Il Cavaliere, la presse française et la privatisation généralisée de l'homme




Nous voici embarqués dans les humeurs italiennes. La presse française s’interroge unanimement sur le parcours de Il Cavaliere aka Silvio B., maffiosi de grand talent, condamné à une peine de prison qu’il ne purgera de toute façon jamais. Il lui reste un procès en appel pour avoir mené des relations tarifées avec une mineure et je ne sais quoi d’autres parmi ses frasques. Le Figaro, ce matin, proposait une interview avec un professeur milanais d’histoire assez sauvage : Berlusconi aurait été un authentique libéral au début de sa carrière d’homme d’Etat et aurait souhaité sincèrement mettre sur de bons rails l’Italie dans la modernisation de la démocratie et l’économie concurrentielle… mais ce sont les juges qui, étatisme outrecuidant oblige, l’en ont empêché en le tracassant sans cesse, ce qui eut tôt fait de l’accaparer plutôt que de conduire la politique qu’il devait mener pour l’intérêt du pays. Mon dieu ! Oublions le nom de cet universitaire à l’idiotie sacramentelle et concentrons-nous un peu sur ce que cet épisode nous dit du monde. L’Italie se trouve à la veille d’un enfoncement généralisé de son économie productive. Le niveau de vie de la population baisse, les prix flambent et, hier, la Cour de cassation a rendu une décision juste, tempérée, respectueuse de la législation, allant même jusqu’à réduire, contre l’argutie de la procurature d’interdire à l’ex président du Conseil tout mandat durant cinq ans, ramenant de un à trois ans son inéligibilité encore à évaluer. Le sénateur devra, ou pas à l’issue d’un débat interne à l’assemblée, abandonner son mandat protecteur. Les hautes cours, en Italie, sont scrupuleuses en matière de droits et libertés publiques et privées. Contrairement à la communication délétère des sbires de Berlusconi, les magistrats ne sont pas des « rouges », des « marxistes » des « agités » ou autres rebelles aux autorités politiques. Ce sont la plupart du temps des hommes et des femmes indépendants, à la fois techniciens et bons connaisseurs de leur histoire du droit. Et ce n’est pas rien pour motiver une décision. De toute manière, toute décision est toujours critiquable, toute décision est sujette à révision, sauf si elle ressort d’une haute cour non frappée d’appel, en somme d’une décision irrévocable. En l’espèce de la décision prise hier, il s’agit de fraude fiscale au profit du groupe de communication et d’édition du Cavaliere pour près de plusieurs millions d’euros, tout de même. Ce qui retient presque une forme d’agacement, à la lecture de notre propre presse nationale, c’est la disposition générale à jeter l’ex avec le bain dans lequel marine chaque politique nationale en Europe. Parce que l’individu moderne s’est lui-même privatisé, retiré de la gestion des affaires publiques, il s’en est suivi, un peu partout, quelques malins industriels, condottieres ou hommes d’affaires qui ont reniflé à temps la possibilité, pour eux, non plus de déléguer en sous-main quelques fantômes issus du sérail politique, mais d’aller se frotter directement au suffrage et la direction des affaires publiques. Nul étonnement qu’ensuite, pour voir leurs affaires en propre prospérer, que leurs actions politiques de gouvernement aient été fondées sur l’accaparement des moyens publics et privés dont ils disposent pour privatiser la politique elle-même et la rendre servile à leurs seuls intérêts et calculs instrumentaux. Qu’est-ce qui choque donc notre presse brossant des portraits négatifs de Berlusconi, sur ses blagues racialistes, ses comportements sexuels, son sens des affaires observé par le petit bout de la lorgnette comme sait le faire une certaine presse innocemment moralisatrice. Quelques journalistes italiens avaient depuis longtemps mis en avant l’accent sur le personnage dans sa gestion des affaires publiques imbriquées dans ses affaires entrepreneuriales. Mais cela est aujourd’hui quelque peu omis par chez nous, pour ne retenir que le superflu. Il faudrait derechef exercer ce même type d’enquêtes avec nos élus nationaux et leurs parfaites représentativités de ce qui fut et est de la politique depuis les années cinquante. C’est à peu près la date que donne, pour fixer les idées, le philosophe et psychanalyste Cornelius Castoriadis pour mentionner le début de l’ère d’insignifiance qui taraude l’ensemble de la vie politique, sociale et intellectuelle qui s’est instaurée durablement dans la reconstitution-décomposition du capitalisme libéral vers un capitalisme de sauvageons dont les principales bénéficiaires sont les oligarques de toutes les sortes : firmes, groupes de communication, politiques aux ordres, etc. Autant dire un chaos se séparant de plus en plus de la démocratie.
 
 
LSR.
 
 

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