la pub de la télé, L'Express toute celle des hebdos (celle qui paie bien), les quotidiens font la manche à Matignon !
Je ne le dirai jamais assez : "Laissez tomber, c'est cuit et d'ailleurs pour qui cela vaut-il la peine ? Où sont les lecteurs ? Que leur offre-t-on ?"

Les fins d'années ont cela de remarquable qu'elles se ressemblent toutes.
Les commerçants en sont presque à fouetter leurs employés payés au temps partiel par rapport à un Smic à 1100 € net pas mois, c’est-à-dire à 600 € et si on leur tend un micro, c'est la litanie, les pleurs, la cata. Pire que la fin du monde !
Mais si on ne demande rien à personne, finalement ce n'est pas pire que le pire attendu : c'est normal. "Non, non, on ne fera pas d'excès !"
Promis, juré : c'est la crise ! Pauvres taches ! Il n'y a que ceux qui n'ont rien de rien qui sont au courant de la crise. Pour les autres, c'est cinéma !
Evidemment, par rapport aux banquiers, patrons du Cac 40 et traders, on se sent petits. Mais bientôt, la France sera le marchepied de la Belgique ! On n'a plus besoin de tout ce monde qui court après du travail : il n'y en a plus ! Et il y en aura de moins en moins. Faut se faire une raison. Il faudra bien qu'un jour ce soit Smic pour tout le monde : la paie des inactifs et quelques Mittal au-dessus qui vivent entre eux et puis basta ! La grande égalité approche à grands pas... par le bas bien sûr, mais la pauvreté pour tous, finalement c'est la richesse pour tous... alors, vivement demain !
Bon latinisme distingué !
Patrice

Le Figaro :
Eh oui mon vieux, Le Figaro-La Pravda ! Déjà en 69 ils étaient une année à la bourre ! Aujourd'hui ils remettent ça ? Ca m'étonne, c'est juste une quinte de toux, un petit pois qui passe pas ou un pet ! Inénarrable ! Au moins ils nous feront rire une fois au Figaro, à leur détriment !
Peuvent crever !


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