Des retraités mendient dans les transports publics... survivre ou mourir


La force des mots passe par ses sous-tensions et sous-entendus. Klemperer, Mauthner et Bakhtine ont relevé toutes les strates de la part d’idéologie portée par un peuple dans sa langue.

Dans les transports publics, une nouvelle catégorie de mendiants circule en quête de quelques euros : les retraités. Habillés avec soin, ils s’excusent et restent brefs dans leurs demandes énoncées à voix intimidées. Le mot est lui aussi incroyable de réalité : « (…) j’ai travaillé toute ma vie, mais ma retraite ne me permet plus de vivre décemment (…) ».

Travailler « toute sa vie » pour en arriver là….

Ne pas pouvoir « vivre décemment », c’est-à-dire subvenir au minimum vital, confine en un tourment généralisé.

Des Français sont réduits à tendre la main. D’autres retraités, plus nombreux, vont aux soupes populaires des associations caritatives, se fournissent en vêtements déjà portés. Ils n’ont plus même l’occasion de se révolter. L’effondrement moral les tient en bandoulière. Certains se tuent, les fameux « incidents voyageurs » de la SNCF…

« Toute sa vie » travailler ne souffre d’aucun commentaire en soi. En revanche, ce mot verbalisé en public par des êtres de char signifie la déchéance la plus complète d’un système social structurellement homicidé par nos édiles inconscients et pervers.

La retraite était le sésame pour finir son existence un peu apaisé, pour rencontrer le copains au bistrot, pour voyager, pour lire, se soigner et en faire profiter un peu ses petits-enfants. Aujourd’hui, la retraite n’est pas qu’une réforme, une protection face un risque de la vie, selon le point de vue du droit institutionnel qu’est la Sécurité sociale. Ce ne sont pas des chiffres, un « trou » dans son financement. La retraite n’est plus un mot, ce sont des morts en sursis.

Quand vous croiserez un retraité qui tend la main dans le métro, interrogez-vous sur notre propre existence sociale, sur notre propre politique.

Notre à-venir est bien sombre. Victor Klemperer, quand il décrit l'intériorisation de la souffrance politique de l'Allemagne d'avant-guerre dans son ouvrage LTI - La langue du Troisième Reich. Carnets d'un philologue (1947), remarque le traitement, par les vieux, de l'organicité des mots du vocabulaire politique du moment. Les visages se devinent, la douleur est. Notre responsabilité n'est pas inédite. Un long serpent de l'histoire repasse les plats.

LSR

 

 

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