Ce qu'on dit des journalistes dans les bibliothèques de province


Aucun répit pour les journalistes.

Les rédactions en folie n’en finissent pas de s’adonner à la répétition. Répéter à l’envi le sujet du jour. L’esbroufe dure de un à trois jours. Pas plus. Ensuite, on invite à se pencher sur un autre sujet. La boucle s’enferme dans la boucle suivante.

Les téléspectateurs, auditeurs et lecteurs ne sont plus dupes depuis très longtemps. Ils ont cependant besoin de se sentir appartenir au monde. Alors ils écoutent, regardent et lisent les infos d’un air maussade.

Je délivre une petite anecdote datée d’hier. Elle illustre la doxa du bon peuple averti.

Dans une bibliothèque animée de bénévoles, je discutais (donc hier) avec une dame qui m’interpellait sur la question de mes considérants littéraires au regard de l’état du monde. Je lui en ai filée une petite giclée, du genre des propos tenus ici sur L’Atelier du Serpent rouge.

Un instant, je reprends mon souffle, me prends à vouloir passer à autre chose imaginant que mes modestes thèses seraient trop radicales ou embêtantes… que nenni ! La dame a paru plus radicale. Lectrice et auditrice assidue de la presse en folie (comme des romans courants), elle a proféré des propos et analyses plus expéditives et assassines que LSR et Patrice réunis.

Les journalistes de tout sexe, de tous les supports et de toutes les rédactions sont bel et bien appréciés pour ce qu’ils sont : des catins sans cervelle, pas conscientes pour deux euros de leurs inepties et leur manque de recul face aux poussières de l'instant et du pouvoir (vaguement) temporel (temporaire aussi, par la même occasion).

Je veux compléter, la dame ne m’en laisse pas l’occasion. Pour elle, le pompon du popotin trémoussant dans le néant revient, dans l’ordre, aux éditorialistes de toutes les obédiences (« un jeu de rôle à droite, ou à gauche », affirme-elle), aux journalistes politiques (« ils n’interviewent pas, ils cherchent la petite phrase »), aux spécialistes du sport et aux critiques littéraires « qui lisent à peine les livres sur lesquels ils s’extasient, vu qu’ils sont de simples rouages d’un orchestre dirigé par des boîtes de communication ».

Aucun répit. La dame s’en donne à cœur joie. Je suis réceptif.

D’autres bénévoles de ladite bibliothèque municipale y vont eux aussi de paroles similaires. Sauf une retraitée de l’Education nationale, dont le gendre (on en le sait que trop à chaque passage dans le lieu) est un écrivain et polémiste qui connaît quelquefois son petit succès quand il s’en prend à la littérature contemporaine et sa fabrication dans les sphères d’une même engeance, d’une même classe productrice. Pour elle, l’écrivain français vivant est forcément majuscule. Qu’on parle d’un livre reste forcément un gage de bienfait et de talent à s’y précipiter pour le lire : « on peut en parler entre amis ensuite »… certes, parlons-en… mais vite…

Dépit généralisé, avec les sourires de circonstance et un bon mot pour faire passer la pilule de la dame qui est restée dans une salle de classe depuis la maternelle. Les autres s’empressent d’aller dans son sens malgré tout, mais en conservant un état critique, et toujours fustigeant les journalistes « déformés par la technique », « mal formés » par des écoles qui ne goûtent plus guère à un recrutement initiale dans la filière littéraire, sinon la série L et deux éventuelles années de fac en communication, économie numérique, etc.

Aimablement, je quitte en fin stratège la conversation qui, à mon goût, commence à prendre un tour circulaire au ton badin. Inutile de m’encombrer plus avant les écoutilles. J’ai l’intention de choisir un ou deux cd de jazz et un livre pour me détendre. Je ne trouve rien qui me plaise, sinon un enregistrement de Ray Charles en concert, puis je sors pour finir ma course vélocipédique à travers les évaporations progressives du bitume chaud.

En as de la pédale dans les côtes, voici que je nous conçois par ici sur ces pages fort modérés dans nos propos en la matière, qu’il s’agit en premier lieu de notre style pénétré de la connaissance d’un milieu professionnel qui nous fait perpétrer encore un vague espoir qu’il y aurait une (éventuelle) possibilité de retour à un examen critique de la profession pour se hisser au niveau où on l’attend : informer sérieusement et de tout sans tenir les vessies des pouvoirs pour des lumières, surtout sans parti pris mais avec engagement et en toute indépendance… faire son métier, quoi !

Naïfs, nous continuerons à déployer notre sagacité sur l’insignifiance porteuse des signes du chaos. Tant que des lecteurs nous lisent, se prennent à tisser eux aussi leurs fils, nous approuvent ou s’agacent, ce n’est déjà pas si mal.

LSR

 

 

 

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