Les archanges de la taule (le 18 décembre)

Le 18 décembre.


Des archanges de la taule & des bribes de fluidités dans un café.


Salut l'ami Patrice,

Lever tôt, je me suis pris d'une envie de ne pas me rendre chez ma dentiste. Il a fallu souffrir encore une fois.
Avant d'aller tirer quelques coups au club sportif  (...) je suis dans l'un de ces derniers petits rades charmants, face au Palais de Justice, où le chocolat chaud n'est pas cher et l'ambiance fort calme pour bosser avec un livre & un ordinateur, toujours à l'écoute des conversations & éventuels propos désobligeants pour nos gouvernants.

Eh bien là, pour le moment, calme plat.

De là où je suis, malgré des arrêts de bus & un boulevard très passant, je peux observer le ballet des forces de l'ordre amenant les gardés à vue de la nuit au dépôt avant leurs défèrements prévus quand les procureurs seront bien lunés pour jouer leur jeu de rôle de moralisateur et père "la vertu". Je masculinise une fonction, mais elle est plus souvent pratiquée par de jeunes femmes dont les origines ne dépareillent pas d'un bon milieu, quelques idées bien arrêtées sur l'origine du monde (dieu), sur la chance de la politique (l'Europe) & des soucis amoureux de jeunes femmes qui vaquent d'homme en homme, ou recherchent le futur mari bien en vue pour accélérer une carrière prometteuse.

Les procureurs, généralement substituts quand ils sont subalternes près une juridiction de Grande instance, sont des magistrats particuliers.

Ils n'occupent jamais cette fonction par hasard. Les plus comiques sont les débutants, les auditeurs de justice (élèves de l'école nationale de la magistrature), tout frais émoulus de l'école bordelaise. Ils sont expédiés en stage & doivent jouer le rôle de leur début de carrière sous le contrôle de leurs devanciers hélas déjà ridés.

Atterrés de découvrir en pénal la restitution immédiate de la plus noire misère, ils découvrent le vice caché d'une conscience personnelle qu'ils doivent taire, s'ils ont un tout petit peu de jugeote et de sagesse.

Pour exercer une telle carrière, il faut des dispositions d'esprit. Comme celles qui régissent les policiers, les curés, les professeurs, les militaires ou les serruriers à Paris. Il leur est nécessaire de sentir en eux un destin singulier : exercer un pouvoir sur autrui, voire participer de la répartition des biens & valeurs.

Ils appartiennent le plus souvent à l'autorité publique.

Je les imagine bien les gardés à vus qui s'apprêtent à devenir des prévenus aussitôt passés entre les fourches caudines de dame Justice qui n'en demande pas tant. Un destin social (& intime) peut basculer dans la minute qui suit le défèrement.

Enfin, passons sur cet épisode de vie qui, depuis Victor Hugo, n'a jamais été traité dans sa plus parfaite nudité. Certes, Jean Genet a évoqué l'après... Beigbeder aussi dans son Un roman français quand il s'en est pris au procureur Marin & la maréchaussée, sous la vigilante supervision de l'avocat des éditions Flammarion. Ne sont-ils pas beaux les écrivains à la mode, à l’écritoire formaté pour le désir du lecteur dont on a au préalable formé/formaté le jugement & le goût & dont le coeur demeure timoré dans l’expression provocatrice à demi-assurée.

En voilà bien là une engeance comique que ces scribouillards aux petits pieds.

C’est au cours de ces fins de règne d’une époque en passe d’être révolue que nous percevons le mieux à la fois les indigences du moment & compromissions diverses avec l’impératif catégorique de l’immédiateté. En guise d’exemples, les deux milieux littéraires & politiques (au sens large : les partisans, les syndicalistes, les associatifs, etc.) sont des endroits intéressants à observer quant à leurs mœurs & existences communes. Je ne sais plus qui prétendait qu’il est bon d’attaquer les puissants là où ça leur fait le plus mal : aux tripes de leurs mœurs qu’ils voudraient dissimuler à la masse. Car le secret est un gage, pour eux, de préservation de leur aura, et donc de leur domination effective ou symbolique (selon leur place dans la hiérarchie).

