Presse de sang, presse-spectacle plutôt qu'information nue et dure pour les cécités des institutions dévoyées, par Patrice
Ni vu, ni compris.
Il est facile de comprendre où en est la presse
française (et d’autres) en voyant
comment elle a exploité les attentats du 13 novembre.
La lecture visuelle des photos est plus rapide et plus
évidente que la lecture des textes. Pour ceux-là, la seule lecture des titres
et intertitres suffira à comprendre sur quoi on a focalisé l’attention du
lecteur et où on veut le maintenir : sur
le moins-disant de l’événement.
L’avantage des photos, c’est qu’elles racontent ou
exposent l’événement crument. L’analyse et la compréhension ne font pas partie
du projet. Seul compte l’impact. Le fameux “poids
des mots et choc des photos“ de Paris-Match est encore présent dans
les mémoires. Seul a subsisté “le choc
des photos“.
En un mot et un seul : il faut qu’il y ait du sang et que ça se voit. Pour ce qui est du poids
des mots, ils font surtout pleurer dans les chaumières plus qu’ils n’informent,
lorsqu’on a le courage de lire le compte rendu.
On se demande s’ils ne sont pas que le complément des
photos et s’ils ne participent pas, comme ces dernières, de l’émotion et du
spectaculaire avant de remplir leur rôle d’information-spectacle. Mais, lorsque
d’information il n’y a pas, ou pas accessible, il faut pourtant bien exister en
tant qu’organe de presse. Va donc pour l’à peu près mais surtout pour le
rentable.
Car il s’agit
bien là d’un business qui doit vivre
des bonheurs et des malheurs du monde. Derrière la volonté d’informer
existe aussi, et de façon pressante, la calculette de la rentabilité de
l’événement. “Il faut bien vivre, mon
pauv’ monsieur ! “ Pour ce qui est des photos, j’imagine (pour l’avoir vécu) le stress, l’anxiété
des lendemains et surlendemains d’événements où il faut comptabiliser les
parutions que l’on pourra facturer aux journaux et donc à la fois la
rentabilité de “l’affaire“ et la
distance vis-à-vis des concurrents. “Si
on veut que ça paie, il faut être bon !“.
Cela n’intègre bien sûr pas, mais pas du tout, l’aspect
information de l’événement. On fait comme on peut, le mieux possible par
rapport aux confrères et néanmoins concurrents sur le marché et on vend le plus
possible. Le reste : l’information, l’émotion, les conséquences, les
motifs, l’histoire de l’événement, il n’y a pas de place pour ces
considérations-là.
Il y a autant de distance entre la photo d’un trou de
balle dans une vitrine et le pourquoi il y est, qu’entre la géopolitique des
événements et les corps sur le trottoir. Ames sensibles, s’abstenir.
Finalement, le ressenti à la vue des photos de tels
événements n’est guère éloigné de celle du coureur du Tour de France
franchissant la ligne d’arrivée : le vide absolu de l’information, le factuel dépouillé. De celles qui
tombent à pic pour justifier qu’on est la presse et qu’on en vit. Il
n’y aurait pas de photos “d’ambiance“
autour de l’événement, c’est-à-dire le ballet des ambulances et de la Police,
de quelques chaises et tables chamboulées et de mares de sang dont on se passerait bien, qu’on en saurait
autant. On peut imaginer sans qu’il soit besoin qu’on ait le nez dessus. Ça ne
risque pas d’être un canular. On ne
demande pas de preuves et le constat ne sert pas l’analyse, il sert le
spectacle.
C’est donc sur un sentiment avéré d’insipidité que la
presse va passer à autre chose, qu’elle va essayer de faire du chiffre d’affaires
sans pour autant nous avoir fait progresser dans la connaissance des
événements. Elle aura tenu le haut du pavé pendant le plus longtemps possible (les affaires sont les affaires !),
demain elle vous proposera autre chose. Finalement, la presse est-elle une
nécessité pour la démocratie lorsqu’elle est ravalée à de tels
comportements ?
Patrice C.
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