Où Lady Long Solo paie et part (15), par Raoul Bidard


Flirt avec la morgue branchitude.

-Paraît que tu pars…
-Ouais. Je bouge.
-Vers où ?

Jésus Bellegueule à peine revenu de Los Angeles, se remet à débiter son passeport en autant de timbres.

-Maroc.
-Un plan came zique ?
-Plutôt fabuleux : je compte ramener le premier Lp d’un combo d’électro jazz rap.

Jésus Bellegueule, en plans musicaux, il est fortiche. Pas deux comme lui.

Lady Long Solo surgit. Attablés au troquet, Douby et Jésus entament déjà leur troisième Martini sans rock. Ils fument des Craven A. Bellegueule les a ramenées de LA. C’est redevenu le clope du rocker. Dans le show parisien, faut pas s’en laisser conter mais en montrer. On en a. Des trucs de fous. Des trucs qui reviennent aussi vite qu’on les avait cru disparus. Joseph Pedlock les fumait, les gobait et Gainsbourg les chantait. Rien ne part en fumée.

-Mes bons amis, sur quel sujet puis-je vous assister ? Convoquée par deux alcooliques mondains ne me déplaît pas, mais j’ai un petit papier à rédiger sur la biographie de Boutang… un café pour moi, merci.

-Toujours dans l’inutile et le sous-payé, jolie Lady, à ce que je constate. Douby porte une pensée précaire avec fierté comme un CV dans la bouche. Ses études de langues l’ont naturellement mené au petit commerce. Ainsi va la vie…

-Sans livre, tu n’es rien, Douby. Ta copine t’a quitté, t’es tellement bas du front, mon pauvre. Tu bois à 10 heures du matin, à midi tu t’écroules. Et tu veux me donner des leçons à moi…

-Arrêtez tout, les vieux amants, insiste Jésus Bellegueule aux deux ennemis de toujours.

Lady Long Solo déplore une fois encore la stérilité des plaisanteries du mâle parisien. Dans le XIème, la blague pèse son pesant de silos à houblon.

Dans le bar, The Dandy Warhols come down… les voix saturent sur un train de vapeur. Les filles s’ébrouent tout à coup sur la terrasse. L’extase les transperce. Deux soulèvent leurs cils et bombent des torses vanillés. La matinée enfle. Jolly Jumper, aux anges, l’employé qui vous sert plus vite qu’une frappe des quatre chiffres de la machine à cartes bleues, revient chargé de verres. A cet instant, Lady Long Solo commence le plus sérieusement du monde à se persuader qu’elle ferait mieux de privilégier les salons de thé. Marre des bars. Ces ambiances sont si pathétiques où tous se croient connectés avec le tout-venant du big deal mondialisé.

-Mes chers messieurs, je vais donc vous laisser deviser sur le sens des affaires et la beauté des dollars que tu ramènes, Jésus.

La Lady avale son petit noir, paie, se lève et quitte l’espace de convivialité sans demander sa monnaie. En affranchie, elle ne pense déjà plus à cet épisode. Des pages à tourner, des lignes à écrire, oui.

Raoul Bidard

 

 

 

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