La jeunesse dorée est rebelle et cultive une vacance de cohérence


« Vacances, on oublie tout » ?

Ambiance exaltée du néo-rebelle parisien, XI° arr. (LSR)
Ces quatre mots fredonnés d’une chanson, dont je ne connais ni l’auteur ni l’interprète, me viennent en mémoire au moment de songer qu’il y a une sorte d’intensité sociale qui grimpe en flèche ce week-end, si l’on en croit les stations radiophoniques. Toutefois, allons-y, le mot vacances se décline au pluriel. Et d’abord dans celui des excitations des mœurs qui ne sont pas sans rappeler un soupçon de décadence inapaisée. Pourtant, mon petit véhicule bouddhique s’apaise en reniflant l’humeur de la végétation qui verdoie autant que s’élèvent les pousses renaissantes d’un certains repos des différents types de sève. Le silence, la nature et loin des bipèdes urbanisés, la sève de l’arbuste social m’échappe. Enfin !

La compagnie des hommes s’estompe plus sûrement à l’abri des forêts qu’au bar des pseudo-insoumis. En tout rebelle autoproclamé se cache désormais, on le sait, un reliquat humain de communicant garni comme on le dirait d’un filet rempli à ras bord sur le marché de Neuilly. Aussi, avoir raison gardée en toutes les occasions est-il le plus sûr moyen de mettre de la distance entre les postures des uns et les cartes de visite des autres. Etre rebelle est devenu tellement connoté (et convenu), par une manière d’instrumentalisation, pour faire carrière, que j’en suis revenu à mon tour d’une certaine écoute fascinée, me gardant bien d’y voir maintenant un éclair de liberté chez lui.
 

Nous croisons tous de ces créatures, hommes ou femmes s’affirmant bien plus libres et libérés que nous autres, pauvres ploucs désurbanisés. Mais oui, entendez-les, il suffit de craindre un peu les menstrues pavoisons à l’unisson pour se voir éjecté de la « bonne société » des assis entre soi. Plouc je fus, plouc je serai toujours pour eux et porteur de cette breloque.

Ces bien-pensants de la rébellion analgésique nous jettent leur mutinerie permanente à coup de dragées de connivence avec une construction de soi superficielle, ou encore une volonté de représentation sur un mode esthétique : l’attitude à la coule dans l’existence, le tatouage détonnant, le look libéré (moulé du bassin, pour les garçons, décolleté exagéré pour les filles), les paroles et énoncés libertins sans omettre la défense des droits individuels, comme dans les manuels.

facebookage d'une jeune cadre dynamique (LSR)
Bien averti du milieu de la moyenne et grande bourgeoisie, un mien camarade sociologue du politique et juriste, -que nous nommerons ici Guy- me prévenait des faux-semblants chez quelques créatures des deux sexes âgés de la vingtaine ou d’une petite trentaine, accomplissant des études ou dorénavant jeunes cadres dynamiques, n’hésitant pas à facebooker à tire-larigot en posant des photos d’expos et de teufs (oui, oui… on ne dit plus « fête » qui porte un côté officiel « bourge », mais « teuf » qui suppose de s’alcooliser chic dans des bars parisiens en dégustant de la charcuterie du « terroir » avec du beurre de Normandie), en exhibant ses vacances « entre potes », en se coinçant du torse quelques vues « hyper-free » sur la sexualité et en se tortillant du régime sans sel à se bâfrer des sucreries de leur classe et milieux socioreligieux. Ne nous inquiétons pas pour eux, ils ne tarderont pas à rechercher le bon mariage pour la grimpette sociale (au moins le temps de se faire la rente) et, surtout, en cultivant les idées politiques les plus creuses possibles maquillées par des mots et références savantes mal maîtrisés. Ils pénétreront dans le rang par la grande hétaïre : le monde des conventions, dont leur primo-rébellion n’est qu'une huile d’intromission.

Guy me causait ainsi de deux créatures emblématiques. L’une, étudiante en droit, aime à s’habiller « court, élégant et sexy », annonce-t-elle pour sublimer sa garde-robe personnelle entre un cours et une beugle. Autrement dit plus prosaïquement : une pipe. Pour parfaire le tout, la brunette excelle à proclamer à qui veut l’écouter d’une seule oreille (laissant reposer de la sorte le cerveau de l'auditeur), avec beaucoup de miel dans la glotte, qu’elle aime avoir deux amants, « l’un pour le faire jouir, l’autre pour profiter de lui et le faire souffrir, hi, hi, hi… parce que je suis une femme moderne ». Cette maxime de vie, que dis-je, reprenant les propos de Guy, c’est davantage une règle pour elle aussi importante que sa familiarité pour la composition du 17. En effet, elle a une prédilection pour les mâles en milieu littéraire, surtout les écrivaillons clochardisés de la bourgeoisie, tout en s’emmourachant comme de bien entendu pour de successifs « écrivains homos réacs » comme Renaud Camus, son héros, toujours selon son jugement.

Guy me l’affirme, ces invertis ne sont jamais dupes. Ils la regardent en souriant vu qu’elle fait semblant de les lire en répétant des platitudes à la Nabilla pour bac+4. Pour la bonne bouche, si je puis dire, Guy me la présente aussi comme une satanée arriviste très jalouse de ses petites camarades de fac. Au point de tout tenter pour séduire le professeur dont elle vante « le soin de soi, l’harmonie entre la couleur de la cravate et les chaussettes ». A quoi tout tient, n’est-il pas ? Eh oui, ne faut-il pas songer à construire son avenir à partir de 25 ans ? Vieux comme le monde, le cucul est un excellent procédé pour ce faire.

