Les aujourd'huis sont plus lourds encore des demains du chaos


Pourquoi le chaos est-il notre horizon d’attente en France ?

Les plaintes survolent les têtes des dirigeants des oligarchies transmondialistes. Pour eux, dilués dans toutes les superstructures de l’institution entrepreneuriale et étatique, il suffit d’agiter un levier pour apaiser toute putative dissidence. Leur principal levier est constitué des marionnettes politiques placées aux manettes des pouvoirs contingents. Leur agitation, leurs fonctionnalités strictement communicationnelles vis-à-vis du peuple embrouillé dans sa quotidienneté, n’a rien d’une sinécure. Agir en pantin sous l’empire des oligarques et de la doxa (second levier des vrais dirigeants véhiculé par des intellectuels organiques aux ordres) confine à la bêtise irénique. Ils se croient au-dessus de la représentation symbolique d’un pouvoir qui ne leur appartient plus, mais ils en vivent au final très mal. Leurs tourments sont ceux de leur classe, cette portion contentée du peuple : un vide sidéral dans l’utilité historique, des amours tarifés dans la fonction sociale, une pensée de caniche répétiteur, le tout enrubanné de rendez-vous imposés qui ne sont ni plus ni moins que le versant transitif de celui du cadre d’une PME qui joue toutes les fonctions. A la nuance près qu’ils ne produisent rien d’autre qu’une ligne forgée par d’autres qu’ils cherchent à imposer à leurs mandants aveuglés par la symbolique du pouvoir.

L’oligarchie est un phénomène très connu en Russie. Depuis les travaux sur la fabrication et l’entretien de la bureaucratie militaro-industrielle menés par Cornelius Castoriadis, nous en connaissons les fonctions, l’institutionnalisation et les modes de recrutement. Sans oublier l’empire qui se construit sous son égide. Ce système s’est écroulé dans les bassesses et les tourments des jeux avec les libertés individuelles et collectives ; d’autres oligarques se sont emparés des rênes.

Le capitalisme a sauté le pas dans les années 1990. Facile. Une fois les blocs dissous dans le quatrième repartage du monde, le capitalisme paternel, familial ou patrimonial de nos sociétés occidentales libérales a semblé un frein aux consortiums pour dominer davantage. Une à une, les activités productives ont été accaparées par des groupes financiers internationaux qui ont préféré délaisser le contrôle strict de la production industrielle en utilisant le nouveau temps de contrôle instantané possible de la décision, grâce à l’explosion de la technologie de l’information et de la communication. La financiarisation de l’économie domine.

Dès lors, l’Etat-providence et ses barrières protectrices et fondées sur une solidarité minimale (protection sociale de base, protection salariale par la généralisation du salariat, fonction publique extensive au besoin des politiques keynésiennes choisies dans l’immédiat après-guerre…) ont semblé des freins à l’expansion des consortiums et à leur lutte sans pitié entre eux. Ceux constitués sur des Etats comme mannes se sont très vite, dans les années 2000, adapté à la situation de la financiarisation de l’économie globalisée et de la guerre acharnée que les fonds de pension mènent contre les consortiums issus d’anciennes firmes des secteurs comme l’aéronautique, l’automobile, l’armement, la pharmacie… La rentabilité à court et moyen terme est devenue la seule obligation sur le marché d’ailleurs des obligations en peine à suivre les têtes du CAC 40, du Dow Jones ou du NASDAQ, entre autres. Le marché des devises (ou encore du court de l'indice industriel) a vu d’autres marchés s’amplifier et arracher les cheveux des investisseurs dans les choix irrationnels à mener : le marché des transports planétaires, le marché des hydrocarbures et surtout le marché des céréales qui demeure encore aujourd’hui un marché discret mais hautement spéculatif et générateur de profits immédiats qui refaçonnent la géographie de la planète.

Au sein des Etats nationaux fondateurs de la révolution industrielle, à partir du moment où les frontières s’estompèrent, sous l’injonction des principes de « libre circulation des biens et marchandises » dans un système « concurrentiel et non faussé », une sorte de repartage des tissus productifs s’est opéré entre zones conquises à ses idéaux.

