Cinéma et société, par Patrice C.


Franchouille vs beaufitude

 
Ils sont sympas les gens de Marianne. Je les aime bien. Ils écrivent bien et ils sont impertinents. Dans leur dernier numéro, ils nous proposent une image de couverture qui vient de faire le tour de l'actualité à l'occasion de la mort de Georges Lautner et qui représente Lino Ventura dans un des ces rôles cultes que le cinéma et les Français aimaient tant dans les années 60-70.

Il s'agit bien sûr de parodies, loin du sérieux de Melville qui officiait dans la même rubrique. Cette catégorie était une soupape de sécurité à la noirceur du propos d'origine. L'humour reprenait ses droits à exister sur grand écran, sans fausse honte aucune. Je crois qu'on aimait plus les acteurs que le scénario. Il y avait une complicité, une affection avec tous ces représentants de la France de tous les jours. Une époque où l'on pouvait s'imaginer croiser Ventura ou Michel Constantin sur les passages piétons (et ça m'est arrivé) des rues de Paris, sans en faire un fromage. Tout cela était dans l'ordre des choses, et c'était très bien et naturel. Le show bizz n'existait pas, ou presque pas, et l'on était un peu complices.

L'occasion était belle de ressortir pour la énième fois Les Tontons flingueurs de la poudre. C'était rendre hommage bien sûr, mais aussi se rassembler autour de quelque chose de commun et proche de nous tous. Les distances étaient abolies, pour une fois encore, mais à titre exceptionnel malheureusement. Merci à Georges Lautner d'avoir fait œuvre de solidarité sociale.

Pour en revenir à Marianne, l'occasion leur était belle de se pencher sur l'impact et le ressenti des Français (6,7 millions de téléspectateurs, quand même) dans une société quelque peu en déliquescence, qui se cherche car elle a besoin de solidarité quand il n'y a plus de lien. Affirmer, comme ils le font à Marianne, qu'il s'agit-là de franchouille me paraît ou benêt ou hypocrite. Il est en effet facile d'assaisonner (et le papier de Périco Légasse l'est assaisonné, et c'est bien le moins) le retour éventuel à des racines culturelles profondes avec le besoin d'une recherche non satisfaite. Que les Français se trouvent à poil face à la civilisation actuelle faite de consommation et de frustration qu'on leur propose, c'est un fait avéré. Qu'ils se tournent vers un passé idyllique (ou idéalisé) et regretté me paraît un peu excessif. Surtout, d’une part, si on va jusqu'à prétendre qu'il n'y aurait que dans ce passé que l'on puisse retrouver encore un peu de souffle commun, et d’autre part que ces vieilleries sympathiques mais passées de mode ne soient que l'expression d'un plaisir au raz des pâquerettes qui, compte tenu des progrès réalisés, ne seraient a posteriori que ringardises. C'est ne plus marcher dans la combine, mais aussi refuser de faire face et ne pas participer à l'élaboration de quelque chose d'actuel. C'est se complaire dans un passé nécessaire mais aussi nier qu'il puisse exister un équivalent possible.

Si la franchouillardise est ringarde mais respectable, qu'en est-il d'une possible et éventuelle assimilation à une beaufitude ? Les contenus de ces œuvres du passé concourent à préserver ces sentiments de facilité désuète et rétrograde, de telle façon qu’elles apparaissent aujourd'hui comme cultes parmi les œuvres délaissées pour cause d'évolution. S’il semble que tout ce qui participait à une autre vie soit reconnu comme nécessaire et respectable, voire enviable. Ira-t-on jusqu'à "canoniser" l'esprit beauf ?

Patrice C.

 

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