Les vacances, c'est chouette comme une répétition, par Patrice
La France part en vacances.
Les journalistes, dans leur jargon professionnel,
appellent cela un marronnier, s’agissant des non événements bien que récurrents
qui se reproduisent à intervalles et à occasions réguliers et qu’ils ne
manquent pas de mettre en exergue. J’en suis d’autant plus étonné qu’ils disent
aussi que seuls les trains qui n’arrivent pas à l’heure présentent de l’intérêt
à la fois pour la curiosité du lecteur et pour l’effet de surprise qui seul
mérite qu’on en parle. Il faudrait donc être cohérent. Qui des banalités
saisonnières ou des imprévus présentent de l’intérêt ?
C’est à la fois faire peu de cas de ce qu’attend le
lecteur et admettre qu’on ne le connaît pas si bien que cela. Il n’empêche, on
lui assène les mêmes poncifs, les départs (et
les retours pourtant évidents) de vacances, la pluie, le froid, la chaleur
(tellement attendue qu’elle en devient
honnie quand elle se présente, car quand c’est trop, c’est trop)
récalcitrants et indestructibles à longueur d’année.
Finalement, on n’apprend rien à personne. On est par
contre parfaitement en phase avec le vécu, l’attendu et la tranquillité du
lecteur qui doit pourtant normalement s’attendre à trouver autre chose que ce
qu’il peut constater par lui-même dans le journal qu’il vient d’acheter. Il est
vrai qu’on achète chaque jour son pain et qu’on espère bien qu’il n’aura pas
changé de goût… On peut penser que le lecteur attend également des informations
qui n’en sont pas et, surtout, qui ne le déstabilisent pas et ne perturbent pas
sa vie.
En plus de ne rien lui apprendre, ce qui serait le
comble de la prétention, on replonge le lecteur dans les mêmes miasmes annuels
de façon à ce qu’il ne se sente pas dépaysé. On le rassure lorsqu’il se
retrouve avec ses semblables dans les mêmes endroits, aux mêmes moments et
qu’il s’y attendait alors qu’ils détestent ça. On fait en quelque sorte famille.
Les journalistes s’approprient les gens comme étant leurs lecteurs, appellation
étendue à leurs téléspectateurs, c’est-à-dire ceux qu’ils retrouvent, avec qui
ils entretiennent une relation durable sans autre finalité que d’être ensemble
dans les grandes occasions.
« Ne quittez
pas, nous sommes ensemble pour les douze heures que va durer votre voyage
jusqu’aux rives de la Méditerranée. »
On pourrait presque ajouter : « Merci de nous être fidèles chaque année sur
l’autoroute A6. »
Dans les journaux qu’on achète dans les halls de gare,
on retrouve la photo de l’affluence de l’an dernier à la même heure. Avec un
peu de chance, « on est
dessus ! ».
Parler du temps est pomme de discorde et cas de divorce
entre le lecteur et la presse. Rien de pire que d’annoncer au lecteur qu’il va
pleuvoir lorsqu’il part en vacances !
N’allez pas lui dire qu’il va rouler pendant au moins six
heures sous la pluie ou qu’il va se faire doucher en descendant du train… C’est
pas chromo du tout ! A partir de demain 2 août, vous pourrez lui parler d’apéro
festif entre voisins de camping. C’est rituel, ça décontracte et ça change du
Tranxène quotidien. Eventuellement, ça fait oublier qu’il pleut.
Patrice C.
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