Le "pouvoir législatif" forme une institution sanitaire comme une autre
Les instances sanitaires vous
veulent en forme sur le mirador.
La démocratie pluraliste, dans sa
vocation hygiéniste pour la pureté
des causes justes et bonnes pensées,
a construit des édifices savamment orchestrés sur les fondements de l’équilibre, la recherche du bien commun et la position commune favorable au plus grand nombre. Autrement dit, ces
abstractions trouvent leurs larrons pratiques dans ce que l’on appelle équilibre des pouvoirs pour le premier, intérêt général pour le second et le si
doux au palais démocratie représentative
pour le troisième fondement.
Institution glaneuse de bonnes
morales et pensées communes, l’assemblée (qu’elle
soit nationale, populaire, des Lords…) s’instaure avant tout comme une
institution sanitaire tout ce qu’il y a de plus banale dans son goût pour
récurer, nettoyer, anticiper la venue des rongeurs, asperger de détergents les
égouts sinueux que les hommes vulgaires font de notre contrée spatio-naturelle
en ne désirant pas suivre de leur propre chef les règles instituées par
lesdites assemblées-de-l’œuvre-pour-tous.
Par ce sens de la perpétuation de la
Vertu exigée de tous, l’institution sanitaire organise la planification et
l’édiction des lois, créant aussi la généralisation uniforme de ses suppôts
partout.
Ainsi par exemple, homme, tu devras
t’abstenir de boire, fumer, baiser indûment, car tu te dois de mourir en grande
forme, que dis-je, en excellente santé. Sur l’amiante, si tu en es « victime », tu feras quelques procès
assortis de quelques larmes altruistes dans des articles de presse pour, au
final, récupérer une reconnaissance étatique et des dommages et intérêts. Puis tu
loueras la jurisprudence Everite
mais, ô grand jamais !, tu n’iras te plaindre de l’organisation générale
de la société et son buisson traversier nourri par la division du travail.
L’institution sanitaire qui est là
pour toi, qui est faite par toi et par tes votes pense à tout. D’abord, elle
réfléchira ton problème sécrété par la division sociale du travail. Elle en distillera
le pansement thérapeutique sur la plaie pour aussitôt colloquer sur les seuls
effets, jamais sur les causes.
L’hygiène sociale de la Fête
permanente a triomphé au tournant des années 1980-1990. La prophylaxie
politique, ardente manœuvrière à trouver des seconds à ses organes, a secondé
l’hygiène sociale en transformant chacun des sujets de sa majesté la Vertu et
le Bien réunis en farouches confesseurs de la pensée d’autrui, en augustes
bourreaux des travers du voisin, en magnifiques gardiens-psy des lupanars à
enfants-rois que sont les squares mickeyisés scolaires.
En réalité, il n’est guère utile
d’entendre avec sérieux les baisses de moral des troupes policières sur le
manque de moyens et d’effectif puisque la société du Spectacle permanent au
service de l’institution sanitaire a mis à mal la pensée autonome. La voici brisée,
menue, affadie principalement, car elle a déjoué la liberté individuelle par l’hypertrophie
de la Fête jusqu’à l’égoïsme irrédentiste, aboutissant à la pénétration des
normes du spectacle dans l’institution sanitaire elle-même.
Dès lors, les votants désirant les
bienfaits du Bien par la pratique permanente du bien-être dans les salles
faites pour ça, tous ces béats de la
charité ostentatoire, ces hardeurs de
la démocratie culbutant par nature le Mal, ont accepté de s’autocensurer.
Mieux, ils ont accepté de s’auto-discipliner et se sont enchaînés dans la joie des
lois les plus répressives qui soient : celles de la Vertu citoyenne, de
l’hygiène morale et la prière en la pensée commune. Ainsi, tout acteur de la
démocratie pluraliste et plurielle, en agitant sa communauté avec la
bénédiction des cabaretiers de l’Exécutif, a su devenir ce que l’assemblée
sanitaire désirait qu’il devienne : le
flic de l’autre, le régent du voisin, le dictateur de soi-même.
Ce n’est pas le moindre tour de
force de la démocratie d’avoir, au travers des brouillons intellectuels
médiacrates, transformé la raison sociale de vivre la politique comme si il n’y
avait plus l’ombre d’une alternative à la Démocratie et au Libre-Marché. Majuscule
réussite !
Joie infinie du triomphe du Bien
dans la bienfaisance organisée pour cautériser les maux bavards, la misère, les
suicides à raison de la division sociale du travail, couple obligé-éclaté, la maladie
du chômage et j’en passe. En bon flic du flic qu’est mon prochain, je ne
remarque plus rien. Si, si, si… un peu.
Remarquez par exemple combien nos
hygiénistes de l’assemblée représentative acceptent de relayer les vues
allégoriques des sociologues qui décrivent le chômage telle une maladie… ne vous y trompez pas,
votre député usera de remèdes miraculeux, comme le bon médecin de campagne sachant
soigner votre « perte d’emploi »
par des aides et actions sociales diligentes.
De maladie sociale point ne vaut un
bon toubib élu-assermenté démocrate
pour panser le malheur. Le Libre-Marché soufflera son lot infini de production d’antidépresseurs
de toute contenance entre deux fêtes, le vertueux élu vous ponctionnera juste
ce qu’il faut par l’intermédiaire des cotisations sociales, le droit de l’aide
et de l’action sociales perfectionnera l’idée toute faite que la crise n’est (perpétuellement) que provisoire et le Spectacle de la
télécharité, dans ses offices de subdélégué, vous infusera quelques
démonstrations de pitié larmoyante et d’entraides aseptisées.
L’intérêt général sera sauf et le bien
commun huilé sur les visages souriants des téléchanteurs à textes qui
feront s’émouvoir mémère. Pendant ce temps, les doux représentants
démocratiques auront connu la satisfaction non voilée de l’aide précieuse des
saltimbanques pour calfeutrer leurs propres inefficacités à vaincre leur
ridicule prétention à se vouloir des faiseurs de lois efficaces.
Tous ces Tartuffe et Médecins de l’âme
démocrate se tiennent les coudes dans la Fête ultime : faire croire que
chacun est concerné par LA cause (« -
Laquelle ? - N’importe laquelle, mon cher, pourvu qu’elle fidélise la
léthargie... on s’occupe du reste ».), hyperbole utile de la
diététique confinée dans la pensée déconstruite.
Dans l’apathie pensive, dans la
posture policière citoyenne sommeille une démocratie carnassière qui n’a plus
guère souci de paraître infantilisante.
Pour sûr, le pharisaïsme a le
triomphe facile. Que l’institution sanitaire se méfie tout de même, car à
légiférer sur tout sujet à la demande des sujets eux-mêmes heureux de jouer de
leur nature répressive, moins le besoin de police régalienne se fera sentir.
Or, qui dit régalisme en peine, dit tyrannie de la Fête en prime. La boucle
sera ainsi bouclée par une institution sanitaire bousculée de toute part,
vilipendée par ses mandants, anéantie par sa propre culture des dons du Bien
par les biens jusqu’à finir par nous forger une vaste patrie-infirmerie, un bel
Etat de surveillants généraux.
LSR
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