L'UE, c'est la déchéance de l'homme réduit à son attitude coprophage
L’Union
européenne, c’est la violence légitime poussée à son acmé.
La doctrine habituelle, pour
justifier l’existence d’un pouvoir d’ensemble sur toute société instituée, en
science politique comme en cours de première année de droit constitutionnel,
retient en premier lieu les thèses de Max Weber pour qui la coercition légitime
relève de l’Etat et n’appartient qu’à lui. On en oublierait la problématique
liée à sa légalité effective, quelle que soit le type de violence dont il s’agit.
Maurice Merleau-Ponty apporte un supplément d’âme réflexive sur ce point. Il nous
éclaire en effet particulièrement pour discerner ce qu’un régime libéral
préconise parmi toutes les violences inhérentes par nature à toute délibération démocratique. Dans Humanisme
et terreur (1947), Merleau-Ponty dénonce les dangers de toute cette
illusion qui domine au sortir de la Seconde Guerre mondiale de réduire, voire
abolir le pouvoir de toute violence :
« Nous n’avons pas le choix entre la
pureté et la violence, mais entre différentes sortes de violence. La violence
est notre lot en tant que nous sommes incarnés. Il n’y a pas même de persuasion
sans séduction, c’est-à-dire en dernière analyse, sans mépris. La violence est
la situation commune à tous les régimes. La vie, la discussion et le choix
politique n’ont lieu que sur ce fond. »
La violence sociale est permanente
et se jointoie avec la démocratie pour assumer son pendant légitimé. Le
problème général de la violence en démocratie part donc du seul fait qu’elle
reste impossible à abolir. Résoudre sa question légale suppose ce problème
comme sujet même de la démocratie. Evidemment, l’Etat cherche à sanctionner la
violence qui ne relève pas de ses services publics. Elle la délègue plus que
souvent à des officines qu’il contrôle plus ou moins (barbouzes, polices municipales, agences de sécurité privée…), mais
entend en enrégimenter toutes les sortes.
A l’extrême, lors de troubles ou
actes terroristes internes, d’indépendantistes ou autonomistes (Basques, Corses, Bretons…), il arrive à
l’Etat d’élargir certains impliqués jusqu’aux os et balayer d’un trait de loi
des actes passés. Par exemple, les Irlandais ont résolu leur guerre civile en
élargissant à tel point d’anciens insurgés, qu’il a été admis qu’ils étaient absous
et, justement, considérés sui generis
comme des « combattants »
d’une cause adverse qui a acquis sa légitimité dans un rapport de force de la
terreur réciproque favorable.
Une société fondée sur la démocratie
libérale, ita est une société
disposant d’une constitution et de règles organisant et distribuant les
pouvoirs publics, ne peut en toute décence disposer d’une puissance publique
fondée sur un ordre principiellement apologétique de la seule force de la
violence légitime. L’Etat suggère la violence, L’Etat laisse entendre son
ultime recours à toutes fins utiles en déployant les principaux arcanes des
pouvoirs régaliens de l’armée, de l’administration (surtout fiscale), de la justice et de la police. Ensuite, d’autres
vertus régaliennes existent selon les traditions desdites démocraties
libérales. L’autorité de l’Etat dépend de ses symboles et services, de ses
forces assumées et faiblesses contingentées dans un éventuel recours à des
mesures supplétives.
En France, l’article 16 de la
Constitution en vigueur (N) ‑il est de mise à la suite des événements
d’Algérie qui ont, comme chacun le sait, abattu la IVème République‑ permet
nolens volens de laisser entendre que
le chef de l’Etat a toute capacité, si « la situation l’exige » (selon
la formule consacrée d’une convention de constitution immanente au texte légal
qui dispose que « le Président
de la République prend les mesures exigées par ces circonstances »), d’exercer des « pouvoirs exceptionnels » selon les
dispositions de consultations des présidents des assemblées et de veille du
contrôle de constitutionnalité pour teinter la légitimité-légalité de la
décision. Conserver cette disposition, y compris après les débats concernant la
dernière grande révision constitutionnelle de 2008, sert à intimider à
l’extérieur et en interne. Pour l’extérieur, en cas de menace, nous disposons
là d’un moyen légal d’action ; pour l’intérieur, tout groupement factieux
putatif, toute institution régalienne qui serait tentée de recourir à un coup
de force ou d’Etat sait ce qui l’attend : la frappe, voire
l’anéantissement en toute légalité.
