Jacques Julliard a raison (25 décembre 2012).

Le 25 décembre.


Il y a des raisons particulières à la crise de défiance envers les gouvernants. Le pays s’est séparé de ses dirigeants élus démocratiquement depuis longtemps. Ces derniers temps, cette défiance s’est accrue. Nicols Sarkozy en est-il la cause ? Jacques Chirac avant lui ?


Jacques Julliard, dans un éditorial politique sur France-Inter ce matin, a relevé quelques éléments, dont l’impéritie des deux grands partis « démocratiques » du pays : le PS qui a vu l’élection de Martine Aubry au poste de première secrétaire entachée de nombreuses fraudes dans les élections internes, et l’UMP qui a vécu la plus fantastique fraude jamais relevée médiatiquement avec l’élection-putsch de Jean-François Copé à sa direction. L’élection ressemble à un jeu de dupes. C’est à celui qui fraudera le plus efficacement et le moins mal, c’est-à-dire le plus discrètement. L’élection tombe à l’eau. Que reste-t-il ? Une simili démocratie d’apparence. Chaque semaine, il se passe un fait qui démontre un élu corrompu petitement ou complètement, une prébende nouvelle, des décisions dictées par le seul souci du seul instrumental et privatisé. Il y a certes une presse qui divulgue plus qu’auparavant toutes ces exactions, ou supposées exactions, délivrant insidieusement le message de la permanence de la corruption plutôt que son exception. De là, Julliard constate les faits nus que chacun reconnaît, la résurgence du sentiment que la démocratie est le moins pire des régimes, et surtout la montée de l’antiparlementarisme qui occasionne populisme généralisé, irrespect (mérité) des élus, politique de Polichinelle et rend le pays ingouvernable au sens où nulle ligne peu ou prou tracée par un dirigeant étatique n’est suivie. Julliard conclut en disant que peut être mûre la situation où les Français s’affranchissent de toute contrainte à suivre une ligne claire pour tenter, soit « le déclin » (réel, en continuant ce précipité vaseux), soit « l’aventure » entretenue, dit-il, « quelquefois par l’extrême gauche et souvent par le Front national ».

Par « aventure », il faut entendre évidemment la maturation des électeurs pour pousser par les urnes une tendance politique qui n’est pas dominante mais qui, comme par un à coup de l’histoire, et à la fois pour moquer l’ensemble du système partisan, draine le choix populaire d’un parti autoritaire (ouvertement autoritaire). L’aventure a toujours été un recours émerveillant les peuples dans les périodes où les crises surgissent plus éclatantes que d’autres. Sous un climat de mépris pour le jeu démocratique dénaturé par des partis tricheurs pour élire leurs propres chefs, par une courbe du chômage et de la casse d’entreprises, par une montée des prix sur les denrées alimentaires et matières premières, mais encore par une incapacité des uns à enrayer la prise de relais des autres, le gouvernement général d’un pays peut emprunter des voies hasardeuses.


Le général Boulanger.
L’histoire de France a connu le général Boulanger, une aventure courte qui a durablement transformé la vision qu’eurent les Français des institutions de la République. La République, en effet, a à ce moment précis perdu son aura de garante de l’aventure politique. Certes, des monarchistes et républicains ont désigné le chemin de Bonaparte du 18 Brumaire à son sacre impérial comme étant « l’aventure » par excellence. Je ne rejoins pas cette position. Pour moi, la période du Directoire n’entraîne avant tout aucun changement des hommes, encore moins l’idéologie. En même temps, le contexte économique reste contorsionné entre dettes et crises récurrentes. Depuis 1789, la misère est à l’œuvre. Les monarchistes de droite et les républicains forment le vœu d’obtenir la majorité afin d’être nommés aux postes clefs pour dominer à la fois le Conseil des Cinq-cents et le Conseil des Anciens. Le législatif conduit à la domination du Directoire. Une lutte de pouvoirs fragilise autant législatif et exécutif. Au sein des institutions comme en dehors de celles-ci, la situation est bloquée. L’assemblée ne peut pas pousser les directeurs à démissionner. Quant à ces derniers, ils n’ont aucun droit de dissolution de l’assemblée. Quant à l’extérieur du pouvoir central, des coups d’Etat et coups de forces se succèdent à un rythme annuel. La faillite républicaine conduit au 18 Brumaire an VIII (novembre 1799), où Bonaparte, aidé de Sieyès, achève la Révolution. S’ouvre alors le règne de Napoléon.

L’aventure, c’est l’aventure, peut-on affirmer.

Pour autant, le contexte international que nous connaissons d’une économie interpénétrée par l’économat-monde, caractérisée par la dissolution générale de la souveraineté nationale, et la situation précisément française d’une relative accalmie sur le front social, voire d’une docilité incontestée des organisations syndicales assoupies n’autorise pas à songer raisonnablement à un soulèvement populaire. En ce sens, Jacques Julliard a bien raison. En revanche, une misère débordante mêlée aux bas de laine des Français nous fait penser à un mélange sans pareille de diversité des fortunes démontrant l’instabilité sous-jacente du pays qui tient ses arcanes en ordre pour un maintien du statu quo de l’ordre social, et par conséquent de l’ordre politique.

Bref, tout coule, tout s’écoule, selon une formule à la Héraclite.

Gauguin, au titre évocateur.
La gentille France a perdu son hymen : la souveraineté politique s’est envolée quelque part à Maastricht & le bon peuple jouit de se voir... si pendu en un charmant cocufiage.




Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Ce qu'est le syndicalisme libre & indépendant du macronisme-patronat

Aristote à Chartres (statuaire)

Malheur à toi permanent syndical de peu ! (tu ne sers qu'aux fiches policières)