Ainsi, en Europe continentale, l’Allemagne a conservé son industrie lourde et étendu son secteur agroalimentaire industrialisé pendant que la France opposait porte close à ses anciennes sidérurgies et aciéries, développant les services, le tourisme sans vraiment accroître un souci volontaire en faveur des PME et PMI, mixant comme à son habitude deux, trois modèles économiques et en en faisant ressortir chacun des aspects positifs et bien davantage surtout ses aspects négatifs.

Au Royaume-Uni, il fallut sacrifier l’industrie rendue obsolète par son antériorité historique et coûteuse soit dans sa refondation, soit dans sa rénovation ; il a donc été décidé d’en conserver des bribes mais en premier lieu de construire la financiarisation de l’économie.

Les économies des pays du Sud de l’Europe (Espagne, Italie, Portugal…) après un temps de latence et d’affrontements entre des stratégies capitalistiques qui s’accomplissaient sur leurs dos, ont amplifié leurs investissements sur leurs économies traditionnelles (fruits et légumes, vinification, textile, papèterie, pêche…) en organisant une production bon marché et intensive, abaissant les salaires, favorisant la pénurie des pays tiers et maintenant avec rigueur une politique de mutualisation avec les firmes des transports routiers et maritimes, notamment sous contrôle originairement britannique.

Si la France connaît les difficultés qu’on lui impute en permanence dans les débats internes, c’est parce que ses dirigeants aux ordres ont orchestré le démantèlement de son industrie pour transformer le pays en un vaste champ de visites, une sorte de musée à ciel ouvert pour le continent mais sans jamais l’affirmer, en faisant croire qu’on maintiendrait les secteurs primaire et secondaire. Plus que d’autres pantins parmi les maires du palais des oligarques, les dirigeants politiques et économiques français aux petons d’argile, ont vendu la France à des consortiums au prétexte de contrats sur lesquels ces derniers se sont immédiatement assis, cédant à toutes leurs exigences, les anticipant même !, satisfaisant un sentiment de vide politique, de sidération de son peuple face à l’absence de perspectives et d’horizon d’action et d’attente générale. La félonie des représentants des deux bords, droite-gauche, accuse à la fois une présomption de naïveté coupable et d’enrichissement sénile sur le dos de la bête régalienne.

La France, devant l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, L’Espagne, le Bénélux, etc., est devenue le ventre-mou de l’Europe économique. Sa fragilité ne tient pas tant dans son taux de chômage parmi sa population active et sa misère galopante (environ 9 millions de pauvre en 2014, si l’on réalise une moyenne des données chiffrées de l’OIT, d’Eurostat et de l’INSEE), mais dans une hypocrisie fondamentale entre les politiques socio-démocrates de droite-gauche et des discours insipides tenus main sur le cœur et la réalité de leur infinie impossibilité de gouverner de manière a minima souveraine le pays et ses rouages. Certes, l’institution administrative est tenue, les fonctions régaliennes encore en mesure de faire croire que la pression des attentats peut être contenue, mais chacun pressent que l’implosion boue au sein du brouet au fond de la cornue, brouet craché par cent postures, cent irrésolutions, cent projections imbéciles dans les années 1980 pour les cinquante années suivantes.

