La nation contre les intérêts privatisés stériles - D. Schnapper utile à relire, par Patrice


Vigies vs guetteurs.

« Assurément, le concept de nation est, comme le disait Emile Durkheim, une idée mystique, obscure. »

Plutôt que de lanceurs d’alerte, dont on se satisfait de plus en plus, représentants autoproclamés de la société civile ou de la classe moyenne, toujours vifs et prêts à relayer des rumeurs et des opinions toutes faites concernant d’abord leur classe, leur catégorie érigée en quasi secte, leurs intérêts érigés en doxa et à pallier — croient-ils — à toutes les insuffisances de l’Etat qu’ils honnissent, car peu conformes à leurs attentes personnelles.

C’est de vigies dont nous avons besoin. Comme leur nom l’indique, de ceux chargés de veiller et d’attirer l’attention sur des situations importantes voire graves, mais aussi de faire l’analyse et la critique du moment et de la diffuser au plus grand nombre, et pas de simples guetteurs veillant d’abord à leur intérêt de caste.

Que ceux qui se retrouvent sur un piédestal y restent et y sèchent, y deviennent blettes ou servent pour le tir aux pigeons.

Il s’agit bien d’intellectuels qui sont naturellement de quart mais qui ne transmettent pas assez le fruit de leurs réflexions et, surtout, ne sont pas relayés par la presse et les médias dont on oublie trop qu’ils sont là pour ça en plus d’informer. Ce n’est pas de factuel dont nous avons besoin, trop souvent superficiel et spectaculaire, c’est de comparaisons et d’études de fond. Ce ne sont pas quelques pages éparses, dites d’« opinion », et plus souvent d’opportunités intéressées, qui doivent être le relais de ressentis élitistes ne concernant qu’une faible partie concernée par l’essentiel qu’il faut mettre en exergue.

Il faut sortir de cette soi-disant vigilance réservée où la gloire et la reconnaissance le partagent au nécessaire, au fondamental et au plus grand nombre.

L’époque est ainsi constituée que c’est son fond qu’il faut traiter. C’est dans le « dur » qu’il faut aujourd’hui trouver les solutions aux maux qui nous assaillent et construire. Il est parfaitement superfétatoire de continuer à s’intéresser à l’immédiat en l’érigeant en priorité. Cela ne relève que de la volonté de quelques-uns de se croire indispensables et utiles alors que leur démarche est par trop cosmétique, factuelle sans lendemain et intéressée par des obligations mercantiles, qu’elle manque de la réflexion nécessaire pour en faire une cause durable, un objet utile. Sans remonter sur les causes et le fond de ce qui déraille, qui faute, c’est à la reconstruction par l’instruction qu’il faut s’attaquer. Comment en revenir à l’essentiel dont découle le tout-venant si l’on se contente de deux catégories qui s’observent, se regardent mais ne se pénètrent pas, ne se complètent pas.

Il faut prendre les choses dans l’ordre chronologique de leur développement et pour finir de leur application. Comment comprendre réciproquement deux parties de la société si celles-ci s’ignorent ? Comment recoller les morceaux si ceux qui savent, ne viennent pas faire la leçon à ceux qui se sont désintéressés du savoir et donc du compris alors que des moyens technologiques existent pour combler le fossé de l’indifférence et du rejet ?

Sans reconquête de l’intérêt collectif bien compris et partagé, c’est d’indifférence donc de haine que se nourrit la société. La purge nécessaire passe par la révélation de sa nécessité et il est du pouvoir de chacun d’y participer.

Face à ce clivage qui persiste, c’est bien de nation qu’il s’agit et par-delà de démocratie, car il n’est de liberté partagée possible que dans la nation seule capable de s’opposer au clivage du nationalisme, de la fragmentation. Comme le dit Dominique Schnapper* : « La nation moderne […] se veut une communauté idéale de citoyens ; elle ne connaît que des égaux qui partagent une langue, une histoire et une volonté de vivre ensemble ; elle ignore résolument les particularités ethniques, régionales, culturelles, linguistiques, religieuses de chacun. »

Patrice C.

 

(*) Dominique Schnapper, La Communauté des citoyens, sur l’idée moderne de nation, Ed. Gallimard, « NRF-Essais », Paris, 1994 ; rééd. Folio Essais, n°427.

 

 

 

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