L'été de toutes les indécences en ville, par Patrice


Des Bêêêtes !

S’il vous arrive de vivre en ville, en appartement, de vous déplacer par les transports qui n’ont jamais aussi bien mérité leur nom que communs, vous êtes donc de ceux qui subissez la pression de la société que l’on ose de moins en moins appeler humaine.

J’en veux pour preuve, avec l’arrivée des beaux et chauds jours si propices à tous les laisser-aller, ce que l’on vit avec impuissance et que l’on voit revenir chaque année. Dès lors que le soleil, que l’on attend depuis des mois car il n’y a guère qu’avec le soleil que l’on retrouve un peu de joie de vivre, fait son apparition, simultanément nous avons à subir le grand laisser-aller décomplexé des organismes en délire. Le soleil doit être propice, et pas seulement à cause de la chaleur qu’il procure, à ce grand « lâchez tout » auquel on assiste dès que l’on vit dans un environnement urbain. On assiste — bien impuissant — au retour du grand défoulement sous toutes ses formes.

C’est l’époque des horreurs librement affichées en public. Sans complexe aucun, on exhibe des tenues qui n’en sont pas tant elles sont incongrues, tant on croit rêver de les voir arriver. Pourtant, c’est chaque année le même défilé de choses impossibles sur fond de viande blanchâtre. Il n’y a plus de retenu, tout semble permis.

On se demande même si cela n’est pas revendiqué comme créatif, naturel ou libre. Les shorts les plus improbables s’associent avec des t-shirts tout aussi invraisemblables, le tout sur des basquettes ou des sandales approximatives. C’est la façon qu’ont les brimés, les frustrés de dire leur haine, leur rancœur et de jeter à la face du monde leur opprobre envers la normalité et la bienséance. « Une dernière révolte ? Pour la route ? »

Le spectateur attentif et scrupuleux des normes ne peut que se sentir agressé, bousculé dans ses certitudes mais confirmé dans sa désespérance de ne jamais voir un jour plus de retenue et de bon sens affiché en même temps qu’un respect réciproque dont on peut penser à juste titre qu’il s’agirait d’un échange de bons procédés. Il n’en est rien. Les rues de Paris, qui ont fait la fierté du pays et créées l’envie du monde entier deviennent donc un genre de Barnum qui se veut — et qui l’est — chamarré mais du plus mauvais goût, celui du n’importe quoi et du « moi d’abord » égoïste mais sûr de lui. D’autant qu’il a tendance à se multiplier depuis des années et que les Grands Boulevards ressemblent plus à un égout qu’à un défilé de mode.

L’habitat n’est pas exempt des certitudes faites devises ou règles de vie. Vivre toutes fenêtres ouvertes peut devenir, contrairement à ce que l’on attendait depuis l’hiver, une punition à la fois auditive et olfactive. Toujours sans aucune honte, vos voisins bien involontaires, s’invitent ainsi chez vous pour le son et par l’odeur. Vous n’échappez donc plus aux multiples et insipides programmes de télé le soir venu alors que c’est le moment où l’on peut se croire en vacances et jouir enfin d’une journée parfois éprouvante de chaleur, alors que dans la journée c’est de musique dont on vous abreuve et il faut entendre laquelle… Pour parfaire le tout, et toujours dans une logique sociétale devenue banalité, vous êtes assailli par les odeurs de cuisine qui quelquefois se prépare sur le balcon !

Pour ce qui est de la vie près-nocturne, c’est-à-dire les soirées, vous échappez rarement au plaisir de se faire plaisir entre amis, à grands renforts de musique (et là encore, qu’entend-on par là ?) façon boîte de nuit à la maison, agrémenté de fortes conversations de plusieurs invités tout heureux d’être là pour profiter des beaux jours après une semaine de labeur. Il vous faudra donc vous enfermez chez vous comme en plein hiver et vous priver d’un plaisir légitime, car seuls ceux qui s’imposent l’emportent. On joue ouvertement au plus fort, au premier arrivé qui gagne et à celui qui écrase les autres, ce que Christopher Lasch appelle la guerre de tous contre tous. Il est hors de question, par les temps qui courent, d’aller demander poliment à ce que le volume soit revu à la baisse : on ne se présente pas seul et sans autorité officielle face à deux ou trois dizaines de personnes heureuses, sauf à vouloir faire les faits divers. Quant à la Police, il y a bien longtemps qu’elle ne se déplace plus tant qu’il n’y a pas mort d’homme… Alors vous restez claquemuré chez vous et vous souffrez en silence.

Après tout, si le monde tourne encore, c’est justement parce qu’une partie de ses habitants se taisent

Patrice C.

 

 

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