Quant à la seconde créature, plus intelligente mais « sans culture » de son propre aveu, à la fois mesurée dans la représentation sociale et assez sauvage dans le privé, elle dit exercer ses talents dans les milieux SM. Dès qu’elle a confiance en un groupe amical, la beuverie soft aidant, elle aime à cultiver une image précise de nymphette la meilleure de sa promotion d’école. Elle adore encanailler l’auditoire en affirmant qu’arrivée à Paris, elle s’est prostituée dans ledit milieu interlope SM chic, parfois pour des sommes rondelettes qui feraient pâlir le moindre intermittent de TF1 et que, de temps en temps, pour « rester en forme dans les pratiques et fuir la dépression », elle assure accomplir une passe ou deux. Guy m’a fait remarquer que l’apparence demeure trompeuse. Derrière ses gros sabots, la précieuse a comme ambition de réussir coûte que coûte, et surtout utiliser les stratagèmes de sa classe : se marier avec un homme plus âgé, installé et assez riche pour exaucer ses passions diversifiées dont la plus avouable reste la défense de sa propre cause. Il a connu un prototype similaire parmi ses amis mâles.

Victoire des néo-rebelles, 6 mai 2012, Bastille (LSR)
Un brin naïf, j’ai déridé mes jolies moralines antérieures. Guy m’y a aidé en évoquant quelques garçons bien nés qui agissent exactement de la même façon, ajoutant même que tous, filles et garçons de cette engeance, accomplissent la seule égalité entre les sexes qui soit aujourd’hui : et ils vont vous donner des leçons de morale entre deux michetonnages vraiment tarifés, vous délivrer les idées de gauche les plus en vue véhiculées par l’éco-socialisme, puis aborder les causeries sur tel peuple injustement détruit par l’usage abusif du sac plastique dans nos sociétés occidentales et finir forcément par fulminer contre Nicolas Sarkozy. Pour enfoncer le clou d’une soirée pétroleuse entre jeunes gens bien nés, ils vont finir par vanter les mérites de l’écologie politique comme clef de voute contre le « jacobinisme » de tous « les ancêtres vivants » que nous serions nous autres devenus.

C’est qu’avec eux, il faut le répéter chaque fois que nécessaire, si l’on critique même très légèrement l’Europe, ou l’extinction des frontières par Schengen, l’irréductible imbécilité des politiques économiques, la fin de la protection sociale à la française, ou l’utilisation de la main d’œuvre étrangère pour dompter tous les salariés, ou encore l’ineptie olfactive des thématiques anticapitalistes, très vite on se trouvera qualifiés de « fascistes ». Bref, nous avons là tout un monde, tout un nouveau monde, pour reprendre leur recherche d’éclectisme tonitruant (n’était-ce pas aussi le titre d’une tendance interne au PS ?). Bien évidemment, chez eux, cela va autant de soi qu’affirmer qu’un Château-Lafitte est meilleur que le coca, bien qu’ils n’en refusent pas le mélange « en boîte avec du whiskas », ils discutent âprement « entre potes » de la possibilité d’une VIe République et du comment militer pour, tout en travaillant dans le libéral, et en administrant « le week-end et les vacances avec des potes un gîte éco-citoyen en Bretagne à zéro déchet ».

Je ne sais pas vous, moi je me sens largué par ce monde nouveau voulu par une génération aux dents plus acérées que celle des apôtres à morale de fausses factures que sont les socialistes et umpistes alternativement au pouvoir depuis 2007 -ou plutôt qui se partagent à peine discrètement ensemble la cogestion de la triple décadence : morale, politique et économique.

J’en suis venu à ne plus me mêler de ce qui ne me regarde plus. Eloge de la fuite chère à Laborit, en quelque sorte. Pour l’heure, un bon conseil mes amis serpentins, dès qu’un rebelle autoproclamé se présente à vous :
fuyez !

Esthétisation du travailleur, ou le
trompe l'œil philistin (LSR)
La vraie rébellion, de nos jours, se situe dans le silence du lent travail, les textes sourds et lectures hurlantes, le potager de sa tambouille personnelle et un rien de conformisme de bon aloi plus singulier qu’il ne paraît : n’être que soi-même et tenter de vivre debout et libre loin, très loin de ces usagers des mœurs de putes. J’ajoute volontiers en guise de stratégie de survie : fuir comme la peste la fréquentation des bars des capitales régionales de France où la jeunesse faussement dorée des moyenne et grande bourgeoisies vous refont et « font le monde ».

Les vacances, on ne peut l’oublier, ce sont les abandons définitifs de quelques cohérences entre culture du pays où l’on naît et vit et pratiques existentielles dans la conduite des affaires collectives. En somme, et pour ne pas conclure sur le sujet, toute la recherche libérale des Lumières, à savoir la construction d’une possible harmonie entre conceptions personnelles, conceptions politiques (au sens de vie en faveur du bien commun), jeu social et morale intime est définitivement restée à la plage sous le pavé du giscardisme intellectuel contemporain balancé dans nos gueules d’ange.

LSR

 

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