Dans les salons littéraires, en effet, nous retrouvons les enjeux idoines d'un congrès syndical ou politique. Se hisser sur les épaules d’un nain sert à devenir nain soi-même. Et si possible nain publié.


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(Vers 10h50 heures).

Trois dames entrent dans le café. Retraitées, elles s’installent près du radiateur, comme elles le clament. L’une d’entre elles m’intrigue : il ou elle ? Elles prennent un café & prévoient de suite un kir pour la suite. Elles semblent modestes, du quartier pour leur sortie du jour, l’une avec son si calme caniche marron tranquille. Elles parlent spectacles. Je passe sur les titres que je ne connais pas. Elles évoquent des émissions de télévision, dont une consacrée à la danse, avec jugement sur tel animateur, telle danseuse, tel danseur. Puis, à ma petite surprise du jour, l’une d’elle évoque les larmes, les pleurs des hommes à la télévision, se remémorant les années précédentes : « les pleurs des hommes, c'est récent, ce sont des larmes pour la communication, pour tenter de se faire voir dans le monde d’aujourd’hui » et en profiter. Non content d’être satisfait sur cet uppercut joyeux de clairvoyance, les dames entament une discussion sur le genre d’une danseuse de cette émission par Internet, et la réponse, & le féminisme, celui d’aujourd’hui en comparaison de celui des années 1960-1970, des incertitudes de tous les artistes. J’en conclus que la plus renseignée, arborant de grosses lunettes noires, cheveux courts, veston noir & pantalon avec talons hauts, a dû bosser dans le milieu. Je me concentre sur mes notes à frapper. L’une d’entre elles, sortie quelques minutes, revient avec un livre. Elle le montre. De suite, toutes trois s’esclaffent sur le prix Goncourt des Lycéens, le plus « frais », le moins soumis aux « pressions » des commerciaux. Elles parlent littérature, évoquent une émission « La grande librairie », commentent des auteurs récemment passés, la forfaiture d’une telle émission qui ne vaut pas les journaux.

 L’heure du kir a sonné, juste avec la blanquette / riz maison pour l’une d’elles. Trois blanc-cassis sont apportés aux dames. J’aime bien cette atmosphère. Je travaille consciencieusement &, tout à coup, des bribes de dialogues humains me viennent à l’oreille & savent m’interpeller. Pour la forme, je me prends un verre. Hélas, Guillaume Musso parvient sur la table. OUF ! deux des dames, de concert « ça fait pas le prix du week-end passé à le lire ». Il est 11h15, & le soleil apparaît, après un ciel grisâtre. Sont-ce ces dames-là qui égaient le temps ? L’une interroge les autres sur les sorties des vacances de Noël, comme quoi les dates scolaires concernent tout le monde. La dame aux cheveux courts, le 1er janvier, ira voir « West Side Story » avec des membres de sa famille, spectacle qu'elle a déjà vu à New York. En fait, les dames surfent, s’entretiennent via le net, regardent des « tubes » sur Dailymotion de ces danseurs évoqués en début de rencard. L’une se remémore son passé, avant son mariage, elle a travaillé dans la danse aux côtés de chanteuses célèbres. Elle évoque 1951, mazette l'année de la mort de Wittgenstein, le sait-elle ? Puis, elles se lèvent toutes les trois. La plus habile avec les NTIC & le milieu de la danse… je ne sais si elle est homme ou femme, les formes étant plus masculines…

Qu’importe, ces trois dames m’ont mis en face d’une rumeur générale du monde qui me sied. J’ai roulé un clope, payé & pris la poudre d’escampette pour retrouver mon automobile & me rendre à une activité sportive / d’encadrement.

Sommes-nous seuls à deviser de manière « criticiste » ?

Assurément non, mais où sont les organisations nées dans l’objectif de rassembler pour agir ?

A toi, mon salut, O.

  

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