La démocratie est discutée,
débattue, apologisée depuis son émergence, en Grèce, au Siècle de Clisthène
(Vème) ou, au contraire, démontée scrupuleusement. Ici, il ne nous paraît pas
utile de livrer l’un ou l’autre sens critique. En revanche, déciller le regard
vertueux sur un fait politique nous semble aussi responsable que briser les
chaînes de l’idéalisme fumeux qui préside à toute présentation nécessitariste
de l’Europe (« un rêve »,
« une fraternité », « une solidarité entre des peuples autrefois
ennemis », selon la dissertation de terminale du bon élève DSK ce week-end
à ses amis d’outre-Rhin ; nous y reviendrons sous peu en un prochain
billet).
La gloire du rappel à l’ordre ne
sert aucun intérêt. L’envie de détendre l’atmosphère glacée de la pensée
commune autour de l’UE autorise, en toute souveraineté d’analyse, de
présenter des faits et leurs conséquences. L’UE n’est pas un rêve ; l’UE
est une réalité politique bâtie sur l’intention d’un marché commun, de quelques
politiques communes, dont la Défense (on
en voit les effets : nuls !) et de dispositions légales sur le
commerce, la libre circulation, le respect de quelques principes qui ne mangent
pas de pain de défendre contre toute pratique bien éloignée de ses pétitions de
principe.
{Des faits ?}
Plusieurs pays connaissent les effets généraux et conséquences de la crise
congénitale du capitalisme débridé et heureux. Lorsque celui-ci vivait sa vie
dans un cadre national, généralement patrimonial et industriel, tout allait le
plus parfaitement possible. Surtout qu’à l’Est, Satan était l’ennemi commun. A
compter de la décennie 1990, la libéralisation des échanges, la remise en cause
d’une partie importante des politiques industrielles propres aux Etats-membres
de la CEE d’alors a offert sur un plateau à l’Allemagne de procéder à la
reprise en main d’une politique impériale qu’elle n’a jamais abandonnée. Avec
l’appui de capitalistes Américains, la financiarisation a semblé le meilleur
moyen de réaliser des profits rapides.
{Des conséquences}
Dans la zone Euro aujourd’hui, des pays survivent sur la dette publique,
l’abaissement des revenus des ménages et une économie industrieuse peu
pertinente à long terme ; la variable d’ajustement dite des « ressources humaines » n’est même plus
définie comme valeur ajoutée, mais comme un levier qu’il convient de brider,
amaigrir et contrôler pour éviter les emportements sociaux. La survie coûte que
coûte en attendant, sans doute par maraboutage, le « retour de la croissance », permet aux gestionnaires par
délégation de l’UE de patienter au retour des jours meilleurs. Ce credo fera
son temps… comme tous les actes de foi en politique à courte vue. Bien
évidemment, la Grèce illustre fort bien ce que nous décrivons. Plutôt que de
nous répéter, nous renvoyons à ce billet-ci, commis en début du mois : http://atelierserpentrouge.blogspot.fr/2015/07/le-laboratoire-grec-du-social-doit-etre.html
LSR
(N) Article 16 de la
Constitution de la Vème République Française :
« Lorsque les institutions de
la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou
l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés (NOTA LSR : la faute est comprise dans
le texte initiale ; il faut lire « menacées ») d'une manière
grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics
constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les
mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier
ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel.
Il en informe la Nation par un
message.
Ces mesures doivent être inspirées
par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les
moindres délais, les moyens d'accomplir leur mission. Le Conseil
constitutionnel est consulté à leur sujet (…).
Après trente jours d'exercice des
pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi
(…) » (c’est nous qui soulignons
l’expression ici importante).
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