La France, un pays à l'âme grise dans des shorts kaki


Une propagande bien orchestrée par le lieu-commun.

Qu’il est doux de passer par la case bar, rue, train ou activité associative. On y entend des vertes et des mûres pour le pire. Les langues se délient plus facilement qu’avant, dans notre période politique épique. Normal, avec un « président normal », tout le monde pense qu’en disant du mal de lui, l’humeur majoritaire demeure écrasante. Parler de lui ouvre des discussions ; c’était déjà le cas du mari de Carla Bruni. Faute de cohérence dans la direction souveraine du pays, les derniers salons où l’on cause évoquent les vies et vices privées des uns et font primer le slogan sur l’analyse.

Pêle-mêle, Hollande fait rire jaune, puis l’on passe très vite à Nico Ier, l’Allemagne, le foot, le racisme :

- On n’aime pas les riches au gouvernement…
- il a fait fuir les riches, les créateurs d’entreprises…
- on peut critiquer Nicolas Sarkozy, mais lui au moins savait y faire pour faire venir l’emploi…
- en Allemagne, c’est la discipline et tout le monde travaille, pas comme en France…
- quand on va à Paris, ça se comprend le racisme… ils veulent rien faire pour le pays… ils trafiquent, ils bossent pas…
- les frontières sont des passoires sauf en foot. En Allemagne, ils sont efficaces, ils aiment leur pays…
- et puis la misère ici, elle grimpe… on peut faire des études et on s’en sort pas… ma fille a fait un BTS, depuis son divorce, je suis obligé de l’aider chaque fin du mois…
- qui va nous donner du travail à la France... même Sarkozy, s’il revient, pourra plus : Hollande a fait partir les riches…
- tout ça sent la guerre… c’est triste à dire, mais ça remettra les pendules à l’heure et mettra la France sur de meilleurs rails…
Etc, etc...

Evidemment, ce florilège de choses entendues en une seule journée pourrait nous livrer un résumé de la beaufitude la plus éculée. Mais nous aurions grand tort de juger ainsi. Les belles âmes des beaux salons politiques de gauche ne veulent pas entendre ce que renferment ces propos de peurs et impuissances sous-jacentes. D’involution historique, surtout ! Certes, la plupart de ceux qui les tiennent, du moins à ce que j’en sais, sont salariés, retraités, ont une bicoque dont ils sont fiers, une ou deux voitures qu’ils bichonnent mieux qu’un bébé, aiment les animaux, prennent quelques jours de vacances deux fois l’an et ont tout voté… à gauche en 81, à droite ensuite et, de en temps en temps encore à gauche, mais aussi FN (aujourd’hui, on le proclame sans se cacher, sans toutefois espérer plus que cela d’un tel parti arrivé au pouvoir). L’écologie, quand elle est à la mode, les entraîne parfois à voter pour les Verts-de-gris. D’ailleurs, l’humeur générale du pays, il me semble, est grise et verte, grise et kaki comme les tenues estivales bariolées et légères.

Mon ressenti le plus profond, en écoutant de tels propos – que faire d’autre qu’écouter ? Répondre en vain, perte de salive tellement les gens sont bornés sur leurs vues arrêtées – est que toute cette doxa mêlée à l’impolitesse et l’incivilité ambiantes flirtent avec l’esprit de scission, le conservatisme le plus étriqué et, plus encore, conforte la victoire d’un bain de propagande du lieu-commun le plus décervelant.

Le militantisme politique est devenu si grégaire, si marqué par la seule foi à défaut de réflexions, d’analyses des situations concrètes et d’un certain sens du bon sens historique que les pièces les plus ravaudées circulent à qui mieux-mieux dans la population comme la peste se répand par la toux. Il suffit de croiser un militant de gauche, du PC au PS, du PG au POI, du NPA aux Verts, et on devine dès le premier sujet et le premier verbe ce que seront les compléments, puis les phrases suivantes. Chez ces gens-là, Mesdames, Messieurs, on ne pense plus, on récite des éléments de langage, on ânonne des tracts de circonstance comme le dernier Mermet venu.

Etonnez-vous après que l’on puisse entendre partout ce qui précède, et pire bien plus souvent !? Face à la foi du militant, qui espère toujours une parcelle de bonheur sur terre en étant reconnu un jour pour glaner un maroquin municipal (quintessence de leur existence de fantômes), la population n’est pas dupe de l’impuissance des partis au pouvoir (ou ceux justifiant ces premiers comme les NPA, POI, LO et compagnie), de leurs jeux de rôle basiques, de l’absence de perspectives historiques durables qu’ils (ne) proposent (pas), de leurs goûts, comme eux-mêmes, de l’étiquette et de la reconnaissance par le vide.

Pendant ce temps progresse un autre état de l’esprit : la peur du lendemain, la peur de l’autre, la peur de perdre ses biens matériels puisqu’il ne reste que cela dans le vide spirituel des existences françaises… et nous voyons s’attiser réciproquement des militants de tous bords, de droite et de gauche qui, main dans la main, rendent débile tout projet politique.

LSR

 

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