La vie est la pire des vacheries, par Patrice
C'est la vie qui fait peur.
Ne pas croire, ne jamais croire que ce sera facile, que
l'on a été propulsé là pour notre bonheur et que nous en avons la maîtrise.
Illusoire tout ça !
La vie est la pire des vacheries.
En embuscade elle vous attend, comme au coin du bois.
Bien sûr que non que vous n'y êtes préparé… Il faut être prêt à la parade.
C'est un combat où l'on ne voit pas venir les coups. Se lever le matin, c'est
déjà prêté le flanc, s'offrir à l'attaque vicieuse. Ne la sentez-vous pas venir
quelquefois ? Un peu lourd, un peu pas comme il faut, dans son assiette ?
C'est un signe ! Au moins soyez prêts à parer le coup et surtout, attendez-vous-y !
Se lever en forme, le sourire aux lèvres ? Ce n'est pas un signe mais il
n'empêche, vous êtes la cible, vous vous offrez. Ce sera dans ce cas encore
pire, la surprise sera totale, foudroyante. Vous ne pouvez préjuger de rien.
Attention à la déception… Vous n'êtes pas là pour votre plaisir, juste pour en
baver. Il n'y a pas de rédemption, ce serait trop simple : le bonheur et
la joie à l'infini, faut pas rêver.
Il n'y a pas de hasard, de chance, il n'y a que notre
vulnérabilité offerte comme une plaine rase à l'attaque. Ceux qui vous disent
le contraire sont soit innocents, soit de mauvaise foi. Ou alors, ils ne
s'observent pas, ils ne font pas attention. Et ils s'étonnent ?
Oh, ce n'est pas toujours grave : la cafetière qui
tombe en panne, le rasoir qui est foutu, pas d'eau chaude, une grève du métro
ou la voiture qui ne démarre pas. Ça, ce n'est rien, le pire est toujours
possible… Commencer une journée, c'est mettre un pied en terrain hostile.
Sachez-le ! Partir méfiant, au moins on n'est surpris qu'à moitié.
C’est quand on arrive au bout qu’on se dit que la
dernière vacherie sera libératoire et je ne suis pas sûr que la vie le sache.
Ce jour-là, on gagne !
Les optimistes ? Les gonflés de leur suffisance,
de leur autocontrôle, de leurs certitudes ? Oui, ça existe, mais jusqu'à
quand ? Ils leurrent l'adversaire pour un temps, mais que prépare leur
patron dans leur dos ? Quelle tâche vont-ils avoir à accomplir qu'ils sont
sûrs de remplir de façon optimale ? Sont-ils si sûrs qu'ils ne vont rien
oublier et que ça leur retombera sur le nez ? Si tout va à peu près bien
au travail, qu'en sera-t-il en dehors de ça ? Des années cela peut durer
et puis, patatras, la tuile, la maladie sournoise qui vous tombe dessus ou
l'accident. Pourtant, vous aviez tout prévu, tout contrôlé…
La vie est une vacherie sinon nous serions déjà trop
nombreux sur terre. Ceux qui se retrouvent pris dans un tremblement de terre ou
une guerre savaient que cela existait. Ils n'y pensaient pas. On ne peut pas
vivre en ne pensant qu'à ça… Nous sommes offerts en victimes même pas
expiatoires, juste en cibles. On ne peut pas dire qu'on souhaitait le malheur
et pourtant on sait qu'il est là. Ça permet de relativiser la vie de tous les
jours. Savoir qu'on n'est pas peinard, ça donne aussi conscience de soi. Ça
devrait permettre de vivre mieux ensemble, mais pensez donc ! Un jour à
toi, un jour à moi, c'est comme cela que ça se répartit, donc pas de
privilégiés, pas de nantis. Il suffit de voir dans les hôpitaux : tous
touchés ! Egalité partout et on continue. Le plaisir ? Un leurre !
Un trompe-couillons, il faut le savoir. Le bonheur ? Il ne vient qu'avec
le plaisir. C'est parcimonieux le bonheur…
Allez, le monde avance en ânonnant, en toussant, en
espérant. Belle invention que l'espoir !
Patrice C.
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