Les oligarques ont commis une faute lourde envers la France. Son peuple est fier, porteur d’une histoire nationale fondée sur une vocation universaliste forgée dès l’Ancien Régime ; depuis le début de la présente décennie, la France est le second pays au monde à posséder le plus grand nombre de kilomètres carrés d’espace, par ses mers et ses territoires sur l’ensemble de la planète. Son peuple le sait. Progressivement, bien qu’apathique et rondement auto-satisfait dès lors qu’ils possèdent des objets et peut consommer d’inutiles biens grossiers, il reste coi, ou bien bronche dans les brancards des assemblées stupéfiantes des institutions de la Ve République. Sans projet, sans horizon d’attente, précarisé économiquement dans sa vie de tous les jours, dans son travail idéologique pour inverser la tendance, le peuple roule gentiment vers la sécession. Voire une paisible dissidence. L’oligarchie nationale ne trouve plus ses champions capables de faire croire au peuple le maintien du régime à terme. C’est pourquoi, de temps à autre, on nous ressert alternativement des brèves du comptoir de la nostalgie directoriale : Pompidou, Chirac, Mitterrand. Le casting avec Giscard a servi un peu, mais assez mal. Celui avec Chirac a maintenu une sorte de dignité représentative pour maintenir le chaos démarrant dans des cordes finement tressées à cet objectif. Avec Sarkozy-Royal, ou Sarkozy-Hollande et les seconds couteaux derrières ces champions, les oligarques ont fait des calculs de princesses bonapartistes trop sûres d’elles-mêmes. Pourquoi ?

L’une des raisons identifiables fut la facilité avec laquelle la France a tôt fait de renier ses principes républicains fondateurs pour n’en laisser qu’une trace principielle destinée à la galerie mondiale. Béats, les oligarques nationaux ont pu constater combien la France secouait le menton à la face des rivaux dans des déclarations intempestives, anticipait surtout la déréglementation et la fuite en avant dans les impératifs pourtant initialement prévus à moyen terme : abolition de la souveraineté nationale et dilution dans la cause européenne sous domination de l’Allemagne (croyant pouvoir rivaliser contre elle sur ce terrain), transformation accélérée d’un ordre juridique plus ou moins sécurisé en une hypertrophie de mixages entre principes coutumiers de la Lex mercatoria, principes anglo-saxons, législations abusives et contradictoires et représentation politique caractérisée par son insignifiance aussi paradoxale qu’elle fut enrôlée tel le joujou principal d’une fiction de tête pensante pour le destin du « peuple politique » de France.

Supercherie, abus de pouvoir ou éthylisme pathétique de l’élite cramoisie dans les dorures de ses illusions ? Que nenni. Il suffit de les observer haranguer les voix, de les écouter cinq minutes pour saisir leur inanité, leur culture même politique réduite à la queue du Mickey. Il suffit encore de regarder leur regard vide quand ils sortent d’une voiture de fonction : la joie d’être là, the place to be, pour comprendre qu’ils ont conscience malheureuse de ce à quoi ils œuvrent. Rien, sinon les affres des componctions mièvres et de confiance inerte que leur confie le peuple. Ce ne sont plus ni des nains ni des clowns mais bel et bien de dangereux conservateurs de la primitivité sociale-historique, en dignes représentants d’une gouvernance dictée par les critères de la peur et la volonté de puissance.

Les oligarques ne s’en laisseront plus conter très longtemps de ces invraisemblables plans pour poursuivre la voie incertaine dans laquelle nous nous trouvons nationalement. La trame, déjà, du schéma choisi pour conduire la politique de la France est largement actée par les manœuvres des « socialistes » de cour : état d’urgence, communications, stratégie de neutralisation des alternatives économiques, projets de lois provocatrices présentés à tire-flanc afin de voir ce qu’il peut ensuite en rester après les palabres, art de la dissimulation des légistes européens à la manœuvre dans nos cabinets ministériels, extension des jeux et du pain pour drainer les pulsions partisanes, absorption de toute critique journalistique à une pensée unique, reproduction du même permanente…

Les oligarques se contenteront-ils encore de promouvoir des amateurs mal éclairés pour mener à bien les coupes réglés du pays sur le marché anarchiste planétaire ? Pas sûr. Peut-être faudra-il rejoindre les humeurs pestilentielles des temps maudits pour que les rênes régaliennes soient incarnées par des représentants forts. L’histoire nous le dira suffisamment vite. Les oligarques disposant de la maîtrise du temps, ils recherchent d'évidence à accélérer le rythme voulu par leurs anonymes (et dilués) actionnaires principaux. En échange, nous, le peuple, accepterons-nous de marcher à quatre pattes sur les épines de cette voie qu’on nous impose ?

LSR

 

 

 

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